Intervention de Philippe Bas

Réunion du 16 mars 2016 à 21h45
Protection de la nation — Article 1er, amendement 21

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

C'est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur les amendements qui tendent à insérer ailleurs la référence à la loi organique.

Le sous-amendement n° 21 de M. Masson est assez mathématique, ce qui ne saurait nous étonner ! Il a toutefois l’inconvénient de supprimer les notions de nécessité et d’adaptation des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence, qui me paraissent devoir être conservées. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.

Je suggère à M. Malhuret de retirer le sous-amendement n° 26 rectifié. Nous voulons en fait la même chose et divergeons simplement sur l’emplacement de la mention de la loi organique.

La commission des lois sollicite également le retrait du sous-amendement n° 27 rectifié ; à défaut, l’avis sera défavorable.

L’amendement n° 49 rectifié prévoit certes l’intervention d’une loi organique, mais il comporte aussi un certain nombre de précisions qui soulèvent un débat fondamental.

Au fond, madame Benbassa, vous voulez que, dans le cadre de l’état d’urgence, ne puissent être prises que des mesures ayant un lien avec le traitement des causes de la déclaration de l’état d’urgence. Or le régime de l’état d’urgence, tel que validé par le Conseil constitutionnel, permet la prise de mesures ne se rapportant pas directement aux causes de l’état d’urgence.

Au mois de novembre dernier, des attentats terrifiants ont tétanisé notre pays. En même temps, la vie continuait et un certain nombre d’autres menaces à l’ordre public devaient être prises en compte. Il a fallu à la fois protéger les lieux de réunion, interdire certaines manifestations et accueillir une conférence internationale. Dans cette perspective, l’état d’urgence permet de prendre des mesures qui ne sont pas directement liées à la lutte contre le terrorisme. Ce qui est nécessaire pour lutter contre le terrorisme, c’est le bon emploi des forces, lequel peut exiger de prendre, dans le cadre de l’état d’urgence, des mesures qui n’ont pas trait à la cause de la déclaration de ce dernier.

C'est la raison pour laquelle, tout en reconnaissant l’importance de ce débat, la commission s’est opposée à l’amendement n° 49 rectifié.

Concernant l’amendement n° 32 rectifié bis, monsieur Leconte, il s’agit d’insérer la référence à la loi organique à l’alinéa 3 plutôt qu’à l’alinéa 7, comme le propose la commission : notre différend est bien mince. Si vous acceptiez de retirer votre amendement au profit de celui de la commission, j’en serais très heureux. Il en va de même pour l’amendement n° 33 rectifié bis, très similaire à celui que la commission a adopté.

Monsieur Masson, votre amendement n° 19 est également satisfait par l’amendement n° 7. Je vous invite donc à le retirer.

L’amendement n° 51 rectifié vise lui aussi à poser l’exigence d’un lien direct entre les mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence et les causes de la déclaration de ce dernier. L’avis est donc défavorable.

Le sous-amendement n° 41 rectifié tend à englober l’ensemble des contrôles juridictionnels. Toutefois, dans le régime de l’état d’urgence, la question du contrôle des actes de police administrative par la juridiction administrative n’est nullement posée. S’il est utile d’inscrire dans la Constitution une référence à un contrôle juridictionnel, c’est bien pour garantir l’effectivité du contrôle de l’autorité judiciaire sur les mesures privatives de liberté, étant entendu que les mesures simplement restrictives de liberté prises pour des motifs ayant trait à l’ordre public sont contrôlées par la juridiction administrative. C'est la raison pour laquelle je vous propose, monsieur Bonnecarrère, de retirer ce sous-amendement au profit de l’amendement n° 8 de la commission.

Monsieur Mézard, prévoir, à l’instar de l’amendement n° 66 rectifié, que le nouvel article 36-1, que vous ne souhaitez d'ailleurs pas voir inscrit dans la Constitution, qu’il ne peut être dérogé à la compétence que l’autorité judiciaire tient de l’article 66 pour la protection des libertés individuelles suppose de modifier aussi ledit article 66, puisque ce dernier ne fait mention que de la liberté individuelle.

Vous ne pouvez pas opposer la loi du 3 juin 1958, qui a inspiré le pouvoir constituant et débouché sur la Constitution de la Ve République, à cette Constitution même ! Ce n’est pas la loi du 3 juin 1958 qui régit l’organisation des pouvoirs publics constitutionnels : c’est la Constitution de 1958, qui ne mentionne que la liberté individuelle, en lien d'ailleurs avec le principe fondamental de sûreté selon lequel nul ne peut être arbitrairement détenu, figurant dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Ce principe s’opposait à la pratique des lettres de cachet, qui permettaient au pouvoir royal d’enfermer sans raison n’importe qui. C’est dans ce seul cadre que l’article 66 de la Constitution, conformément à notre tradition républicaine, a érigé l’autorité judiciaire en gardienne de la liberté individuelle.

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