Intervention de Alain Dufaut

Réunion du 5 avril 2016 à 15h15
Dialogue avec les supporters et lutte contre le hooliganisme — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Alain DufautAlain Dufaut :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale et présentée par Guillaume Larrivé arrive fort opportunément, à quelques semaines seulement de l’ouverture de l’Euro 2016. Elle devrait fournir aux organisateurs les moyens législatifs d’assumer beaucoup mieux leurs obligations en matière de sécurité.

Ce n’est pas la première fois que le Parlement se préoccupe de ces problèmes de hooliganisme et d’insécurité dans nos stades et nos enceintes sportives. J’ai ainsi souvenance d’une réflexion menée au Sénat en 2006 et 2007 par nos anciens collègues Bernard Murat et Pierre Martin, au sein d’un groupe de travail auquel je participais et dont le thème était le suivant : faut-il avoir peur des supporters ?

Il se trouve que les principales propositions des rapporteurs de l’époque rejoignaient déjà les dispositions de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. Je pense, en particulier, à la nécessité du « renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters » et de la « création d’un fichier européen commun des interdits de stade », ainsi qu’aux mesures de prévention, qui nous auraient permis de gagner dix ans en la matière.

Plus récemment, en 2011, j’ai été moi-même rapporteur, au nom de la commission des affaires culturelles, d’un texte relatif à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016. Si la finalité essentielle de cette loi était de permettre le financement de la rénovation de six enceintes sportives et de la création de quatre nouveaux stades réalisés sous le régime du bail emphytéotique administratif par le biais d’une éligibilité aux subventions publiques et aux participations financières extérieures, la sécurité dans les nouveaux stades faisait partie intégrante du cahier des charges de l’UEFA pour l’Euro 2016. Jean-Jacques Lozach a évoqué le travail mené par Dominique Bailly sur le même sujet au mois de juin 2015.

Les aspects essentiels de la proposition de loi ayant été évoqués par les précédents orateurs, je me bornerai à souligner les trois points qui me paraissent primordiaux.

Tout d’abord, les cartes d’abonnement doivent évidemment être nominatives. Une photo devrait également être exigée. Certes, une telle disposition est sans doute de nature réglementaire. Toutefois, elle permettrait d’éviter la présentation de fausses identités, phénomène assez fréquent.

Ensuite, l’interdiction des stades doit être effective pour ceux qui sont condamnés. À cet égard, le délai de trois ans me paraît raisonnable.

Enfin, il convient de renforcer le dialogue entre les supporters, leurs représentants et les dirigeants des clubs. C’est certainement la préconisation le plus importante. Il faut que le club et les groupes de supporters tombent d’accord sur la désignation de responsables officiels des supporters qui doivent dès lors assumer pleinement leurs responsabilités, et faire respecter les engagements pris avec le club, dans le cadre, comme l’a dit tout à l’heure M. le secrétaire d’État, d’un véritable partenariat.

Par ailleurs, les hooligans, venus de Grande-Bretagne, sont, après les associations d’ultras, les plus dangereux. Leur attachement au club, probablement réel au début, dévie très vite vers un soutien violent, devenu le seul motif de leur venue au stade. Ils se regroupent de manière informelle, dans des bandes et non des associations, afin d’organiser ce qu’ils appellent des « fights » avec d’autres supporters. Ce sont des batailles de rue ou de tribune n’ayant comme but que la violence elle-même.

C’est surtout ce type d’individus qui n’a plus rien à voir avec un supporter sportif qu’il faut absolument éradiquer, comme l’a réussi en partie le Paris Saint-Germain. Ces personnes ne doivent plus pouvoir pénétrer dans les stades.

Toutefois, cela a été dit à maintes reprises, gardons-nous de faire un amalgame ! Les associations de supporters ne doivent pas être uniquement envisagées sous l’angle de la violence. Le ciment d’identification locale que constitue un club sportif est un élément essentiel pour une ville ou une collectivité qui doit donc s’investir en matière de problématique des supporters.

Les associations de supporters jouent en effet un rôle d’intégration sociale pour leurs membres et de consolidation des identités individuelles et collectives pour les plus jeunes. Elles sont aussi régulatrices de la violence, lorsqu’elles exercent un contrôle efficace de leurs membres, ce qui en fait des acteurs sociaux incontournables.

Le renforcement du dialogue avec l’ensemble des associations de supporters est donc bien évidemment l’élément clé de cette proposition de loi. Étendre ce dialogue à l’échelon national par la création d’une instance nationale du supportérisme va tout à fait dans le bon sens.

Je soutiens également la publication des fichiers des interdits de stade au plan européen. Toutefois, comme l’a dit Dominique Bailly, la réciprocité de cette mesure doit impérativement être mise en œuvre.

Nous ne voulons plus connaître les épisodes tragiques qui ont touché Glasgow en 1971, Bruxelles, au stade du Heysel, en 1985, Sheffield en 1989, Gênes en 1995, mais aussi Paris, aux abords du Parc des Princes, en 2006 et 2013. C’est pour cette raison que nous voterons sans hésitation le texte élaboré par la commission des lois, lequel ne peut que renforcer efficacement la lutte contre le fléau que constitue le hooliganisme.

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