Séance en hémicycle du 16 mars 2016 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • individuelle
  • l’autorité
  • l’état d’urgence
  • péril
  • péril imminent

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bérit-Débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, avant la suspension de séance, lors du scrutin public n° 179 portant sur les amendements identiques n° 16, 22 rectifié bis, 46 rectifié et 48 rectifié tendant à la suppression de l’article 1er du projet de loi constitutionnelle, M. Poher souhaitait voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous reprenons l’examen du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 36 -1. – L’état d’urgence est décrété en conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire national, en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Aux termes de la loi de 1955, deux motifs peuvent justifier la déclaration de l’état d’urgence.

Le premier, qui a été invoqué à d’assez nombreuses reprises depuis 1955, est l’existence d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public.

Le second, en revanche, n’a jamais joué, et il est pour ainsi dire tombé en désuétude : l’état d’urgence peut être déclaré en cas de calamité publique. Dans cette hypothèse, la clause des circonstances exceptionnelles permet à l’administration de prendre les mesures qui s’imposent pour faire face à la situation, et si une catastrophe engendre un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, on retrouve le premier cas de figure.

À l’heure d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, il nous semble plus rigoureux de tirer les conséquences de l’inutilité complète de ces dispositions de l’article 1er de la loi de 1955, en retenant pour seul motif pouvant justifier la déclaration de l’état d’urgence l’existence d’un péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public.

Je souligne que cette notion a été parfaitement clarifiée par la jurisprudence, en particulier dans la période récente, via des décisions du Conseil constitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Amendement n° 6, dernier alinéa

Après le mot :

ministres,

insérer les mots :

après consultation officielle par le Premier ministre des présidents des assemblées,

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

À mon sens, la clarification proposée par M. le rapporteur est tout à fait bienvenue.

La Constitution de 1958 garantit, depuis plus de cinquante-sept ans, les équilibres politiques et la stabilité de notre République. Le général de Gaulle n’avait pas jugé bon d’y inscrire les dispositions de la loi de 1955.

Modifier la Constitution est un acte fort, qui ne doit pas être entrepris à la légère, sous le coup de l’émotion ou par calcul politique. C’est pourtant ce que nous sommes en train de faire, et je le regrette.

La Constitution doit définir les règles relatives au fonctionnement régulier des pouvoirs publics, à la séparation des pouvoirs, au fonctionnement de l’autorité judiciaire. Elle doit également énoncer les libertés fondamentales et leurs garanties. C’est dans cette optique que la commission des lois a travaillé, comme l’a expliqué son président.

C’est la raison pour laquelle le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dit « comité Balladur », auquel le Gouvernement se réfère volontiers quand cela l’arrange, avait proposé, dans son rapport, un encadrement accru du maintien des pouvoirs exceptionnels.

Si nous avions travaillé dans un autre contexte, et non sous le coup de l’émotion ou de ce que l’on croit être la pression de l’opinion, nous aurions entrepris, comme le comité Balladur le suggérait, de réfléchir à l’encadrement de tous les états d’exception : état d’urgence, état de siège, mise en œuvre de l’article 16.

Il n’en est pas ainsi, et nous ne discutons aujourd’hui que d’un cas, discussion au demeurant inutile puisque le Conseil constitutionnel estime que l’état d’urgence est autorisé par la Constitution actuelle.

Toutefois, puisque l’on a décidé de constitutionnaliser l’état d’urgence, autant en profiter pour accroître les garanties qui l’entourent. Tel est le sens du présent sous-amendement, qui vise à ce que les présidents des assemblées soient consultés par le Premier ministre avant que l’état d’urgence ne soit décrété en conseil des ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Amendement n° 6, dernier alinéa

Remplacer les mots :

péril imminent

par les mots :

danger clair et présent

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Tout à l’heure, j’ai entendu Philippe Bas affirmer que la notion de « péril imminent » était désormais précisément définie.

Pour moi, cette notion est sinon dangereuse, parce que nous ne sommes pas dans la situation de certains pays que j’ai connus au cours de ma carrière, où son utilisation justifiait tous les états d’urgence, tous les coups d’État, du moins problématique. Elle est susceptible d’ouvrir la voie à un certain nombre de stratagèmes ou de manipulations, d’autant que, pour invoquer un péril imminent, on se réfère généralement à des informations fournies par les services de renseignement, couvertes par le secret défense.

Nous ne trouverons pas de rédaction idéale, j’en suis conscient. Il me semble toutefois préférable de remplacer la notion de « péril imminent » par celle de « danger clair et présent », notamment pour obliger le Gouvernement et le Président de la République à expliquer de façon beaucoup plus précise et circonstanciée la nature du danger encouru.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 38 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Kern, est ainsi libellé :

Amendement n° 6, dernier alinéa

Remplacer les mots :

péril imminent

par les mots :

danger public exceptionnel menaçant la vie de la Nation et

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je soutiens la révision constitutionnelle et j’ai indiqué tout à l’heure que je m’inscrivais dans la tradition de défense des libertés publiques qui constitue la marque de fabrique du Sénat.

Je souscris à l’amendement n° 6 de la commission des lois visant à exclure la référence à la « calamité publique ». La rédaction actuelle du texte me semble toutefois poser encore une difficulté.

Un « péril imminent » suppose un événement non encore advenu. Or il doit résulter « d’atteintes graves à l’ordre public », c’est-à-dire d’événements qui se sont déjà produits. Une telle définition, qui s’inscrit dans deux temporalités différentes, me paraît ambiguë. La pratique montre d’ailleurs que ce n’est pas le péril imminent, mais les atteintes graves à l’ordre public, qui ont, historiquement, justifié l’état d’urgence.

C’est pourquoi je propose de remplacer « péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » par « danger public exceptionnel menaçant la vie de la Nation et résultant d’atteintes graves à l’ordre public ». Cela répond à la logique de protection des libertés publiques que j’évoquais.

Trois arguments militent en faveur de l’adoption de ma proposition.

Premièrement, cette rédaction est parfaitement conforme à l’avis du Conseil d’État, d’abord sensible à la référence à l’ordre public.

Deuxièmement, cette terminologie reprend les dispositions de l’article 15 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la CEDH, qui fait référence au danger public menaçant la vie de la Nation.

Troisièmement, vous avez fait référence tout à l’heure à un avis de la Commission de Venise, monsieur le garde des sceaux. J’ai consulté ce document, dont je n’avais pas connaissance au moment de rédiger mon amendement, et il s’avère que l’alinéa 101 de l’avis de la Commission de Venise est exactement conforme à la rédaction que je propose.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli, Mme Garriaud-Maylam et M. Barbier, est ainsi libellé :

Amendement n° 6, dernier alinéa

Remplacer les mots :

l’ordre public

par les mots :

la vie de la Nation

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Le motif d’ordre public me semble trop large. Il est susceptible d’être invoqué dans de multiples circonstances et s’apprécie différemment selon le contexte, l’époque et parfois même les mœurs, comme le rappelle la jurisprudence du Conseil d’État.

Il me semble préférable, comme l’expliquait notre collègue Philippe Bonnecarrère, de se fonder sur le critère prévu à l’article 15 de la CEDH, qui fait autorité, cette convention ayant été ratifiée par la France.

J’ajoute que l’article 2 du projet de loi, relatif à la déchéance de nationalité, établit implicitement un lien entre terrorisme et atteinte grave à la vie de la Nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 36-1. – L’état d’urgence est décrété en conseil des ministres, sur tout ou partie du territoire de la République, en cas d’un péril imminent pour la vie de la Nation résultant d’atteintes graves et constatées à l’ordre public.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La question de la définition de l’état d’urgence et des motifs de sa mise en œuvre est absolument fondamentale, ce qui explique nos interrogations et nos inquiétudes sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence. La notion de péril imminent peut être interprétée de manière extrêmement large, comme l’expérience le démontre. Ainsi, en 2005, le président Chirac l’avait invoquée à la suite des incidents graves survenus dans les banlieues.

Nous avons donc considéré, tout en relevant qu’il n’était pas opportun de constitutionnaliser l’état d’urgence, qu’il était nécessaire que ce péril imminent ait été constaté. Nous ne faisons aucun procès d’intention à quelque gouvernement que ce soit, ancien, présent ou futur, mais nous ne voulons pas que l’exécutif, induit en erreur par les services de renseignement, puisse déclencher l’état d’urgence de manière injustifiée.

C’est pourquoi il nous semble indispensable de préciser que le péril imminent doit résulter d’atteintes graves et constatées à l’ordre public, afin que des présomptions de péril imminent ne puissent pas suffire à déclencher l’état d’urgence.

Cette rédaction, sans résoudre tous les problèmes, permettrait un progrès important au regard du risque que représente la constitutionnalisation de l’état d’urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La commission est favorable au sous-amendement n° 25 rectifié, sous réserve qu’il soit de nouveau rectifié, afin de supprimer les mots « officielle par le Premier ministre ».

La mise en œuvre de l’état d’urgence s’effectue en effet par décret en conseil des ministres, c’est-à-dire par décret du Président de la République. Il paraît donc souhaitable que ce soit le chef de l’État qui consulte les présidents des assemblées, sans qu’il soit pour autant nécessaire de le préciser expressément.

À cette condition, il a semblé à la commission des lois que le dispositif de ce sous-amendement constituait une garantie supplémentaire. Il faut pouvoir faire vite et, même si le terme « officiel » n’a pas un sens juridique très précis, ne pas rigidifier la procédure au niveau constitutionnel. Dans la nuit du 13 au 14 novembre dernier, le conseil des ministres étant convoqué, il était relativement aisé, pour le Président de la République, de prendre l’attache du président de l’Assemblée nationale ou de celui du Sénat, par tout moyen. Le plus important est que cette consultation ait lieu. Moyennant cette modification de rédaction, l’avis de la commission sera favorable.

En revanche, je vous demande de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 23 rectifié, monsieur Malhuret. À défaut, la commission émettra un avis défavorable. Je sais qu’il est difficile de trouver des qualifications permettant d’offrir davantage de garanties que la notion de « péril imminent », mais celle de « danger clair et présent » me semble plutôt plus faible. À tout prendre, il vaut mieux conserver la condition du « péril imminent », qui me paraît plus exigeante que celle du simple danger.

Monsieur Bonnecarrère, vous avez déposé un certain nombre d’amendements ou de sous-amendements, dont plusieurs recoupent ceux qui ont été adoptés par la commission.

J’aurai l’occasion, tout à l’heure, de donner un avis favorable à l’un d’entre eux, qui me semble ajouter aux garanties que nous avons souhaité introduire dans ce texte. Toutefois, dans le prolongement des arguments que je viens de développer concernant le sous-amendement n° 23 rectifié, la condition de « péril imminent » me semble, à tout prendre, plutôt plus exigeante que celle de « danger », fût-il exceptionnel et menaçant la vie de la nation. En outre, la notion de péril imminent a déjà donné lieu à des appréciations jurisprudentielles. Si nous adoptons une autre formulation, ce sera un saut dans l’inconnu, et nous ne savons pas si les contours qui seront donnés à cette nouvelle notion par les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État seront plus restrictifs ou, au contraire, plus étendus que ceux du « péril imminent ». Dans ces conditions, la sagesse recommande de conserver la notion de « péril imminent ».

C’est la raison pour laquelle je me permets, monsieur Bonnecarrère, de vous faire la même demande qu’à M. Malhuret.

S’agissant du sous-amendement n° 24 rectifié, la notion d’ordre public s’enseigne en première année de droit. Ses contours sont donc bien définis, et assez larges, il est vrai.

Vous avez raison de le souligner, monsieur Malhuret : la notion d’ordre public offre des souplesses qui permettent au Gouvernement de faire face à des situations que l’on ne peut pas prévoir à l’avance. Je dois toutefois insister sur un point essentiel : la justification du décret instaurant l’état d’urgence est contrôlée par le Conseil d’État. La loi qui, éventuellement, prorogera l’état d’urgence pourra elle aussi faire l’objet, soit au moment de sa promulgation, soit par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, d’un examen par le Conseil constitutionnel. S’il est constaté que le Gouvernement ou le législateur ont adopté une conception trop extensive de l’ordre public et que l’état d’urgence n’est pas justifié, la censure tombera immédiatement. Ce serait donc un bien grand risque, pour l’exécutif comme pour le législateur, de prononcer l’état d’urgence sans raison valable.

Il est difficile de dire à l’avance si la notion de « vie de la Nation » sera interprétée plus largement ou de façon plus restrictive que celle d’« ordre public ». Ce concept est en tout cas moins connu que celui d’ordre public. Aussi je demande le retrait du sous-amendement n° 24 rectifié, mon cher collègue. À défaut, l’avis de la commission ne pourra être que défavorable.

Enfin, monsieur Mézard, l’amendement n° 70 rectifié tend à caractériser le « péril imminent » par référence à la « vie de la Nation ». Il a pu se produire, dans le passé, que l’état d’urgence soit proclamé d’une manière qui a été considérée comme justifiée, alors que la vie de la Nation n’était pas interrompue ni menacée. Vous souhaitez certainement restreindre les possibilités de recourir à l’état d’urgence par rapport au droit positif. Je ne peux m’associer à cette démarche.

La commission des lois a rejeté cet amendement. Il serait préférable que vous acceptiez de le retirer, mon cher collègue. Sinon, la commission des lois émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est réservé sur le sous-amendement n° 25 rectifié, pour ne pas dire qu’il y est défavorable. Deux états d’exception sont pour l’heure constitutionnalisés ; le Gouvernement propose qu’il y en ait un troisième, et nous essayons, sans qu’il y ait de vérité révélée en la matière, de rechercher une sorte de parallélisme des formes.

Aux termes de l’article 16 de la Constitution, le Parlement est consulté, par le biais des présidents des chambres, parce que le fonctionnement des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu. Dans ce cas, le constituant de 1958 a estimé qu’il était utile d’interroger le pouvoir législatif.

Dans le cas de l’état d’urgence, il n’y a pas d’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics. De surcroît, les dispositions de la loi de 1955 ont déjà été intégrées et vous y avez ajouté le contrôle parlementaire, qui, selon nous, suffit amplement à associer le Parlement, au-delà d’ailleurs d’une simple consultation.

Sur les autres sous-amendements, le Gouvernement partage le point de vue exprimé excellemment par M. Bas. Là encore, certaines notions peuvent parfois apparaître imprécises, alors qu’en réalité elles sont bien définies par les jurisprudences, notamment celle des tribunaux administratifs. Je pense en particulier à la notion d’« atteintes graves à l’ordre public », très bien fixée par la jurisprudence du Conseil d’État, voire par celle du Conseil constitutionnel, qui a fait de la prévention des atteintes graves à l’ordre public un objectif à valeur constitutionnelle. Par conséquent, la référence à cette notion est source de sécurité juridique.

La notion de « péril imminent » a une vocation préventive, mais j’attire votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait que le péril imminent doit naître d’atteintes graves à l’ordre public, qui est donc une notion bien définie. Dans ces conditions, le Gouvernement n’est pas convaincu qu’il soit utile de préciser cette formulation, comme certains d’entre vous le proposent.

Par exemple, le sous-amendement n° 38 rectifié tend à remplacer les mots « péril imminent » par les mots « danger public exceptionnel menaçant la vie de la nation ». Or le péril imminent peut ne concerner qu’une partie du territoire et de la population, et non la Nation tout entière. Ainsi, un précédent gouvernement a décrété l’état d’urgence sur le seul territoire de la Nouvelle-Calédonie. Il nous semble donc que la rédaction actuelle du texte est suffisamment sécurisée pour qu’il ne soit pas nécessaire d’introduire les précisions proposées, qui seraient à mon sens davantage source de confusion que de clarification : je le dis avec beaucoup d’humilité car, en la matière, il n’existe ni argument d’autorité ni vérité absolue.

Par conséquent, le Gouvernement sollicite lui aussi le retrait de ces sous-amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 6 de la commission visant à supprimer le motif de calamité publique pour justifier la déclaration de l’état d’urgence. De notre point de vue, la référence à cette notion a une vocation « curative ». Certes, il n’y a jusqu’à présent jamais été recouru pour justifier l’instauration de l’état d’urgence, mais on peut parfaitement imaginer que, en cas d’accident technologique ou d’épidémie particulièrement fulgurante, cela puisse se révéler nécessaire. Par conséquent, il ne nous semble pas souhaitable de supprimer cette possibilité, qui pourrait s’avérer utile pour faire face à une crise civile de très grande ampleur. Le Gouvernement ne peut que constater, à regret, son désaccord avec le rapporteur sur ce point.

Enfin, dans le même esprit, l’amendement n° 70 rectifié ne nous paraît pas non plus compléter utilement la rédaction actuelle du texte. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le garde des sceaux, en cas d’accident nucléaire, de tsunami ou autre calamité publique, le Gouvernement n’aura nul besoin de procéder à des assignations à résidence ou à des perquisitions ! La notion d’atteintes graves à l’ordre public, dont vous avez rappelé le contenu, parfaitement circonscrit par la jurisprudence, permettrait tout à fait de justifier la mise en œuvre de l’état d’urgence pour limiter la liberté de réunion, de manifestation, ou prendre un certain nombre de mesures d’ordre général en cas de catastrophe naturelle. Par ailleurs, le Gouvernement dispose d’autres moyens d’agir. Votre réponse ne peut donc nous convaincre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Pour éclairer le vote du Sénat à la suite de débats qui ont eu lieu en commission et qui se sont poursuivis ici, je voudrais que soit levé un doute sur la notion de troubles graves à l’ordre public dans le cas de la mise au jour d’un complot.

Imaginons que, deux jours avant le 13 novembre, les services aient détecté les mouvements des commandos et que le Gouvernement ait ainsi acquis la quasi-certitude de l’imminence d’un attentat. Certes, on peut supposer que, si les indices sont suffisants, le pouvoir judiciaire interviendra immédiatement. Mais, dans la zone grise, dans l’hypothèse où le pouvoir exécutif acquiert, dans le cadre de l’exercice de sa mission de prévention, la conviction qu’il existe un risque élevé de commission d’un attentat, cette circonstance peut-elle être considérée - j’ai pour ma part tendance à le croire - comme constitutive d’un trouble grave à l’ordre public ? Dans la négative, l’objet même de l’état d’urgence se trouverait évidemment fragilisé.

Cela étant, je reconnais que c’est quelque peu solliciter le vocabulaire et les notions juridiques que de considérer qu’une telle circonstance, pourtant révélatrice d’un péril imminent, constitue un trouble grave à l’ordre public…

Que des individus accumulent des armes, des explosifs, louent des véhicules en vue de la commission d’attentats est en soi un trouble grave à l’ordre public. Pourrait-on considérer que celui-ci est suffisamment caractérisé pour justifier l’instauration de l’état d’urgence ? C’est à mon avis une question sur laquelle le Sénat doit être éclairé.

J’indique que le groupe socialiste et républicain, tout en partageant une partie de l’argumentation du Gouvernement, considère que l’adoption de l’amendement de la commission visant à supprimer la référence à la notion de calamité publique renforcerait la crédibilité de la réforme constitutionnelle. En effet, ce sont les autres pouvoirs de police administrative générale ou spéciale à la disposition du Gouvernement qui permettent de faire face à une calamité publique ; ce n’est que si celle-ci donne lieu, par exemple, à des pillages qu’il y a trouble grave à l’ordre public.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Dans le cas d’école que vous nous soumettez, monsieur le sénateur, où le Gouvernement est informé par ses services de l’imminence d’un attentat, c’est à la voie judiciaire qu’il est immédiatement recouru. La menace d’un péril imminent suffit-elle à justifier la déclaration de l’état d’urgence ?

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

De mon point de vue, la réponse est non. C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi de 1955 ne constitue pas la porte ouverte à l’instauration de l’état d’urgence en toutes circonstances ! Il faut que le péril imminent, dont l’état d’urgence vise à prévenir les conséquences, résulte d’atteintes graves à l’ordre public. Or, dans le cas d’espèce que vous soulevez, monsieur le sénateur, il n’y a pas encore eu d’atteintes à l’ordre public et, par conséquent, l’état d’urgence ne peut pas être décrété. La seule voie d’action est judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

L’amendement de la commission est à mon sens tout à fait satisfaisant. On peut être pour ou contre l’état d’urgence, mais les combats d’arrière-garde visant à en réduire artificiellement la portée me semblent assez inutiles.

Pour le reste, la question de savoir si l’on doit retenir le mot « péril » ou le mot « danger » ne me paraît pas vraiment fondamentale.

Certes, on met en avant la jurisprudence, mais chacun sait ce qu’il en est en la matière : les positions des tribunaux peuvent varier en fonction des circonstances. Aussi me semblerait-il plus simple d’adopter en l’état l’amendement de la commission, dont la rédaction est facile à comprendre et à interpréter, plutôt que d’en compliquer ou d’en édulcorer le dispositif au travers de ces différents sous-amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les explications que vient de donner M. Richard montrent la difficulté d’inscrire ces éléments dans la Constitution. Que le Gouvernement dispose d’indices lui donnant à croire à l’imminence de la commission d’un attentat peut-il justifier la déclaration de l’état d’urgence ? Dans une telle hypothèse, il existe des procédures, en particulier judiciaires, qui permettent d’intervenir directement et immédiatement.

Par ailleurs, je suis en parfait accord avec la commission quand elle propose la suppression de la référence à la notion de calamité publique pour justifier la déclaration de l’état d’urgence. Cette discussion est d’ailleurs révélatrice de ce qui est sous-jacent à ce projet de loi constitutionnelle : considérer qu’un gouvernement pourrait décréter l’état d’urgence en cas de calamité publique n’a aucun sens, monsieur le garde des sceaux. Je le dis comme je le pense ! S’il s’agit de réprimer des actes de pillage consécutifs à une calamité publique, il existe d’autres moyens d’intervenir.

En tout cas, vos explications ne m’ont pas convaincu. Si vous persistiez à vouloir maintenir cette référence dans le texte, cela signifierait que vous voulez absolument élargir, dans la Constitution, le champ du recours à l’état d’urgence, dans des conditions telles que cela confirmerait toutes les inquiétudes que nous sommes très nombreux à nourrir ici.

Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Claude Malhuret, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Tout d’abord, monsieur le président, j’accepte de rectifier le sous-amendement n° 25 rectifié dans le sens souhaité par M. le rapporteur. Ce qui m’importe, c’est que les présidents de chaque assemblée soient consultés, officiellement ou d’une autre façon.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 25 rectifié bis, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli et Mme Garriaud-Maylam, et ainsi libellé :

Amendement n° 6, dernier alinéa

Après le mot :

ministres,

insérer les mots :

après consultation des présidents des assemblées,

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Par ailleurs, vous estimez que le mot « péril » est plus fort que le mot « danger ». Je ne vois aucune objection à remplacer, dans le texte du sous-amendement n° 23 rectifié, le second par le premier.

En revanche, je tiens à la substitution des mots « clair et présent » à l’adjectif « imminent ». M. Mézard s’est exprimé sur ce sujet de manière beaucoup plus précise que je ne saurais le faire. La notion de « péril imminent » implique celle de présomption, qui est discutable, sujette à interprétation, alors que la démonstration du caractère « clair et présent » d’un péril suppose des preuves concrètes.

Peut-être accepterez-vous, monsieur le rapporteur, de faire la moitié du chemin, afin que nous puissions trouver un compromis ? Dans cet esprit, je propose de retenir la formulation « péril clair et présent ».

Enfin, je vous remercie de m’avoir indiqué que c’est en première année de droit que l’on étudie la notion d’ordre public. Je vous signale cependant que j’ai fait quelques années de droit et que, si l’on me connaît surtout en tant que médecin, je suis également avocat…

Si je propose, par le sous-amendement n° 24 rectifié, de substituer l’expression « la vie de la Nation » aux termes « l’ordre public », c’est, là aussi, parce qu’il me semble qu’il faut resserrer les critères pour le recours à ces pouvoirs exceptionnels plutôt que les élargir. La notion d’ordre public, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, est très large et peut être interprétée de différentes façons. L’expression « vie de la Nation » étant d’interprétation plus stricte, elle me paraît préférable. Elle figure d’ailleurs à l’article 2 du texte, relatif à la déchéance de nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

La formulation proposée au travers du sous-amendement n° 38 rectifié est juridiquement étayée et répond aux préoccupations exprimées par notre collègue Alain Richard, mais j’admets bien volontiers que, par hypothèse, elle n’a pu être examinée par le Conseil constitutionnel.

Ne voulant pas ajouter un facteur de risque ou proposer de faire un saut dans l’inconnu, pour reprendre une formule employée par M. le rapporteur, je retire ce sous-amendement, d’autant que vous avez eu, monsieur Bas, la courtoisie de manifester votre intérêt pour certains des amendements que je défendrai par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 38 rectifié est retiré.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Maintenant que vous admettez que le mot « péril » est préférable au mot « danger », j’aimerais pouvoir vous convaincre des vertus du qualificatif « imminent ». Un péril « clair et présent » s’oppose-t-il à un péril « opaque et absent » ? Un péril « imminent » est un péril très présent ! Je vous accorde qu’il ne s’est pas encore réalisé, mais il en va de même d’un péril « clair et présent » !

Je vous invite donc, mon cher collègue, à prolonger l’effort que vous avez déjà consenti en retirant votre sous-amendement n° 23 rectifié.

Rires sur les travées du groupe CRC.

Le sous-amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Malhuret, retirez-vous le sous-amendement n° 23 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. Claude Malhuret. Les compromis proposés par le président de la commission des lois sont quelque peu particuliers, puisqu’il m’explique qu’il m’incombe de faire l’ensemble du chemin… En d’autres termes, ce qui est à moi est à moi, ce qui est à toi est négociable.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Je ne me battrai pas sur ce point, mais je persiste à penser que les termes « clair et présent » sont préférables à l’adjectif « imminent ». Néanmoins, mon sous-amendement n’ayant guère de chances d’être adopté étant donné l’avis défavorable de la commission, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 23 rectifié est retiré.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 24 rectifié.

Le sous-amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, l'amendement n° 70 rectifié n'a plus d'objet.

Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 7, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les mesures pouvant être prises pour prévenir ce péril sont strictement adaptées, nécessaires et proportionnées.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il s’agit de créer une garantie supplémentaire, qui permettra un contrôle approfondi par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, chacun dans l’ordre de ses compétences, de la décision de mettre en œuvre l’état d’urgence et des mesures prises dans le cadre de ce dernier.

C’est ce que l’on appelle le « triple test » : pour être conformes à notre droit, les mesures doivent être à la fois adaptées, nécessaires et proportionnées. En inscrivant ce principe dans la Constitution, nous donnerons au juge les moyens d’empêcher tout abus de droit dans le cadre de l’état d’urgence.

Je précise que ces notions ont non seulement déjà été forgées par nos plus hautes juridictions, mais qu’elles ont également cours dans tous les principaux pays qui connaissent un régime analogue à l’état d’urgence.

En adoptant cet amendement, nous fortifierons le contrôle juridictionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Amendement n° 7, dernier alinéa

Remplacer le mot :

prévenir

par le mot :

combattre

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. le président de la commission des lois m’a obligé, il y a un instant, à faire la totalité du chemin plutôt que la moitié. Je me vois maintenant contraint d’aller au-delà de la ligne d’arrivée : ce sous-amendement étant de coordination avec le sous-amendement n° 23 rectifié, que j’ai retiré, je le retire également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 28 rectifié est retiré.

Le sous-amendement n° 21, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Amendement n° 7, dernier alinéa

Après le mot :

sont

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

proportionnées à celui-ci.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce sous-amendement, qui porte sur la syntaxe, ne change rien sur le fond à l’amendement de la commission.

Une mesure proportionnée doit bien évidemment l’être à quelque chose, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli, Mme Garriaud-Maylam et M. Pinton, est ainsi libellé :

Amendement n° 7, dernier alinéa

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une loi organique précise leurs conditions d’application.

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Les états d’exception sont choses sérieuses, choses graves. Dès lors que l’on inscrit l’état d’urgence, qui emporte évidemment la prise de mesures restrictives des libertés individuelles, dans la Constitution, il est nécessaire que les dispositions arrêtées dans ce cadre soient soumises automatiquement au contrôle du Conseil constitutionnel. Cela implique l’intervention d’une loi organique.

C’est d’ailleurs ce que recommandait le comité Balladur, auquel le Gouvernement se réfère très souvent pour justifier l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution.

De surcroît, cette formulation, par sa concision inspirée par le comité Balladur, est beaucoup plus élégante et adaptée, me semble-t-il, à un texte constitutionnel. En tout cas, elle apporte de bien meilleures garanties.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Malhuret, Grand, Bignon et Portelli et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Amendement n° 7, dernier alinéa

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Une loi précise leurs conditions d’application.

La parole est à M. Claude Malhuret.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Il s’agit d’un sous-amendement de repli par rapport au précédent. Il convient que, pour le moins, une loi précise les conditions d’application des mesures pouvant être prises.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 49 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Une loi organique fixe les mesures que les autorités civiles peuvent prendre pour directement prévenir ce péril ou faire face à ces événements, dans le respect des compétences qui appartiennent par nature à l’autorité judiciaire.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Notre amendement de suppression de l’article 1er ayant été rejeté, nous proposons d’entourer du moins la constitutionnalisation de l’état d’urgence d’un maximum de garanties.

En premier lieu, l’amendement n° 49 rectifié vise à garantir que la loi fixant les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sera de nature organique. Ce point nous paraît essentiel, une loi organique étant obligatoirement soumise au contrôle du Conseil constitutionnel.

En deuxième lieu, il tend à prévoir que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence devront avoir un lien direct avec les événements ou le péril imminent ayant justifié la déclaration de l’état d’urgence. Plusieurs abus ont été constatés récemment, notamment des assignations à résidence à l’occasion de la COP 21 ou des interdictions de déplacement de supporters de football.

Enfin, il a pour objet de maintenir la compétence de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Les amendements n° 32 rectifié bis et 50 rectifié sont identiques.

L'amendement n° 32 rectifié bis est présenté par M. Leconte, Mme Lienemann, MM. Masseret, Cabanel, Duran, Durain, Néri et Mazuir et Mme Khiari.

L'amendement n° 50 rectifié est présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

La loi

par les mots :

Une loi organique

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le garde des sceaux, vous avez évoqué tout à l’heure l’avis de la Commission de Venise sur ce texte. Certes, il n’est pas cinglant, mais il n’est pas aussi favorable que vous l’avez indiqué. Disons qu’il peut se résumer par la formule « peut mieux faire ».

La Commission de Venise relève en particulier qu’il est indispensable d’accroître les garanties contre d’éventuels abus. Elle insiste sur la nécessité d’un contrôle constitutionnel de l’ensemble des dispositions prises dans le cadre de l’état d’urgence. Enfin, elle souligne qu’il est important qu’aucune mesure ne constitue un « chèque en blanc » pour le législateur ou l’exécutif.

Dans cette perspective, le présent amendement a pour objet de prévoir qu’une loi organique fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles pourront prendre dans le cadre de l’état d’urgence.

Cela garantira l’exercice d’un contrôle de constitutionnalité en amont, gage de protection de nos droits et de nos libertés. Ce sera aussi, pour l’exécutif, une sécurité juridique que de mettre en œuvre des mesures ayant fait au préalable l’objet d’un tel contrôle.

Si nous proposons une rédaction différente de celle de la commission, qui prévoit également le recours à une loi organique, c’est parce qu’il nous semble préférable que celle-ci se borne à définir et à encadrer les mesures de police administrative pouvant être prises par les autorités civiles, le reste, en particulier la définition du caractère adapté, nécessaire et proportionné de ces mesures, devant relever de la compétence du législateur. Notre rédaction est plus souple.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il s’agit d’un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 49 rectifié.

Nous souhaitons garantir, a minima, que la loi fixant les mesures pouvant être prises durant l’état d’urgence soit de nature organique. Comme l’a souligné la CNCDH dans son avis du 18 février 2016, « la technique du renvoi à la loi n’est aucunement protectrice, dès lors que la Constitution habilite le législateur à user de son pouvoir discrétionnaire sans l’encadrer par des dispositions matérielles contraignantes ».

Toutefois, M. le rapporteur ayant montré qu’il partageait notre préoccupation, je retire cet amendement au bénéfice du sien.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 50 rectifié est retiré.

L'amendement n° 19, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

de police administrative

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

À mon sens, il ne faut pas restreindre la portée de la loi dans ce domaine en spécifiant qu’elle n’intervient que pour fixer les mesures de police administrative pouvant être prises par les autorités civiles.

Il faut laisser à la loi la possibilité de fixer des dispositions un peu plus larges dans certains cas d’espèce que nous ne pouvons pour l’heure envisager mais qui pourraient se présenter à l’avenir.

La rédaction qui nous est proposée est à mon avis trop précise et trop restrictive. Nous avons souvent tendance à vouloir prévoir toutes les hypothèses, or des situations difficilement prévisibles aujourd’hui peuvent apparaître en cas d’urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme Lienemann, MM. Masseret, Cabanel, Labazée, Durain, Duran, Néri et Mazuir et Mme Khiari, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

prendre

insérer les mots :

, dans le respect des compétences dévolues à l'autorité judiciaire par l'article 66 de la Constitution,

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Par cet amendement, nous souhaitons préciser qu’aucune mesure ne peut déroger au respect des compétences dévolues à l’autorité judiciaire par l’article 66 de la Constitution.

Cet amendement reflète une préoccupation partagée par M. le rapporteur et par la Commission de Venise. Il nous semble indispensable d’affirmer que la compétence du juge judiciaire comme protecteur de la liberté individuelle n’est pas négociable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 51 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Aïchi, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

pour

insérer le mot :

directement

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

C’est également un amendement de repli par rapport à l’amendement n° 49 rectifié.

Il s’agit ici de garantir que les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence aient un lien direct avec les événements ou le péril imminent ayant mené à son instauration.

Je le répète, de nombreux abus ont été constatés récemment, notamment des assignations à résidence prises dans le cadre de la COP 21 ou des interdictions de déplacement de supporters de football.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire dans cet hémicycle, l’état d’urgence et les mesures gravement attentatoires aux libertés individuelles qu’il implique ne doivent pas être détournés de leur objectif. Il ne s’agit pas d’un outil supplémentaire de lutte contre la délinquance.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 8, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être dérogé à la compétence que l'autorité judiciaire tient de l'article 66 pour la protection de la liberté individuelle.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Cet amendement tend tout simplement à affirmer qu’il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire tient de l’article 66 de la Constitution pour la protection de la liberté individuelle.

Il y a eu de nombreux débats sur cette question et, dès novembre dernier, lors de l’examen de la loi autorisant la prorogation de l’état d’urgence et étendant les pouvoirs conférés au Gouvernement pendant cette période, nous avons veillé à ce que les prérogatives du juge judiciaire soient préservées.

Ces prérogatives sont circonscrites au contrôle des mesures privatives de liberté. Je rappelle que l’article 66 de la Constitution dispose que « nul ne peut être arbitrairement détenu » et que « l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle » met en œuvre ce principe.

Il s’agit ici de bien préciser que, malgré le caractère dérogatoire au droit commun des règles mises en œuvre pendant l’état d’urgence, ces dernières ne peuvent aller jusqu’à remettre en cause la compétence conférée à l’autorité judiciaire par l’article 66 de la Constitution en matière de contrôle des mesures privatives de liberté.

Si cet amendement est adopté, son dispositif figurera au nombre des garanties supplémentaires pour la protection de la liberté individuelle sous le régime de l’état d’urgence que le Sénat aura introduites dans le texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère, Kern et Marseille, est ainsi libellé :

Amendement n° 8, alinéa 3

Remplacer les mots :

à la compétence que l’autorité́ judiciaire tient de l’article 66 pour la protection de la liberté́ individuelle

par les mots :

aux contrôles juridictionnels

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je comprends parfaitement la logique développée par M. le président de la commission des lois quand il propose d’apporter des garanties supplémentaires pour la protection des libertés publiques.

Nous le savons tous, les juridictions judiciaires ont exprimé beaucoup de réticences, d’appréhensions ou de critiques à l’occasion des multiples audiences solennelles qui se sont déroulées ces dernières semaines.

L’amendement de la commission des lois tendant à rappeler la prérogative spécifique conférée à l’autorité judiciaire par l’article 66 de la Constitution est, à l’évidence, bienvenu ; il répondra aux préoccupations manifestées par les juridictions judiciaires.

Qu’il me soit cependant permis de faire très respectueusement part à la commission d’une inquiétude concernant l’insertion de cette disposition après l’alinéa 3, relatif aux mesures de police. Je crains que, à trop vouloir préciser les choses, on ne suscite, a contrario, une interrogation quant à la limite des compétences administratives.

Est-ce là, de ma part, l’expression d’une vision excessivement pointilleuse ? Je n’en suis pas tout à fait certain. N’ayant pas l’honneur d’être membre de la commission des lois, j’ai pris soin de lire les comptes rendus de ses travaux. Je dois dire que j’ai été saisi par les explications données par le vice-président du Conseil d’État, d’une part, et par le Premier président de la Cour de cassation, d’autre part. Le débat fut feutré, mais débat il y eut !

Il me semble qu’il existe un vrai risque de contentieux ou d’accélération d’un contentieux dans ce domaine. C’est la raison pour laquelle il me paraîtrait opportun de faire référence aux contrôles juridictionnels au sens large et de renvoyer à la loi organique le soin d’effectuer la répartition.

Telle est la suggestion que je fais très respectueusement à la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire tient de l’article 66 pour la protection des libertés individuelles.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce débat est extrêmement important, non pas seulement sur le plan symbolique, mais surtout au regard de l’application des principes généraux de notre droit.

Par rapport à l’excellent amendement présenté par M. Bas, celui que je soutiens tend à proposer une modification qui peut paraître mineure, mais qui ne l’est en fait aucunement.

L’amendement de la commission des lois prévoit qu’il ne puisse être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire tient de l’article 66 « pour la protection de la liberté individuelle ». Nous préférons, pour notre part, viser la protection « des libertés individuelles ». Si la différence peut sembler, de prime abord, tout à fait secondaire, elle est en réalité extrêmement importante. Le Premier président de la Cour de cassation lui-même a rappelé devant la commission des lois que la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 faisait de l’autorité judiciaire le garant des libertés individuelles. Est ensuite apparue, au cours des décennies suivantes, notamment du fait de décisions du Conseil constitutionnel, une évolution, qui n’est pas neutre, vers la notion de liberté individuelle.

C’est l’autorité judiciaire, et elle seule, qui doit avoir le dernier mot sur tout ce qui est relatif à la préservation de la liberté : en matière de privation de liberté, il n’y a et il ne doit y avoir qu’un interlocuteur, à savoir le juge judiciaire.

Il me paraît important, monsieur le garde des sceaux, d’écouter le Premier président de la Cour de cassation et la conférence des Premiers présidents de cour d’appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 12, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur les amendements qu’elle n’a pas elle-même présentés, ainsi que sur les sous-amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Comme l’ont souligné tout à l’heure M. Malhuret, Mme Benbassa ou M. Leconte, il est important que la loi qui régit l’état d’urgence soit non pas une loi ordinaire, mais une loi organique. En effet, le Conseil constitutionnel est obligatoirement saisi de toute loi organique. Le Sénat étant toujours partisan de renforcer les garanties pour la protection des libertés fondamentales, nous ne pouvons que souhaiter que le régime de l’état d’urgence soit défini par une loi obligatoirement déférée au Conseil constitutionnel. D'ailleurs, si la loi de novembre dernier prorogeant l’état d’urgence avait été soumise à celui-ci, comme je l’avais demandé au Premier ministre, nous nous serions sans doute épargné bien des débats !

Notre seule divergence avec les collègues que je viens de citer porte sur le lieu d’insertion dans le texte de la mention du recours à la loi organique.

Habituellement, c’est à la fin de l’article que l’on précise quelle sera la nature du texte d’application. Par conformisme, voire par conservatisme, je n’ai pas voulu déroger à cette pratique rédactionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur les amendements qui tendent à insérer ailleurs la référence à la loi organique.

Le sous-amendement n° 21 de M. Masson est assez mathématique, ce qui ne saurait nous étonner ! Il a toutefois l’inconvénient de supprimer les notions de nécessité et d’adaptation des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, qui me paraissent devoir être conservées. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

Je suggère à M. Malhuret de retirer le sous-amendement n° 26 rectifié. Nous voulons en fait la même chose et divergeons simplement sur l’emplacement de la mention de la loi organique.

La commission des lois sollicite également le retrait du sous-amendement n° 27 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° 49 rectifié prévoit certes l’intervention d’une loi organique, mais il comporte aussi un certain nombre de précisions qui soulèvent un débat fondamental.

Au fond, madame Benbassa, vous voulez que, dans le cadre de l’état d’urgence, ne puissent être prises que des mesures ayant un lien avec le traitement des causes de la déclaration de l’état d’urgence. Or le régime de l’état d’urgence, tel que validé par le Conseil constitutionnel, permet la prise de mesures ne se rapportant pas directement aux causes de l’état d’urgence.

Au mois de novembre dernier, des attentats terrifiants ont tétanisé notre pays. En même temps, la vie continuait et un certain nombre d’autres menaces à l’ordre public devaient être prises en compte. Il a fallu à la fois protéger les lieux de réunion, interdire certaines manifestations et accueillir une conférence internationale. Dans cette perspective, l’état d’urgence permet de prendre des mesures qui ne sont pas directement liées à la lutte contre le terrorisme. Ce qui est nécessaire pour lutter contre le terrorisme, c’est le bon emploi des forces, lequel peut exiger de prendre, dans le cadre de l’état d’urgence, des mesures qui n’ont pas trait à la cause de la déclaration de ce dernier.

C'est la raison pour laquelle, tout en reconnaissant l’importance de ce débat, la commission s’est opposée à l’amendement n° 49 rectifié.

Concernant l’amendement n° 32 rectifié bis, monsieur Leconte, il s’agit d’insérer la référence à la loi organique à l’alinéa 3 plutôt qu’à l’alinéa 7, comme le propose la commission : notre différend est bien mince. Si vous acceptiez de retirer votre amendement au profit de celui de la commission, j’en serais très heureux. Il en va de même pour l’amendement n° 33 rectifié bis, très similaire à celui que la commission a adopté.

Monsieur Masson, votre amendement n° 19 est également satisfait par l’amendement n° 7. Je vous invite donc à le retirer.

L’amendement n° 51 rectifié vise lui aussi à poser l’exigence d’un lien direct entre les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et les causes de la déclaration de ce dernier. L’avis est donc défavorable.

Le sous-amendement n° 41 rectifié tend à englober l’ensemble des contrôles juridictionnels. Toutefois, dans le régime de l’état d’urgence, la question du contrôle des actes de police administrative par la juridiction administrative n’est nullement posée. S’il est utile d’inscrire dans la Constitution une référence à un contrôle juridictionnel, c’est bien pour garantir l’effectivité du contrôle de l’autorité judiciaire sur les mesures privatives de liberté, étant entendu que les mesures simplement restrictives de liberté prises pour des motifs ayant trait à l’ordre public sont contrôlées par la juridiction administrative. C'est la raison pour laquelle je vous propose, monsieur Bonnecarrère, de retirer ce sous-amendement au profit de l’amendement n° 8 de la commission.

Monsieur Mézard, prévoir, à l’instar de l’amendement n° 66 rectifié, que le nouvel article 36-1, que vous ne souhaitez d'ailleurs pas voir inscrit dans la Constitution, qu’il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire tient de l’article 66 pour la protection des libertés individuelles suppose de modifier aussi ledit article 66, puisque ce dernier ne fait mention que de la liberté individuelle.

Vous ne pouvez pas opposer la loi du 3 juin 1958, qui a inspiré le pouvoir constituant et débouché sur la Constitution de la Ve République, à cette Constitution même ! Ce n’est pas la loi du 3 juin 1958 qui régit l’organisation des pouvoirs publics constitutionnels : c’est la Constitution de 1958, qui ne mentionne que la liberté individuelle, en lien d'ailleurs avec le principe fondamental de sûreté selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu, figurant dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce principe s’opposait à la pratique des lettres de cachet, qui permettaient au pouvoir royal d’enfermer sans raison n’importe qui. C’est dans ce seul cadre que l’article 66 de la Constitution, conformément à notre tradition républicaine, a érigé l’autorité judiciaire en gardienne de la liberté individuelle.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Ces amendements et sous-amendements portent en fait sur trois sujets.

Le premier sujet est le rôle de l’autorité judiciaire, laquelle n’est pas mentionnée, en l’état, dans le texte du Gouvernement.

Deuxième sujet, l’intervention d’une loi organique est-elle ou non nécessaire ?

Le troisième sujet a trait au caractère strictement adapté, nécessaire et proportionné des mesures prises, tel que prévu par l’amendement n° 7 de la commission des lois.

Le Gouvernement n’a pas de désaccord de fond avec l’ensemble de ces propositions. Il souhaite simplement des évolutions sémantiques et rédactionnelles.

Concernant l’amendement n° 7, le Gouvernement n’est pas défavorable au « triptyque » proposé par la commission des lois, mais il souhaiterait que cette réécriture n’amène pas à biffer les notions bien stabilisées de police administrative et d’autorités civiles. Le Conseil constitutionnel a rappelé de manière constante que les mesures de police administrative susceptibles d’affecter l’exercice des libertés constitutionnellement garanties doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l’ordre public et proportionnées à cet objectif. En outre, le Conseil d’État a rappelé, le 11 décembre dernier, que les mesures de police administrative étaient prises par des autorités civiles.

Pour éviter toute confusion, le Gouvernement souhaiterait que la commission accepte de rectifier son amendement n° 7, afin qu’il prévoie que « la loi fixe les mesures de police administrative que les autorités civiles peuvent prendre pour prévenir ce péril ou faire face à ces événements. Ces mesures sont adaptées, nécessaires et proportionnées à ces finalités. »

En effet, nous craignons que la rédaction actuelle de l’amendement, supprimant les notions de police administrative et d’autorités civiles, ne crée une source de troubles potentiels dans une répartition assez « carrée » des compétences entre la police administrative et celle qui ne relève pas de l’autorité civile.

En ce qui concerne le recours à une loi organique, constatons d’abord que, actuellement, dans la Constitution, le renvoi à des lois organiques a toujours trait à l’organisation des pouvoirs publics. Tel n’est pas le cas ici : l’état d’urgence ne concerne pas l’organisation des pouvoirs publics stricto sensu.

Si l’objectif visé est que le Conseil constitutionnel puisse exercer un regard sur la loi instaurant l’état d’urgence, je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler qu’il en a déjà largement la faculté, que ce soit avant la promulgation, s’il y a saisine, ou après, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. L’actualité démontre d'ailleurs que le Conseil constitutionnel exerce amplement cette compétence, puisqu’il a eu l’occasion de se prononcer sur plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité relatives à l’état d’urgence que nous connaissons depuis la fin du mois de novembre.

L’inconvénient de recourir à une loi organique me paraît tenir à des considérations de temporalité. En effet, un délai incompressible de quinze jours entre l’examen d’un tel texte par chacune des deux chambres doit être respecté. En novembre dernier, si nous avions dû adopter une loi organique, il aurait été impossible au Sénat et à l’Assemblée nationale d’adapter le cadre en sept jours, comme ils l’ont fait, dans les conditions d’urgence qu’impose l’existence d’un péril imminent. Devoir observer un délai de quinze jours nous paraît donc contradictoire avec la notion même d’urgence telle que nous avons pu la ressentir au mois de novembre dernier, nonobstant le fait que le Conseil constitutionnel peut largement exercer un regard, par le biais d’une saisine parlementaire ou de questions prioritaires de constitutionnalité.

Enfin, en ce qui concerne le rôle de l’autorité judiciaire, il s’agit d’un sujet important, évoqué également en dehors de cet hémicycle. Il me semble d'ailleurs que le Sénat doit accueillir un colloque consacré à la place du juge, qui permettra de confronter les points de vue. Le Premier président de la Cour de cassation a lancé un débat extrêmement stimulant, qui sera l’occasion de revenir sur la genèse de l’article 66 de la Constitution, dans laquelle la loi du 3 juin 1958 a joué un rôle déterminant, comme l’a rappelé M. le rapporteur.

La conception française selon laquelle le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité des décisions prises dans l’exercice de la prérogative de puissance publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif dès lors qu’elles n’entrent pas dans des matières réservées à l’autorité judiciaire constitue une originalité. Elle est bien établie et me paraît avoir démontré son efficacité.

Par ailleurs, l’article 66 de la Constitution confie à l’autorité judiciaire, qu’il qualifie, comme l’a rappelé M. Philippe Bas, de « gardienne de la liberté individuelle », le soin d’assurer le respect du principe selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu.

Le Gouvernement n’est pas hostile à l’adoption d’amendements visant à rappeler ce principe, mais il émet des réserves sur les rédactions proposées, qui lui paraissent s’écarter de manière hasardeuse de celle de l’article 66, en recourant à des notions voisines, mais non identiques. Ainsi, la notion de « protection de la liberté individuelle » ne figure, pour l’heure, dans aucune jurisprudence. Si le Sénat souhaite intégrer dans le projet de loi constitutionnelle la notion d’autorité judiciaire, le Gouvernement suggère de retenir plutôt la formulation suivante : « Il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, tient de l’article 66. »

Le Sénat reprendrait ainsi exactement les termes de l’article 66, plutôt que d’employer des notions voisines, mais distinctes. Si l’objet de votre amendement n° 8, monsieur le rapporteur, est de renforcer le dispositif de l’article 66, ce qui en soi peut s’entendre, même si, à titre personnel, je ne le crois pas utile, dans la mesure où personne ne propose de toucher à cet article, alors il conviendrait de ne pas trop s’éloigner de la rédaction de ce dernier.

Telles sont les suggestions d’évolution sémantique que je souhaitais formuler.

Madame Benbassa, je ne peux pas vous laisser dire qu’il y aurait eu des abus liés à l’état d’urgence, comme si nous étions dans un système qui relèverait de l’arbitraire. Un certain nombre de décisions ont été rendues par les tribunaux. Je vous renvoie notamment à une décision du Conseil d’État en date du 11 décembre, absolument remarquable tant par sa densité que par sa lisibilité, qualité parfois négligée par les juridictions. Des sanctions ont été prononcées, des décisions apparaissant discutables ont été condamnées. Dès lors, on ne peut affirmer que des abus auraient été commis dans le cadre de l’état d’urgence.

Nous sommes dans un État de droit. Le Gouvernement, que ce soit par le biais du contrôle parlementaire ou par celui des juridictions, rend compte de la légitimité de ses décisions ; M. le ministre de l’intérieur l’exposerait avec bien plus de talent que je ne saurais le faire. J’observe d’ailleurs que le nombre des mesures ayant fait l’objet d’une invalidation est très faible, pour ne pas dire infinitésimal.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je tiens à remercier M. le garde des sceaux. Nous avons gardé, depuis le temps où il était président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, de bonnes habitudes de travail, qu’il n’y a pas de raison de remettre en cause.

Je ne crois pas utile, monsieur le garde des sceaux, de préciser dans le texte constitutionnel que les mesures en question sont des mesures de police administrative et qu’elles sont prises par les autorités civiles. La notion d’autorités civiles ne figure nulle part dans la Constitution, celle de police administrative non plus. Nous prévoyons l’adoption d’une loi organique, dans laquelle nous pourrons apporter toutes ces précisions.

Cela étant, je suis sensible à votre préoccupation. Vous préférez inscrire directement dans la Constitution ce qui pourrait figurer dans la loi organique. Je ne suis pas autorisé à faire évoluer la position de la commission des lois, qui n’a pas eu à en délibérer, mais, en ce qui me concerne, je suis tout à fait prêt à aller dans votre sens, monsieur le garde des sceaux, en rectifiant l’amendement n° 7 afin qu’il prévoie que les « mesures de police administrative pouvant être prises par les autorités civiles pour prévenir ce péril sont strictement adaptées, nécessaires et proportionnées ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les mesures de police administrative pouvant être prises par les autorités civiles pour prévenir ce péril sont strictement adaptées, nécessaires et proportionnées.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’accepte également, pour l’amendement n° 8, la rectification suggérée par M. le garde des sceaux, qui a souligné que la notion de « protection de la liberté individuelle » ne figure pas en tant que telle à l’article 66 de la Constitution et qu’il est préférable, pour ne pas créer de trouble dans l’interprétation que le juge pourrait avoir à faire du nouvel article 36-1, de s’en tenir exactement aux termes de l’article 66. Je pense, monsieur le garde des sceaux, que la rédaction que vous proposez est d’une qualité supérieure à la mienne.

Par conséquent, monsieur le président, je souhaite rectifier l’amendement n° 8, afin qu’il prévoie qu’« il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, tient de l’article 66 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis donc saisi d’un amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Bas, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, tient de l’article 66.

Monsieur Masson, le sous-amendement n° 21 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Je maintiens ce sous-amendement, car la terminologie a besoin d’être clarifiée.

Le sous-amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Malhuret, les sous-amendements n° 26 rectifié et 27 rectifié sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

M. Claude Malhuret. M. le rapporteur m’a contraint tout à l’heure à faire la totalité du chemin qui nous séparait à propos de la notion de « péril imminent ». Profitant de l’énergie cinétique ainsi acquise, je continuerai sur ma lancée en accédant à sa demande de retrait des sous-amendements n° 26 rectifié et 27 rectifié.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Malhuret

Je voudrais indiquer à M. le garde des sceaux que je ne suis pas d’accord avec lui à propos du recours à une loi organique.

Certes, le Conseil constitutionnel peut être amené à se prononcer à la suite d’une saisine par soixante députés ou soixante sénateurs ou du dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité, mais une loi organique offre davantage de garanties.

Tout d’abord, dans les faits, aujourd’hui, seuls deux groupes, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, sont susceptibles de rassembler soixante députés ou soixante sénateurs pour saisir le Conseil constitutionnel. Les autres groupes ne sont pas en mesure de le faire. C’est un premier problème.

Ensuite, le dépôt d’une question prioritaire de constitutionnalité n’intervient que très en aval de la déclaration de l’état d’urgence.

Enfin, l’adoption d’une loi organique, en cas de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, requiert le vote positif de la majorité des membres de l’Assemblée nationale, et non pas des seuls présents. Cela représente une garantie supplémentaire.

Vous nous dites, monsieur le garde des sceaux, que la loi organique fait perdre du temps dans un contexte d’urgence. Je pense qu’il y a là une confusion.

D’une part, en ce qui concerne la loi organique d’application, nous aurons tout le temps, après le vote de la révision constitutionnelle, en dehors de l’état d’urgence, de procéder à la navette parlementaire dans le respect des délais prévus par la Constitution.

D’autre part, les lois de prorogation de l’état d’urgence sont des lois simples, et non pas organiques.

Mais je retire les sous-amendements, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Les sous-amendements n° 26 rectifié et 27 rectifié sont retirés.

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote sur l’amendement n° 7 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Compte tenu du bien-fondé de cet amendement, puisque c’est en effet l’un des cas dans lesquels nous ajoutons au dispositif actuel en encadrant mieux les prérogatives de l’État pendant l’état d’urgence, il faut le voter ; nous allons le faire.

En revanche, dans le rapprochement des formulations qui a eu lieu entre M. le rapporteur et M. le garde des sceaux, il me semble que l’on peut encore améliorer. En effet, à partir du moment où l’on a précisé que les mesures en question relèvent de la police administrative, il n’y a aucun besoin de préciser qu’elles sont prises par les autorités civiles. Par qui d’autre pourraient-elles l’être ?

Rappelons-nous – c’est un souvenir un peu douloureux – pourquoi le terme d’« autorités civiles » figure dans une loi du 3 avril 1955 : on était alors en situation de guerre civile régionale et le vrai pouvoir était détenu par les militaires. C’est pour cela que les parlementaires, en 1955, ont écrit « autorités civiles », mais, comme le disait M. le rapporteur, cette expression ne figure pas dans la Constitution. Surtout, dès lors que l’on a indiqué qu’il s’agit de police administrative, tout le monde sait quelles sont les autorités constitutionnellement compétentes pour décider sur la police administrative.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

J’aimerais que M. le rapporteur nous apporte un éclairage supplémentaire, à la suite de l’invocation, par M. le garde des sceaux, de l’argument relatif à la temporalité pour s’opposer au recours à une loi organique.

C’est précisément pour lever ces interrogations sur la temporalité que mon amendement n° 32 rectifié bis vise à introduire dès l’alinéa 3 la mention d’une loi organique. Comme l’indiquait notre collègue Claude Malhuret, la loi organique fixant les mesures administratives pouvant être prises durant l’état d’urgence doit bien sûr être adoptée en amont de la déclaration de celui-ci.

Dès lors, il me semble nécessaire de mentionner la loi organique à l’alinéa 3, et non à la fin de l’article 1er. Sinon, comment les mesures prises pendant l’état d’urgence pourraient-elles être proportionnées ? En tout état de cause, ce ne serait pas le Parlement qui déciderait, mais bien l’exécutif, le législateur n’ayant alors compétence que pour proroger ou non l’état d’urgence.

La loi organique est absolument indispensable : il faut un contrôle en amont et de la sécurité juridique. Il convient d’éviter que le contrôle de constitutionnalité repose sur une éventuelle question prioritaire de constitutionnalité. Constitutionnaliser l’état d’urgence est nécessaire pour assurer le respect des droits et des libertés dans tous les cas.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Je voudrais répondre à M. Malhuret.

Je ne veux pas laisser accroire que la question prioritaire de constitutionnalité intervient très longtemps après la promulgation d’une loi. En l’espèce, l’état d’urgence a été déclaré le 14 novembre et la première question prioritaire de constitutionnalité a été déposée à la mi-décembre. L’ensemble des sujets soulevés avaient été purgés à la fin du mois de janvier dernier. Les délais sont donc relativement brefs.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le garde des sceaux, vous affirmez qu’il n’y a pas eu d’abus. Or, avant de devenir ministre, lorsque vous étiez à la tête du comité de suivi de l’état d’urgence de l’Assemblée nationale, vous avez vous-même déclaré qu’il était temps de mettre fin à l’état d’urgence. Je ne me souviens pas des mots exacts que vous aviez alors employés, mais tel en était le sens général.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

En outre, monsieur le garde des sceaux, il suffit de consulter l’observatoire de l’état d’urgence mis en place par le journal Le Monde ou de prendre connaissance des observations d’associations comme la Ligue des droits de l’homme pour constater qu’il y a tout de même eu des abus. Les quelque 3 000 perquisitions effectuées ont débouché sur seulement quatre ou cinq procédures, sans parler des assignations à résidence injustifiées.

Enfin, contrairement à ce que vous avez pu affirmer, monsieur le garde des sceaux, M. Beaud n’est pas le seul professeur de droit à s’être opposé à la constitutionnalisation de l’état d’urgence, loin de là.

Je vous invite à vous garder, dans vos réponses, de recourir à des affirmations quelque peu cavalières.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Ce débat très riche se déroule dans un excellent climat.

En fin de compte, monsieur le garde des sceaux, ce que vous recherchez, comme nous, c’est un rapprochement général des positions, afin que nous puissions déboucher sur un texte susceptible de recueillir l’assentiment des trois cinquièmes de la représentation nationale.

Des interventions des uns et des autres, il ressort clairement que nous nous accordons sur la nécessité d’une loi organique. Dès lors, monsieur le garde des sceaux, je propose que l’on soumette sur ce point au vote du Sénat une proposition claire : plus c’est simple, plus c’est clair, plus c’est facile à comprendre ! Je suis persuadé qu’un large accord pourra alors être trouvé. « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément », disait Boileau !

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Je n’ai jamais dit, madame Benbassa, qu’il fallait mettre fin à l’état d’urgence ; j’ai déclaré, le 16 janvier dernier, que l’essentiel de ces mesures me paraissait devoir être derrière nous : l’essentiel ne signifie pas la totalité. Quand mes paroles engagent la fonction que j’occupe, je suis particulièrement attentif aux mots que j’emploie ! J’étais, dans le cas d’espèce, rapporteur du comité de suivi de l’état d’urgence de l’Assemblée nationale et je ne parlais pas en mon nom personnel.

Dans le même ordre d’idées, je n’ai jamais dit que M. Beaud était le seul à s’être opposé à la constitutionnalisation de l’état d’urgence ; j’ai simplement affirmé que la grande majorité de la doctrine était favorable à celle-ci. Dossier en main, je suis prêt à vous le démontrer !

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, les amendements n° 49 rectifié, 32 rectifié bis, 19, 33 rectifié bis et 51 rectifié n’ont plus d’objet.

Monsieur Bonnecarrère, le sous-amendement n° 41 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 41 rectifié est retiré.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 8 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mes chers collègues, pardonnez-moi d’avoir l’esprit de l’escalier, mais l’enchaînement des amendements est tellement bizarre que l’on a du mal à suivre !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Avant d’évoquer l’amendement n° 8 rectifié proprement dit, je souhaite revenir rapidement sur deux points.

Tout d'abord, je tiens à rappeler ce que M. le garde des sceaux, alors président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, écrivait dans son rapport : « La législation d’exception n’est pas une simple alternative à celle des temps normaux. C’est une véritable dérogation, seulement justifiée par l’évidence. Le grand dérangement qu’elle entraîne ne peut donc être que d’une brève durée et sans séquelles. »

M. le garde des sceaux acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J’en viens à ce dont nous avons déjà discuté et dont nous continuons à débattre : l’effort de la commission des lois du Sénat pour donner un contenu à ce que le Gouvernement nous a dit être son objectif, à savoir encadrer l’exercice de l’état d’urgence.

Il est un élément avec lequel je reste en désaccord avec le rapporteur et, peut-être, l’assemblée dans son ensemble, alors que je suis en accord avec les propositions d’Esther Benbassa : l’un des éléments de l’encadrement de l’état d’urgence, c’est faire en sorte que l’on ne puisse pas utiliser ce dernier pour faire n’importe quoi.

On me répond manifestations, effectifs à disposition, etc. Non ! On peut très bien interdire les manifestations. Nous avons les moyens de faire respecter l’ordre public sans invoquer l’état d’urgence. Ce n’est pas parce que ces manifestations ont lieu pendant que l’état d’urgence est déclaré que l’on doit utiliser les exceptions et les facilités que donne l’état d’urgence. C’est l’un des problèmes qui se posent aujourd'hui. Tous les rappels que j’ai formulés, qui ne visent en fait que des règles habituelles de droit, n’apportent rien de plus.

En revanche, si l’on formulait une véritable définition de l’état d’urgence et que l’on prévoyait de ne pas l’utiliser pour autre chose que ce pour quoi il a été décrété, on réaliserait, à mon sens, un réel progrès !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous avions prévu de soutenir cet amendement dans sa rédaction initiale ; nous voterons pour sa version rectifiée.

Je ne rouvre pas le débat, car nous nous sommes longuement exprimés sur cet article ; malgré les évolutions qu’il a connues, nous ne voterons certainement pas en sa faveur. Reste que le rappel de la compétence de l’autorité judiciaire est important et nécessaire, d’autant que nous examinerons prochainement le projet de loi de réforme de la procédure pénale, qui viendra, sinon parachever, du moins poursuivre la mise en place d’une société du « tout sécuritaire ».

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, l'amendement n° 66 rectifié n'a plus d'objet.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

L’amendement n° 12 tend à fixer les modalités du régime juridique de l’état d’urgence par une loi organique et non par une loi ordinaire.

Je rappelle une fois encore notre opposition la plus ferme à la constitutionnalisation de l’état d’urgence. Toutefois, considérant le projet de loi visant à réformer la procédure pénale, nous ne pouvons que soutenir les amendements visant à limiter les dérives éventuelles de futures lois d’application.

En effet, contrairement à une loi ordinaire, une loi organique est obligatoirement soumise au contrôle du Conseil constitutionnel – cela a été dit –, lequel aura alors à charge de vérifier si les mesures de police administrative autorisées dans le cadre de l’état d’urgence portent, ou non, atteinte de manière ostentatoire ou excessive aux droits fondamentaux et aux libertés fondamentales.

Non pas que nous fassions une confiance aveugle au Conseil constitutionnel ! Je rappelle que cette noble institution a validé à la fin de l’année dernière les assignations à résidence décidées dans le cadre de l’état d’urgence ; elle a considéré que les mesures avaient été prises dans le cadre d’un régime tout à fait exceptionnel justifié par un « péril imminent », à savoir la COP 21 !

Cependant, la loi organique exige également une majorité absolue en cas de désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, ce qui nous semble plutôt une garantie supplémentaire pour l’extension des mesures prises dans le cadre de ce régime exceptionnel.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Puisque c’est le dernier amendement tendant à intégrer les dispositions d’application dans une loi organique, il est bien entendu important de le soutenir, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment. En effet, c’est le seul dont l’adoption permettrait d’assurer un contrôle constitutionnel en amont et la sécurité juridique de l’ensemble des dispositions qui peuvent être prises.

Par conséquent, malgré les réserves que j’ai pu émettre tout à l’heure sur la place de cette notion dans l’article, il me semble important, pour donner tout son sens à la constitutionnalisation de l’état d’urgence, qu’une loi organique précise les mesures qui pourraient être mises en œuvre.

C’est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 9, présenté par M. Bas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pendant la durée de l'état d'urgence, une proposition de loi ou de résolution ou un débat relatifs à l'état d'urgence sont inscrits par priorité à l'ordre du jour à l'initiative de la Conférence des présidents de chaque assemblée pendant la session ordinaire ou une session extraordinaire ou, le cas échéant, pendant une réunion de plein droit du Parlement.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

L’Assemblée nationale a apporté une première amélioration au texte du Gouvernement en prévoyant que, pendant l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit.

J’ai recherché ce que le Parlement pouvait faire lorsqu’il était réuni de plein droit. Je n’ai trouvé aucune mention de la réunion de plein droit du Parlement dans le règlement du Sénat, ni dans celui de l’Assemblée nationale. Il n’y en a pas ! La seule mention d’une réunion de plein droit du Parlement figure dans la Constitution, à l’article 16.

Qu’est-ce que la réunion de plein droit ? Elle est à inventer… Il existe en réalité trois types de situations : la session ordinaire, la session extraordinaire et l’absence de session.

Pendant la session ordinaire, le Parlement qui est réuni ne délibère sur une proposition de loi que lors de la semaine réservée aux propositions de loi ou si le Gouvernement inscrit ce texte à l’ordre du jour prioritaire.

Pendant la session extraordinaire, c’est un décret du Président de la République qui fixe limitativement et énumère les textes qui seront débattus.

Évidemment, en dehors des sessions, il ne se passe rien. Il ne sert donc à rien d’écrire dans la Constitution que le Parlement se réunit de plein droit si, pendant de telles réunions, il ne peut rien faire ! En réalité, l’objectif de la réunion de plein droit, c’est de permettre le contrôle exercé par le Parlement sur le Gouvernement pendant la mise en œuvre de l’état d’urgence, y compris en présentant une proposition de loi pour mettre un terme à cette situation, si le Parlement considère que les conditions de l’état d’urgence ne sont plus réunies.

Encore faut-il expliquer tout cela. Cet amendement a donc pour objet de préciser explicitement que, quel que soit le moment où le Parlement siège, celui-ci doit pouvoir discuter soit d’une résolution, soit d’une proposition de loi ayant trait à l’état d’urgence. Ce faisant, nous explicitons le champ du possible quand le Parlement est réuni de plein droit pendant l’état d’urgence.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 77, présenté par M. Masson, n'est pas soutenu.

Le sous-amendement n° 81, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Amendement n° 9, alinéa 3

Après les mots :

chaque assemblée

insérer les mots :

ou d’au moins deux groupes parlementaires

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce sous-amendement vise à préciser les conditions de l’exercice des droits du Parlement en période d’état d’urgence, notamment ses prérogatives d’information et de contrôle.

L’état d’urgence devant rester un état exceptionnel, il est indispensable que chacune des sensibilités politiques représentées dans chaque assemblée puisse obtenir, si elle le désire, la tenue d’un débat à ce sujet. Une telle disposition est d’autant plus nécessaire que les deux assemblées peuvent être politiquement dominées par la même majorité. Ce n’est pas une hypothèse d’école.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. Jean-Pierre Raffarin. C’est déjà arrivé !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il est donc envisageable que cela arrive de nouveau, cher collègue !

Nous proposons de prévoir que, si deux groupes parlementaires en font la demande, un débat sur l’état d’urgence sera organisé, ce qui permettra de respecter les droits du Parlement.

Pourquoi deux groupes parlementaires ? Parce que, lorsque deux groupes sont d’accord pour formuler une telle demande, il est démontré que ce débat est réellement motivé et nécessaire. Par ailleurs, il s'agit de valoriser le rôle du Parlement, ce qui est extrêmement important.

L’état d’urgence sera déclenché par le Gouvernement, certes sous le contrôle du Parlement, mais prévoir, pour la réunion de ce dernier, l’accord d’un certain nombre de parlementaires ou de la conférence des présidents est insuffisant. J’ai beaucoup de respect pour la conférence des présidents, mais, quand elle se réunit, elle exprime les vœux de sa majorité, qui est la traduction du nombre de sénateurs par groupe.

L’intervention de deux groupes – je pense que c’est raisonnable – est le moyen de garantir que le rôle du Parlement sera respecté. C’est cela la démocratie parlementaire, et c’est pour cela que nous avons déposé ce sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Bonnecarrère et Kern, Mme Jouanno et M. Marseille, est ainsi libellé :

Amendement n° 9, alinéa 3

Après les mots :

de chaque assemblée

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

Pendant la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit.

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Nous comprenons parfaitement les motivations qui sont à l’origine de l’amendement n° 9. C’est pourquoi il n’est pas du tout question pour moi de porter atteinte à cette disposition ou de la modifier au travers de ce sous-amendement.

Ce sous-amendement a une autre vocation : ramener dans le texte de la révision constitutionnelle l’alinéa 4 de l’article 1er, tel qu’il était rédigé à l’issue des débats de l’Assemblée nationale, précisant que, pendant la durée de l’état d’urgence, le Parlement se réunit de plein droit. En d’autres termes, le sous-amendement tend à insérer une disposition additionnelle.

M. le rapporteur a donné par avance son argumentation tendant à écarter la reprise du texte initial de l’Assemblée nationale. Selon lui, se réunir de plein droit n’a pas de portée, dans la mesure où, hors session ordinaire, en dehors d’un ordre du jour qui, par définition, dépend du Gouvernement, il ne se passe rien. Nous avons bien entendu qu’il n’y aurait aucune raison de maintenir une disposition au titre de laquelle le Parlement se réunirait de plein droit, alors qu’il ne contrôle rien et ne peut pas légiférer. Je vous donne acte, monsieur le président de la commission, de ces explications.

Reste ce qui est pour moi l’essentiel, qui est d’une autre nature, et sur ce point je trouve que la rédaction de nos collègues députés a été très fine. Le texte issu de l’Assemblée nationale signifie qu’il n’y a pas de dissolution pendant l’état d’urgence, sinon, par définition, le Parlement ne pourrait se réunir de plein droit.

Cette rédaction est très importante et très fine. Elle porte sur une garantie majeure en termes de libertés publiques. Dissoudre l’Assemblée nationale en période d’état d’urgence serait aventureux. C’est pour cette raison que j’ai souhaité, à titre additionnel et sans aucun conflit avec l’amendement que vous avez présenté, monsieur le président de la commission, rétablir le texte issu de l’Assemblée nationale, en complément de la disposition que vous avez adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pendant la durée de l’état d’urgence, une proposition de loi ou de résolution ou un débat relatifs à l’état d’urgence sont inscrits par priorité à l’ordre du jour, sur demande d’un ou plusieurs groupes parlementaires de chaque assemblée pendant la session ordinaire ou une session extraordinaire ou, le cas échéant, pendant une réunion de plein droit du Parlement.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Au travers de cet amendement, j’allais un peu plus loin. Je souhaitais qu’il soit possible de faire venir le débat par priorité à l’ordre du jour sur demande d’un ou plusieurs groupes parlementaires de chaque assemblée pendant la session ordinaire ou extraordinaire.

J’ai entendu les objections du président de la commission des lois qui, je pense, craignait que le groupe du RDSE, par exemple, puisse constamment provoquer tout seul la réunion du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Mme Françoise Laborde. Tout seul, ce ne serait pas raisonnable !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’ai entendu ces observations et je vais très sagement m’en tenir à la demande de deux groupes, mais avec tout de même un petit regret.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 67 rectifié est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 78, présenté par M. Masson, n’a plus d’objet.

L'amendement n° 68 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pendant la durée de l’état d’urgence, une proposition de loi ou de résolution ou un débat relatifs à l’état d’urgence sont inscrits par priorité à l’ordre du jour, sur demande d’un groupe parlementaire de chaque assemblée pendant la session ordinaire ou une session extraordinaire ou, le cas échéant, pendant une réunion de plein droit du Parlement.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Il vaut mieux que je renonce également à une telle proposition !

Sourires. – M. Jean-Pierre Raffarin s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 68 rectifié est retiré.

En conséquence, le sous-amendement n° 80, présenté par M. Masson, n’a plus d’objet.

L'amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Pendant la durée de l’état d’urgence, une proposition de loi ou de résolution ou un débat relatifs à l’état d’urgence sont inscrits par priorité à l’ordre du jour, sur demande d'au moins deux groupes parlementaires de chaque assemblée pendant la session ordinaire ou une session extraordinaire ou, le cas échéant, pendant une réunion de plein droit du Parlement.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 59, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

sous le régime de la session parlementaire ordinaire

La parole est à M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous proposons, avec cet amendement, une solution qui peut paraître radicale, mais qui est somme toute raisonnable. Elle permettrait, à mon sens, de répondre aux différentes inquiétudes exprimées tant par M. Philippe Bas, président de la commission et rapporteur, que par d’autres sénateurs ; je pense notamment au président Jacques Mézard et aux membres de son groupe.

Nous proposons de spécifier que la réunion de plein droit du Parlement s’effectue sous le régime de la session ordinaire.

À la différence de la session extraordinaire ou de la réunion de plein droit, si l’on examine dans ce dernier cas la jurisprudence rappelée de manière intéressante dans le rapport, le régime de la session ordinaire offre aux assemblées de multiples moyens d’inscrire à l’ordre du jour une initiative, y compris une proposition de loi relative à l’état d’urgence. Ces procédures peuvent permettre une discussion dans des délais très courts, comme c’est le cas avec la procédure de la discussion immédiate.

L’adoption de cet amendement permettrait, en outre, la mise en œuvre du partage de l’ordre du jour prévu par l’article 48 de la Constitution qui, rappelons-le, confère au Parlement, en théorie bien sûr, la maîtrise de la moitié de celui-ci. Je dis bien « en théorie », car les évolutions de ces dernières semaines permettent de constater que le Gouvernement tend à envahir, discrètement, mais efficacement, l’ordre du jour parlementaire…

Le placement du Parlement sous le régime de la session ordinaire durant l’état d’urgence aurait donc comme conséquence importante de permettre au Parlement de retrouver la plénitude de ses compétences durant le régime de l’état d’urgence, ce que le Sénat de 1961 avait tenté de faire, même si celui-ci est déclenché durant une session extraordinaire ou durant une intersession.

Ce serait un moyen pertinent, nous semble-t-il, de limiter la toute-puissance de l’exécutif durant cet état d’exception. C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement, quitte à le modifier si sa rédaction vous semble imparfaite.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements n° 81 et 39 rectifié, ainsi que sur les amendements n° 69 rectifié et 59 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les dispositions du sous-amendement n° 81 ont suscité au sein de la commission un débat très positif. J’ai le plaisir d’indiquer au président Mézard que je les soutiens, car elles vont tout à fait dans le sens de ce que nous souhaitons, à savoir permettre un meilleur contrôle de l’état d’urgence.

Si deux groupes parlementaires demandent que l’une ou l’autre des assemblées délibère sur une proposition de loi qui, par exemple, mettrait fin à l’état d’urgence, cette exigence sera nécessairement satisfaite. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous invite à adopter le sous-amendement n° 81.

S’agissant du sous-amendement n° 39 rectifié, j’ai une différence d’interprétation de la portée du vote de l’Assemblée nationale, en m’appuyant sur les dispositions de l’article 16 de la Constitution. Ce dernier dispose : « Le Parlement se réunit de plein droit », puis, à l’alinéa suivant, « L’Assemblée nationale ne peut être dissoute ». Cet indice assez fort nous permet de penser qu’il ne suffit pas d’écrire que le Parlement se réunit de plein droit pour faire échec au droit de dissolution. Il faut le préciser !

Par conséquent, la rédaction de l’Assemblée nationale n’a pas pour effet de suspendre l’exercice du droit de dissolution par le Président de la République. L’Assemblée nationale elle-même ne l’a pas entendu autrement, puisque des amendements tendant à empêcher l’exercice du droit de dissolution y ont été repoussés sur le texte dont nous délibérons. C’est d'ailleurs assez logique, car même en cas de dissolution, les députés exercent leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils soient réélus ou que leurs successeurs soient désignés.

Aussi, mon cher collègue, il me semble qu’en réalité les objectifs que vous visez au travers du sous-amendement n° 39 rectifié ne peuvent être atteints avec cette rédaction. Il faudrait dire expressément que le droit de dissolution est suspendu. Je serais toutefois défavorable à un tel sous-amendement, pour d’autres raisons que je n’explicite pas à ce moment de notre délibération.

En revanche, je tiens à souligner que la réunion de plein droit est bel et bien prévue par l'amendement n° 9, tel qu’il est rédigé. Il s’agit d’un temps qui ne relève ni de la session ordinaire ni d’une session extraordinaire et où le Parlement se réunit tout de même.

Je souhaite préciser que, pendant cette réunion de plein droit, le Parlement n’est pas le muet du sérail ; il peut agir et faire inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi ou une résolution relative à l’état d’urgence. Avec la rédaction de l'amendement n° 9, enrichie par le sous-amendement de notre collègue Jacques Mézard, nous avons véritablement la garantie qu’une réunion de plein droit du Parlement permettra un contrôle effectif de la mise en œuvre de l’état d’urgence, voire l’arrêt de celui-ci.

Monsieur Foucaud, l’avis défavorable de la commission sur le sous-amendement n° 39 rectifié de M. Bonnecarrère vaut aussi pour l'amendement n° 59. Vous souhaitez appliquer le régime de la session ordinaire pendant l’état d’urgence, mais, dans ce cas, pendant deux semaines sur les quatre qui sont réservées à l’ordre du jour prioritaire du Gouvernement, vous ne pouvez pas discuter d’une éventuelle proposition de loi tendant à mettre fin à l’état d’urgence.

Si vous voulez que le contrôle soit maximal, c'est-à-dire que votre groupe, associé à un autre, puisse imposer la discussion rapide d’une proposition de loi relative à l’état d’urgence, il vaut mieux adopter l’amendement de la commission plutôt que celui que vous proposez. Les dispositions de ces deux amendements vont dans la même direction et partagent une même intention.

Au bénéfice de ces explications, j’invite MM. Philippe Bonnecarrère et Thierry Foucaud à bien vouloir retirer respectivement le sous-amendement n° 39 rectifié et l'amendement n° 59, au profit de celui que j’ai eu l’honneur de présenter au nom de la commission.

Enfin, l’amendement n° 69 rectifié serait satisfait par l’adoption du sous-amendement n° 81.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Comme il a eu l’occasion de l’indiquer à l’Assemblée nationale, le Gouvernement est favorable à l’introduction dans la Constitution d’une disposition garantissant la permanence du contrôle du Parlement pendant la période de l’état d’urgence, ce qui est d'ailleurs le cas à l’article 16 de la Constitution, comme cela a été mentionné.

Nonobstant cette affirmation, qui est déjà satisfaite, le Gouvernement est prudent sur le fait d’inscrire dans la Constitution des dispositions qui lui paraissent relever de la procédure, notamment en prévoyant des inscriptions prioritaires qui contreviennent à l’article 48 de la Constitution sur la fixation de l’ordre du jour.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements et sous-amendements, dont les dispositions ne lui paraissent pas relever nécessairement de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il est bientôt minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’au terme de l’examen de ces amendements en discussion commune.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

Je mets aux voix le sous-amendement n° 81.

Le sous-amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Bonnecarrère, le sous-amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le sous-amendement n° 39 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 9, modifié.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, les amendements n° 69 rectifié et 59 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, je veux simplement demander au garde des sceaux de bien vouloir se faire le porteur d’un message au Premier ministre. Ce dernier, sans doute mal informé des travaux de la commission des lois, a estimé tout à l’heure que nous n’avions pas fait les efforts nécessaires au rassemblement.

Or, ce soir, je constate que la plupart des amendements ont été adoptés à une très large majorité et souvent même à l’unanimité !

Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, nous avons examiné 36 amendements au cours de la journée ; il en reste 40.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 17 mars 2016 :

À onze heures :

Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, de protection de la Nation (395, 2015-2016) ;

Rapport de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois (447, 2015-2016).

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir : suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.