Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les élus sont sans arrêt réunis, afin d’appliquer les préconisations de l’État. Ils auraient souhaité davantage de concertation avant les prises de décision ; mais ils demandent désormais qu’un coup d’arrêt soit porté au chamboulement permanent des territoires et de leurs règles de gestion.
Quelques dates : 2002, affirmation du régime juridique des communautés de communes ; 2010, création des conseillers territoriaux, abandonnée ensuite ; 2013, création des conseillers départementaux ; 2015, promulgations de la loi relative à la délimitation des régions, créant les très grandes régions – 12 départements dans la mienne ! – et de la loi NOTRe sur la répartition des compétences ; enfin, 2016, énièmes nouveaux découpages des territoires, avec la création, à compter de 2017, de nouvelles communautés de communes, communautés d’agglomération ou métropoles, et le remplacement des pays par des SCOT, des schémas de cohérence territoriale.
Le Sénat a joué un rôle décisif dans cette réforme : sa ténacité a permis le maintien du département – c’était d’une très grande importance – et la fixation d’un seuil minimal de 5 000 habitants pour la création de nouvelles communautés de communes situées dans une zone de montagne – ainsi les « petites CC » ne disparaissent-elles pas.
La fixation du seuil à 20 000 habitants aurait conduit à la formation d’intercommunalités aux territoires immenses. Nos compatriotes demandent, a contrario, des structures à taille humaine. Ils souhaitent avoir leur mot à dire, pouvoir s’investir dans des EPCI de proximité, et éviter de se retrouver noyés dans des conseils de plus de 100 membres, dont les lieux de réunion seraient très éloignés de leur domicile. Ils demandent une fiscalité acceptable et un soutien de l’État.
L’existence des très grandes régions justifie le maintien des départements, indispensable dans les territoires ruraux. Quant à la création des communes nouvelles, elle peut constituer une bonne initiative pour rationaliser les investissements.
Mais, dans le même temps, les élus sont confrontés à une baisse très importante des dotations. Face à cette situation, ils sont obligés soit d’augmenter les impôts locaux, soit de réduire l’investissement, soit, souvent, de faire les deux.
En effet, comme il a été dit lors du dernier congrès des maires de France, le manque à gagner lié à la baisse des dotations s’élève au total, pour l’ensemble des collectivités, à 26 milliards d’euros sur quatre ans – c’est beaucoup trop ! La mise en place d’une péréquation en faveur de certaines communes rurales n’empêche pas la dotation de celles-ci de diminuer sensiblement.
S’agissant du personnel communal et intercommunal, les hiérarques parisiens reprochent aux intercommunalités d’avoir trop embauché, ce qui leur vaut d’être désignées comme d’incorrigibles dépensières. Rappelons, tout de même, qu’aucun programme présidentiel ne prévoyait de baisse des dotations !
Par ailleurs, les communautés de communes ont mis en place de nouveaux services, souhaités par la population, en faveur des personnes âgées, des jeunes, de la culture, des sports, du tourisme, de l’emploi. Les embauches afférentes ont pour objectif de développer l’économie des territoires et d’y maintenir la vie. Cet effort devra être poursuivi.
Trois impératifs demeurent d’ailleurs vitaux pour éviter la désertification.
D’une part, le maintien de la médecine de premier recours, donc de la médecine généraliste, dans les zones rurales, et même dans certaines zones périurbaines, ne sera possible que par une augmentation du numerus clausus et par la poursuite des créations de maisons de santé.
D’autre part, le développement de l’économie passera par la création de zones franches ou de ZRR, ou zones de revitalisation rurale, dans les EPCI hypo-denses – ce point semble avoir été oublié lors du dernier comité interministériel aux ruralités.
Enfin, pour mener à bien la couverture des zones blanches non desservies en téléphonie mobile et internet, les communes, les communautés de communes et le département devront avancer 20 à 30 % du coût des investissements, ce qui entraînera la dépense de sommes considérables par les EPCI ruraux.
Une autre épreuve attend nos élus et nos populations : c’est la nouvelle fiscalité liée aux fusions et aux créations de nouveaux EPCI. À titre d’exemple, dans mon département, la Corrèze, nous sommes passés de vingt à neuf communautés de communes et d’agglomération, au gré des séparations, des regroupements et des fusions.
Cette situation – beaucoup d’entre nous l’ont déjà indiqué en détail – va entraîner des modifications de la fiscalité, puisque ces territoires ne sont pas identiques, et peuvent relever de régimes fiscaux différents – fiscalité additionnelle, fiscalité professionnelle unique, fiscalité mixte. En fonction de la situation, le montant de la contribution foncière des entreprises, et donc celui de la CET, la contribution économique territoriale, peut augmenter très sensiblement, et la recette fiscale des communes peut diminuer grandement. Cette question est très complexe, mais capitale pour l’avenir de nos communes et de leurs habitants.
Les mois qui nous séparent de la fin de cette année doivent être consacrés à faire le point et, par le biais de simulations et avec l’aide des services fiscaux et préfectoraux, à adapter les nouvelles fiscalités des EPCI, afin de minimiser les mauvaises surprises pour nos concitoyens. Je vous rappelle, madame la secrétaire d’État, que les petits EPCI ne peuvent se payer les services de bureaux d’études.
Il va donc s’agir d’harmoniser les différents paramètres sans brutalité ; de ce point de vue, l’année qui vient, c’est-à-dire la première de mise en œuvre de la réforme, sera décisive.
L’échéance du 1er janvier 2017 semble un peu proche ; il serait pertinent d’allonger d’un an, jusqu’en 2018, la période de transition, comme l’ont proposé M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.
Madame la secrétaire d’État, les élus, notamment les maires, souhaitent que les réformes territoriales s’arrêtent, même s’ils ne sont pas nécessairement en accord avec la création des grandes régions ou des nouveaux conseils départementaux. Ils souhaitent le maintien du département en zone rurale, et le maintien des incitations à la création de communes nouvelles.
Mais ce que veulent surtout les élus, c’est la stabilité, et l’aide de l’État pour la mise en place de la fiscalité des nouveaux EPCI. L’État doit avoir, aux côtés des régions et des départements, la volonté politique d’aménager tous les territoires, afin de permettre que perdurent la vie et l’espoir, notamment dans nos communes rurales.