Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 9 juin 2016 à 11h00
Nouvelles organisations intercommunales et harmonisation de la fiscalité locale — Débat organisé à la demande du groupe udi-uc

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, les implications fiscales et financières de la nouvelle carte intercommunale imposée par les dispositions de la loi NOTRe n’ont pas été évaluées. Nous sommes tous amenés, dans nos territoires, à participer aux travaux des CDCI, qui s’efforcent de redéfinir le territoire de l’intercommunalité : nous sommes donc bien placés pour mesurer les difficultés qui se posent à cette occasion.

Dans mon département, la Loire-Atlantique, nous avons constaté plusieurs difficultés relatives au lissage du différentiel des taux d’imposition. Ce problème est complexe et difficilement simplifiable. Nous avons pu, avec l’aide des services de l’État, revoir les mécanismes de lissage ; mais leur complexité les rend difficilement lisibles, contribuant à éloigner encore un peu plus le citoyen de l’intercommunalité.

Au stade où nous en sommes, et au regard du calendrier fixé, ces problèmes techniques, dans de nombreux départements, fragilisent la viabilité de certains projets de fusion d’EPCI, comme les collègues qui m’ont précédé l’ont indiqué.

Les racines de ce phénomène sont profondes et anciennes.

Les ressources du bloc communal ont été définies à un moment où l’activité économique progressait régulièrement et où les dotations de l’État suivaient a minima le rythme de l’inflation. Ce contexte est aujourd’hui révolu. Les charges liées aux transferts de compétences à l’échelon intercommunal s’accumulent sans être parfaitement compensées. Nos budgets sont sous tension, et chaque jour démontre à quel point notre fiscalité locale est archaïque et inadaptée au paysage intercommunal que le Gouvernement a dessiné.

C’est la conséquence logique de la manière dont l’acte III de la décentralisation, annoncé dès 2012 par le Président de la République, a été mis en œuvre. On a touché aux cartes, aux modes de scrutin, aux compétences, aux modalités de répartition de la DGF, mais la fiscalité locale n’a pas été adaptée aux enjeux nouveaux portés par la loi NOTRe.

Pour autant, si les causes de ce problème sont logiques, ses conséquences n’en sont pas moins problématiques. Dès lors, quatre questions se posent.

Comment faire converger les fiscalités sans pénaliser les citoyens et les entreprises ?

Comment le produit doit-il être réparti entre les communes ?

Quelle gouvernance doit-on mettre en place pour décider de la répartition tout en assurant une juste représentation des communes et de la population ?

Quel calendrier et quelles mesures de transition ?

Plus le territoire est large, plus il risque d’être hétérogène. Des communes pratiquant des taux de cotisation foncière des entreprises et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises très différents seront amenées à coopérer et à répartir entre elles une partie de leurs recettes fiscales.

Cette disparité des taux ne fait que refléter la disparité des situations économiques locales : les entreprises ne sont pas également réparties entre nos communes. Les communes les plus peuplées ne sont pas nécessairement celles qui dynamisent l’économie d’un territoire.

Quelques communes peuvent concentrer l’essentiel des ressources fiscales d’un EPCI. La solidarité intercommunale doit jouer ; mais dans quelle proportion, et sous quelles conditions ?

Ce sujet a déjà été soulevé : en matière de fusion, le principe du big is beautiful n’est pas nécessairement synonyme d’une intégration optimale.

En effet, lorsque la fusion s’accompagne du passage du régime de la fiscalité additionnelle à celui de la fiscalité professionnelle unique, ce n’est pas sans effet sur les différents critères qui déterminent le versement des dotations et le fonctionnement de la péréquation.

Par ailleurs, comment définir une gouvernance intercommunale permettant aux communes d’être justement représentées sans que cette définition procède mécaniquement d’une base démographique qui, elle, n’est pas nécessairement représentative de la répartition de la ressource fiscale ?

Il est vain de croire qu’une réforme de la fiscalité locale est envisageable à un an de l’élection présidentielle. En outre, les bases de la CFE et de la CVAE viennent à peine d’être stabilisées. La solution au problème de l’harmonisation de la fiscalité intercommunale devra donc venir de réponses politiques et institutionnelles. Or, pour cela, il faut du temps, il faut du dialogue, il faut de la stabilité !

Il aurait été possible, en guise de solution, de s’inspirer du régime en vigueur pour inciter aux fusions de communes. Les communes nouvelles bénéficient en effet d’un bonus financier incitatif. Cette méthode aurait pu permettre de pallier les problèmes fiscaux via un abondement vertical. De la même manière, un bonus facilite les mécanismes de lissage des taux. Ainsi, nous aurions pu décider qu’un bonus financier serait accordé aux premières intercommunalités concluant un accord.

À défaut, et au vu de la situation de nos finances publiques, nous pourrions imaginer un geste financier spécifique destiné à faciliter les fusions ou les extensions les plus problématiques et les plus déséquilibrées.

Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi qui sera consacré à la réforme de la DGF à l’automne prochain. Dans l’immédiat, madame la secrétaire d’État, nous souhaitons que vous entendiez les inquiétudes issues de nos intercommunalités et que vous les relayiez auprès du Gouvernement.

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