Intervention de Françoise Férat

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 10 mai 2016 à 17h00
Liberté de la création architecture et patrimoine — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Françoise FératFrançoise Férat, rapporteure :

Mais il n'est pas acquis !

Le profond désaccord observé en première lecture à l'article 20 sur l'archéologie préventive reste entier. On nous accuse de vouloir brader la qualité de l'archéologie, sous prétexte que nous refusons l'accumulation de formalités administratives et de contrôles. Soyons clairs : je suis autant attachée que ceux qui défendent la version adoptée par l'Assemblée nationale à la qualité des prescriptions de diagnostic et des opérations de fouilles. Je regrette comme eux cette spirale déflationniste des prix qui rend exsangues tous les opérateurs et ne peut qu'avoir un effet défavorable sur la qualité des prestations offertes. Toutefois, la plupart des dispositions avancées sont soit purement cosmétiques, parce qu'elles n'apportent rien par rapport au dispositif existant tout en étant discriminatoires, soit poursuivent sans le dire un seul objectif : soutenir l'Institut de recherches archéologiques préventives (INRAP) au détriment des autres opérateurs, en contradiction avec l'esprit de la loi de 2003 qui a ouvert le secteur de l'archéologie à la concurrence. Je vous rappelle qu'à l'époque l'INRAP était incapable de faire face dans des délais raisonnables et avec des prix adaptés aux demandes des aménageurs !

Sur l'archéologie préventive, deux mesures de l'article 20 sont très positives : la reconnaissance du rôle spécifique des collectivités territoriales se traduit par la possibilité pour leurs services de bénéficier d'une habilitation permanente, et non plus d'un agrément renouvelable tous les cinq ans ; l'inversion du calendrier de la procédure, afin de vérifier que les projets scientifiques d'intervention des opérateurs respectent les préconisations de l'État, renforce la sécurité juridique des contrats signés entre aménageurs et opérateurs.

Toutefois, en dépit de quelques modifications sémantiques, l'Assemblée nationale a rétabli la plupart des mesures contestées par le Sénat en première lecture : l'introduction de la notion de maîtrise d'ouvrage scientifique de l'État, « OVNI » juridique qui pourrait poser de sérieuses difficultés en cas de contentieux ; l'obligation, pour les collectivités territoriales, de signer une convention avec l'État pour obtenir l'habilitation de leurs services d'archéologie ; l'obligation, pour ces services, de remettre un bilan financier de leurs activités aux services de l'État tous les cinq ans ; la limitation géographique des activités des services archéologiques des collectivités territoriales, même si le dispositif a été légèrement assoupli par l'autorisation, accordée au cas par cas par le préfet, de réaliser une fouille en dehors du territoire de la collectivité territoriale ; la suppression de l'allongement à 21 jours du délai accordé aux collectivités territoriales pour décider si elles effectuent elles-mêmes les diagnostics ou confient cette mission à l'INRAP ; le monopole de cet institut pour les opérations de fouilles sous-marines ; la stigmatisation des opérateurs privés par des exigences en matière sociale, financière et comptable, qui existent déjà en droit du travail ou dans le droit des sociétés ; l'obligation pour l'aménageur de transmettre l'ensemble des offres aux services de l'État pour que ces derniers évaluent le volet scientifique, ainsi que de s'entendre sur un prix avec l'INRAP lorsque ce dernier reprend un chantier en cours en raison de la défaillance de l'opérateur. Je vous proposerai donc de rétablir la version de l'article 20 votée par le Sénat en première lecture.

Enfin, je vous proposerai à nouveau de rejeter l'article 20 bis qui exclut les dépenses engagées dans le cadre de fouilles archéologiques du bénéfice du crédit impôt recherche (CIR). Cette mesure est contraire à l'esprit de ce crédit d'impôt qui n'exclut aucun secteur d'activité de son champ d'application. Je tiens à vous rassurer : je partage votre souci de voir le CIR financer des dépenses de recherche. J'ai me suis entretenue la semaine dernière avec le ministère de la recherche et avec l'administration fiscale de ce sujet. Tous les opérateurs privés ayant demandé à bénéficier du CIR font actuellement l'objet d'un contrôle fiscal. À l'issue de ces contrôles, le Gouvernement devrait produire une instruction fiscale pour définir précisément les dépenses éligibles qui servira de guide à l'administration, mais également aux opérateurs. Il n'est pas question d'accorder un passe-droit aux opérateurs privés, mais simplement de respecter un principe constitutionnel, l'égalité devant l'impôt, qui serait remis en cause si on décidait d'exclure de manière arbitraire une seule activité, l'archéologie préventive, du bénéfice du CIR.

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