Intervention de Claude Raynal

Réunion du 9 juin 2016 à 11h00
Nouvelles organisations intercommunales et harmonisation de la fiscalité locale — Débat organisé à la demande du groupe udi-uc

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent débat a le mérite, une semaine après le congrès des maires, au cours duquel il a beaucoup été question d’intercommunalité, d’avoir lieu dans un contexte désormais clarifié : la nouvelle carte intercommunale issue des schémas départementaux de coopération intercommunale finalisés fin mars entrera bien en vigueur au 1er janvier 2017. Un report général d’un an des fusions aurait jeté le trouble et ralenti le mouvement, mais l’ajustement de certains délais – dans la procédure et à la marge – sera sans doute nécessaire dans le cadre de la prochaine loi de finances. J’y reviendrai dans quelques instants.

Quoi qu’il en soit, le 1er janvier 2017 marquera pour nous le terme d’un processus de réforme mené pas à pas depuis 2012, au travers de plusieurs textes, de la loi de 2014 créant les métropoles à la loi dite « NOTRe » de 2015. Au bout du compte, c’est bien une réforme profonde de l’intercommunalité qui a été menée.

On peut même parler de réforme territoriale au sens large – je pense à la carte des treize grandes régions, entrée en vigueur au mois de janvier –, mais là n’est pas le sujet de ce matin.

« Nouvelles organisations intercommunales » : les termes sont appropriés. Ils marquent une nouvelle étape de l’intercommunalité, l’objectif étant le renforcement de services publics de qualité sur l’ensemble du territoire et une meilleure coopération au service de projets de territoire.

Les EPCI sont à même de mutualiser les forces et les moyens et de porter des projets structurants en zone rurale. Aujourd’hui, toutes les communes de France appartiennent à une intercommunalité. Surtout, la nouvelle carte intercommunale limitera le nombre des EPCI à fiscalité propre qui passeront de plus de 2 000 à environ 1 200. C’est donc une rationalisation majeure de notre paysage institutionnel.

Par ailleurs, la création de quinze métropoles structurera le territoire de notre pays, tout en démontrant la capacité d’adaptabilité institutionnelle dont ont fait preuve le Gouvernement et le Parlement, les métropoles du Grand Paris, de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence ayant été créées sur des modèles sui generis, construits pour coller aux spécificités et défis locaux.

Enfin, la commune nouvelle suscite un véritable intérêt et trouve toute sa place dans un contexte financier contraint nécessitant de fédérer les forces, notamment en zone rurale. Ainsi, 350 communes regroupant plus d’un million d’habitants se sont regroupées en communes nouvelles, afin d’unir leurs projets de développement.

Finalement, l’organisation territoriale aura été redessinée au cours de ces dernières années.

Je le disais au début de mon intervention, ces fusions nécessiteront des ajustements législatifs ou réglementaires.

L’évolution des périmètres intercommunaux donnera lieu à de nombreuses évolutions et transformations du paysage institutionnel qui peuvent avoir des implications importantes en matière de fiscalité pour les collectivités du bloc local.

Le premier effet sera la généralisation du modèle de la fiscalité professionnelle unique, la FPU. De nombreuses communautés à fiscalité additionnelle rejoindront une communauté à FPU. Dans cette situation, c’est le modèle de la FPU qui l’emporte. Pour reprendre les propos de Charles Guené, selon les estimations de l’ADCF, l’Assemblée des communautés de France, le nombre de groupements à FPU représentera à terme 72 % des groupements à fiscalité propre, contre 60 % actuellement et 52 % en 2012. Quant au nombre de groupements à fiscalité additionnelle, il passera ainsi à 304, contre 753 actuellement.

Une telle évolution pose fortement la question du nombre de catégories – on en compte huit actuellement –, chacune possédant un régime fiscal spécifique, alors que leurs compétences se rapprochent et que leur mode de financement s’uniformise progressivement avec la généralisation de la fiscalité mixte à l’échelle des communautés, du fait du transfert, notamment, de la part départementale de la taxe d’habitation. Il y aurait sans doute avantage, madame la secrétaire d’État, à simplifier rapidement la catégorisation des groupements, sans doute en la réduisant à deux ou trois natures de groupement.

Cette seconde vague de fusions se déroule dans un contexte différent de celui des fusions réalisées à la suite des premiers schémas de 2010 : le nombre de communautés concernées est beaucoup plus important – à terme, le nombre de groupements pourrait être divisé par deux – et la taille des groupements plus ambitieuse, puisque l’on recense de très nombreux projets de communautés de plus de 50 communes. Les projets de fusion peuvent se révéler plus complexes : fusions bloc à bloc, éclatements de communautés, intégration de communes nouvelles et nombreuses modifications en matière de compétences.

Par ailleurs, les délais sont bien plus courts, alors que de nombreuses délibérations de nature fiscale devront être prises en anticipation de la mise en place des groupements issus de la fusion au 1er janvier 2017.

Au plan fiscal, les premiers constats concernant l’évolution du paysage intercommunal à la vue des projets de schéma arrêtés par les préfets, sont les suivants : généralisation de la FPU ; nombreux changements de catégories juridiques, des communautés de communes devenant des communautés d’agglomération et des communautés d’agglomération, des communautés urbaines.

Mes collègues l’ont dit, la recherche de la neutralité fiscale et financière, tant pour les budgets des communes et du groupement issu de la fusion que pour les contribuables, constitue un enjeu essentiel dans le cadre des projets de fusions.

Les fusions peuvent se traduire par des modifications significatives de la pression fiscale, en raison de l’importance des écarts de taux préexistants et de la structure de la fiscalité pour les communautés candidates à une fusion. La loi offre différentes possibilités d’harmonisation des taux qui ont fait l’objet de divers ajustements en lois de finances.

Cependant, la convergence progressive – de deux à douze ans depuis la loi de finances rectificative pour 2011 – du taux de la taxe d’habitation, la TH, nécessite au préalable, cela a été dit, une unification des politiques d’abattement communautaires avant le 1er octobre précédant la fusion. La décision doit donc obligatoirement être prise par les communautés existantes, selon des délibérations concordantes. À défaut, le taux moyen pondéré de TH s’appliquera automatiquement, avec des effets significatifs pour les contribuables si les écarts de taux sont importants.

Par conséquent, en l’absence d’unification préalable, je propose de reporter d’un an le début de la convergence, afin de pouvoir traiter correctement la situation.

L’utilisation des attributions de compensation et des taux communaux constitue un sujet majeur. En effet, si l’on veut éviter que les habitants ne subissent le problème des taux, la meilleure solution de régulation est de passer par l’intercommunalité et les attributions de compensation.

Certains territoires préfèrent renoncer au lissage et ont mis en place un mécanisme requérant un accord politique fort, destiné à neutraliser les variations des taux communautaires, en utilisant les attributions de compensation et les taux communaux, ce qui me semble tout à fait positif. Cette possibilité nécessite toutefois d’obtenir les majorités correspondantes, soit les deux tiers des membres du conseil communautaire et l’accord des communes intéressées. Bien évidemment, lorsque toutes les communes sont concernées, le désaccord d’une seule peut conduire la communauté à renoncer à cette possibilité.

Ne faudrait-il pas, dans ce cas, rendre cette procédure obligatoire ? Nous devrons étudier une telle hypothèse en fin d’année.

Pour les communautés à FPU, l’harmonisation fiscale du taux de cotisation foncière des entreprises ne semble pas présenter de difficultés. Le taux de CFE de première année est déterminé à partir du taux moyen pondéré de cotisation foncière des entreprises du territoire l’année n-1. Les communautés ont la possibilité de mettre en place un taux unique, le taux moyen pondéré, soit à l’issue de la fusion, soit de façon progressive sur une durée de douze ans, si les écarts de taux sont supérieurs à 10 %. Ce seuil a été relevé dans la dernière loi de finances.

Les politiques actuelles d’exonération de CFE et de CVAE, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, et d’abattements continuent à s’appliquer la première année suivant la fusion. Pour maintenir des politiques fiscales la deuxième année, la communauté devra délibérer avant le 1er octobre de l’année qui suit la création.

Ne faut-il pas donner plus de temps – je pense à une durée de deux à cinq ans – pour unifier les politiques d’exonération ? Nous devrons avoir ce débat pour trouver des solutions.

S’agissant de la cotisation minimale à la CFE, le niveau de base minimal est maintenu la première année qui suit la fusion. L’année suivante, à défaut de délibération, une nouvelle base minimale s’appliquera automatiquement pour chaque tranche de cotisation. Ce dispositif n’affectera pas le budget communautaire. En revanche, les écarts peuvent être importants pour les contribuables. Depuis la loi de finances rectificative pour 2015, la communauté a la possibilité d’instituer une nouvelle grille d’imposition et de lisser sur dix ans. Cependant, les bases ne doivent pas évoluer de plus de 5 % par an, ce qui risque d’être insuffisant pour instaurer un tel système de lissage. Par conséquent, ne faut-il pas faire évoluer le dispositif de la CFE sur ce point ?

J’en viens à la question du partage de la CVAE pour les communautés à fiscalité additionnelle. Il peut y avoir des difficultés liées à ce partage entre la nouvelle communauté et ses communes membres, si le poids de la CVAE était très différent entre les candidates à la fusion. Il existe des possibilités d’ajustements : institution de la FPU, pour laquelle la majorité simple du conseil communautaire est requise, ou modification de la répartition.

Nous devrons sans doute débattre de la majorité nécessaire pour parvenir à ce lissage.

La question importante du rebasage du taux de TH a été évoquée par mes collègues. La fusion d’une communauté à fiscalité additionnelle avec une communauté à FPU pose le problème des bases à prendre en compte.

En 2010, les taux de TH des communes membres d’un EPCI à fiscalité additionnelle ont fait l’objet d’un rebasage à la suite du partage du taux de TH départemental entre les communes et leurs EPCI. L’adhésion d’un EPCI à fiscalité additionnelle à un EPCI à FPU doit être l’occasion de débaser les taux de TH pour éviter un doublon du taux départemental, bien évidemment intégré dans le taux de l’EPCI à FPU. Ce débasage n’est possible que si l’EPCI existait en 2011. Or une fusion donne lieu à la création d’un nouvel EPCI. Dans ce cas de figure, il convient d’annuler le double taux de TH en passant par les autorisations de compensation et les taux communaux.

Sur ce sujet, on note des divergences d’interprétation de l’administration fiscale locale, à savoir les directions départementales des finances publiques, ce qui crée une grande instabilité.

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