Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 juin 2016 : 2ème réunion
Modernisation de la justice du xxième siècle — Auditions sur le divorce « conventionnel » par consentement mutuel

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, président :

En vous écoutant, on réalise que ce problème d'apparence très simple est en réalité extrêmement complexe. Dans la plupart des divorces par consentement mutuel, l'accord n'est nullement remis en cause par le juge, d'où la tentation d'économiser du temps de juge en dispensant le couple du passage devant un magistrat, puisque les conventions sont homologuées. Or le passage devant le juge, dans l'anticipation de l'application de ses règles, a un effet sur le contenu de l'accord entre les époux. Une contrainte s'exerce du seul fait de l'existence de cette étape.

Dans ces situations, bien des raisons peuvent rendre l'un des éléments du couple plus vulnérable dans la négociation. Il y a une inquiétude sur la garantie apportée au plus faible dans le divorce : l'enfant, et l'un des deux membres du couple, souvent l'épouse. Au moment du divorce peuvent apparaître une faiblesse psychologique et une faiblesse économique. Parfois, la première conduit à ne pas traiter la seconde, pour en finir plus vite.

J'entends ce que dit le Conseil national des barreaux. Néanmoins, un avocat est mandaté par son client. Si celui-ci veut faire des concessions qui dépassent ce qui serait juridiquement raisonnable et accepté par le juge, comment l'avocat pourrait-il l'en empêcher ? Son rôle de conseil est éminent, mais il n'est pas un arbitre. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a prévu un avocat pour chacune des parties en négociation.

J'entends ce qui a été dit sur la situation de l'enfant. À tout le moins, la mention de la possibilité pour l'enfant d'être entendu ne suffit pas. Comment imaginer qu'il prenne l'initiative de demander à être entendu par un juge ? Et qu'il suffise que la loi dise que ses parents l'informent pour que tout soit réglé par enchantement ?

Le coût du divorce ne sera peut-être pas doublé pour les huit couples sur dix qui prenaient un seul avocat, mais il augmentera considérablement : cela représenterait dix à quinze fois l'économie réalisée par la justice, chiffrée par le Gouvernement à 4,4 millions d'euros, sous réserve de réallocation des moyens ainsi dégagés.

Cette réforme d'inspiration libérale respecte la volonté des parties, alors que le système actuel a une dimension sociale. Si l'on mesure la dépense pour les couples et la vulnérabilité dans laquelle la réforme risque de laisser les enfants et le conjoint le moins fort, on a tout lieu de considérer que les incertitudes dans lesquelles cette réforme nous place l'emportent de beaucoup sur les avantages.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion