Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes rassemblés cet après-midi pour nous prononcer de nouveau sur une loi d’exception. C’est donc un moment empreint de gravité, qui appelle à la méditation.
Dans notre État de droit, une loi d’exception suppose une motivation et des précautions.
S’agissant des précautions, je voudrais rappeler que nos deux assemblées ont, lors du premier vote, en novembre, accompli en réalité une véritable réforme de l’état d’urgence, dont les termes dataient de 1955, en introduisant plusieurs nouvelles règles protectrices, en particulier l’obligation de motiver les assignations à résidence, la participation du parquet et d’un officier de police judiciaire aux perquisitions, ou la suppression, qui s’imposait, des mesures de contrôle de la presse, ainsi qu’une nouvelle organisation de l’association du Parlement au dispositif.
Comme le disait notre rapporteur à l’instant, nous sommes, je le crois, unanimes à constater que le Gouvernement, et M. le ministre en particulier, a pleinement joué le jeu de l’information complète et de la transparence au bénéfice de la représentation parlementaire.
Je n’ajoute rien aux propos très judicieux de Michel Mercier à propos du cadre constitutionnel de l’état d’urgence, maintenant confirmé grâce aux récentes décisions du Conseil constitutionnel.
J’en viens à la motivation. Est-il nécessaire de prolonger l’état d’urgence pour cette nouvelle période de deux mois ?
Nous nous interrogions déjà voilà trois mois, et dans l’esprit de beaucoup, la dernière prolongation devait être la dernière. Nous étions quelques-uns à appeler nos collègues à examiner la situation dans la durée et à bien analyser les informations pour vérifier si, au bout de trois mois, nous serions en situation de sortir durablement de l’état d’urgence.
Qu’avons-nous observé ?
Les enquêtes qui se sont poursuivies ont démontré les ramifications et les nombreux soutiens dont bénéficiaient les groupes terroristes ayant perpétré les attentats de Paris et de Saint-Denis.
De nouvelles opérations préventives ont démontré l’existence d’autres cellules en train de préparer d’autres opérations meurtrières.
J’y insiste, comme je le faisais déjà il y a trois mois, les attentats de Bruxelles et ces opérations terroristes qui se déroulent en France ou chez nos voisins européens trouvent leur source dans les lieux de conflit, non seulement en Syrie et en Irak, mais aussi en Afrique subsaharienne. Tout cet arrière-plan subsiste et, si nos armées et celles de nos alliés et partenaires portent des coups sévères à ces groupes criminels, nous savons que, sur la défensive, ils seront d’autant plus enclins à déclencher de nouvelles attaques sur le sol européen.
De notre point de vue, la condition du péril imminent est donc toujours constituée.
De surcroît, comme M. le ministre l’a exposé très précisément, s’ajoutent deux éléments de tension, dans la période de deux mois qui s’ouvre, à cause des deux événements sportifs que sont l’Euro 2016 et le Tour de France, lesquels vont entraîner de multiples grands rassemblements de public, de citoyens, français et invités, sur de nombreux sites, dont la sécurisation est évidemment un défi particulier cette année. Nous le savons, ces rassemblements, dans leur diversité, présentent des opportunités spécifiques de tentatives d’attentat.
À ce propos, je voudrais rappeler à M. le ministre, après avoir eu l’occasion de lui en faire part lors de nos récents contacts, qu’il est important que les préfets soient en relation étroite avec les maires. Vous devez certes organiser et sécuriser ces grands événements, mais, à l’étage en dessous, si j’ose dire, dans toutes nos communes vont être organisées d’ici à l’été, comme chaque année, nombre d’opérations festives et de manifestations, à l’occasion desquelles la présence de forces de sécurité publique sera plus réduite, celles-ci étant sollicitées ailleurs. La coopération entre les services chargés de la sécurité publique dans les départements et les maires doit donc être intense pour que de bons conseils soient diffusés. Les autorités locales doivent être appelées à plus de précautions, parfois à plus de retenue, pour organiser ces événements de manière à ne pas offrir d’autres cibles aux terroristes.
Cela me conduit à mon tour à rendre hommage aux forces de la police, de la gendarmerie et de l’armée, qui doivent actuellement produire un effort particulièrement intense pour assurer la sécurisation du pays, tout en soulignant, mais vous en avez bien conscience, monsieur le ministre, les risques de surcharge et de surtension qui pèsent sur l’ensemble de ces hommes et de ces femmes courageux et dévoués.
Face à ces menaces intenses, les prérogatives supplémentaires de l’état d’urgence nous paraissent donc justifiées, mais, comme le Conseil d’État le recommandait dans son avis rendu il y a trois mois, il faut prévoir des moyens légaux d’action supplémentaires contre les entreprises terroristes, moyens qui nous permettront de sortir de ce régime d’exception. Tel est l’objet du projet de loi de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme que nous avons examiné, tant ici qu’à l’Assemblée nationale, dans un esprit responsable et d’écoute mutuelle entre les différents groupes.
J’en profite – je suis le premier à le faire après le ministre, mais je ne serai sans doute pas le dernier – pour saluer le travail d’une particulière qualité et le souci d’écoute de notre collègue Michel Mercier, rapporteur de ce texte.
Monsieur le ministre, en votant cette nouvelle prolongation de l’état d’urgence pour cette durée limitée, nous vous exprimons notre confiance. Depuis chacun de nos engagements partisans, nous souhaitons en même temps exprimer une volonté largement partagée dans cette assemblée, toujours soucieuse de la protection des libertés personnelles, de nous tenir fermement aux côtés de la République et de ses citoyens pour repousser sans hésitation les menaces qui les visent.