Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 10 mai 2016 à 14h30
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’état d’urgence instauré le 14 novembre, à la suite des attentats meurtriers qui ont causé la mort de 130 personnes, devait prendre fin le 26 mai, après deux prorogations.

Entre-temps, nous avons vécu l’épisode de la tentative avortée de « constitutionnalisation » de l’état d’urgence. Un énième texte, le projet de loi de lutte contre le crime organisé et le terrorisme, qui confère des pouvoirs élargis à la police, notamment la perquisition de nuit, la retenue de quatre heures pour contrôle d’identité ou l’assignation à résidence des personnes que l’on soupçonne de rentrer de Syrie, devrait passer en commission mixte paritaire demain. Contenant nombre de dispositions inspirées de l’état d’urgence, il devrait permettre enfin, s’il est adopté, la sortie du régime d’exception sous lequel nous vivons depuis des mois.

Le texte dont nous débattons instaure, certes, un état d’urgence allégé des perquisitions administratives, lesquelles relèvent des préfets plutôt que des juges, comme c’est le cas dans le droit commun. Cet « allégement » est pourtant de pure forme et ne constitue nullement un retour au droit ordinaire. Après un pic au début de l’instauration de l’état d’urgence, le nombre de ces perquisitions n’a fait que chuter. Ajoutons que ces procédures ont, en outre, été fragilisées par les décisions d’annulation prononcées par la justice. De son côté, le Conseil constitutionnel a censuré le volet numérique des perquisitions.

À quoi sert l’état d’urgence sans les perquisitions administratives ? D’abord, il permet d’assigner à résidence des personnes sans avoir à les faire passer devant un juge susceptible de valider ou pas les mesures prises contre elles.

Vu le contexte de grande mobilisation sociale et de forte effervescence politique que nous traversons, on imagine bien l’exécutif recourir à de telles assignations à résidence, comme il l’avait fait à l’encontre de militants écologistes au moment de la COP 21.

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