Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 22 novembre 2010 à 21h30
Loi de finances pour 2011 — Articles additionnels après l'article 10, amendement 80

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis :

Certes, monsieur le ministre, le Président de la République a tenu à honorer un engagement de son prédécesseur, mais n’oublions pas celui qu’il avait lui-même pris, au printemps de 2007, de restaurer l’équilibre des finances publiques. La crise mondiale est ensuite survenue, et nous devons maintenant faire face à une dégradation profonde des comptes publics.

Monsieur le ministre, c’est au nom de la justice que vous vous opposez à nos amendements, mais c’est aussi au nom de la justice que, pour notre part, nous cherchons des ressources pour réduire le déficit public. En effet, la fuite dans l’endettement débouche inéluctablement sur une dette perpétuelle : nous avons pu le constater lors du débat sur le financement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Qu’adviendrait-il si, demain, les taux d’intérêt remontaient ? Aujourd’hui, ils se situent à un niveau historiquement bas, mais cette situation ne durera pas, et vous le savez bien.

Vous entendez réduire les dépenses. Je souscris totalement à cet objectif, mais sommes-nous vraiment en mesure de l’atteindre ? Au lendemain des conférences sur le déficit du printemps dernier, on annonçait une réduction à hauteur de 10 % des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’intervention. Or, dans le projet de budget que vous nous présentez aujourd’hui, ces dépenses sont en diminution de 0, 5 % ou de 1 %, alors que le Premier ministre avait proclamé que leur baisse atteindrait 5 % ! Vous venez de nous transmettre un projet de décret d’avance, l’État n’étant pas en mesure d’assurer le paiement des salaires de ses fonctionnaires en décembre… La situation est donc particulièrement tendue.

Mes chers collègues, la justice veut aussi que l’on respecte une solidarité intergénérationnelle. À cet égard, nous ne saurions transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants la charge d’une dette que nous aurions laissé s’accumuler, faute d’avoir su équilibrer les comptes publics, par manque de courage ou d’engagement politique.

C’est donc au nom de la justice que j’ai cru devoir déposer l’amendement n° I-80, mais, en vérité, je ne suis pas tout à fait au rendez-vous de mes convictions.

En effet, nous devons préparer une réforme fondamentale des prélèvements obligatoires. Aussi longtemps que les salaires constitueront l’assiette des cotisations destinées à financer notre protection sociale, tous les discours convenus que nous pourrons tenir sur le plein emploi et la croissance se heurteront à la réalité de l’économie mondialisée.

Cette réforme est urgente, monsieur le ministre ! Si nous ne l’entreprenons pas, nous nous exposons à devoir afficher constamment une sorte d’impuissance politique face aux problèmes que nous avons à régler.

Le présent amendement répond à ma conviction : nous ne pourrons nous dispenser de mettre en place, tôt ou tard, un taux intermédiaire de TVA pour les activités relevant de l’économie de proximité, car entre 5, 5 % et 19, 6 %, l’écart est trop grand. Pour les secteurs que je vise ici, la seule possibilité de délocalisation est le basculement vers le travail au noir, l’économie parallèle.

Nous devrons par ailleurs envisager l’instauration d’un taux de TVA supérieur à 20 % pour compenser l’allégement des cotisations sociales. Si ce dernier était suffisant, le crédit d’impôt recherche ne serait pas nécessaire pour encourager la recherche en France.

Je n’insisterai pas sur ma proposition de fixer le taux intermédiaire à 10 %, mais je veux prendre date, monsieur le ministre. J’ai la profonde conviction, je le répète, que nous n’échapperons pas à l’institution d’un taux intermédiaire. Nous avons tort de repousser l’échéance.

Cela étant dit, je retire l’amendement n° I-80, au profit de celui qu’a déposé M. Marini, qui applique la politique des petits pas. J’ai néanmoins quelques scrupules : quand on veut couper la queue d’un chien, il vaut mieux le faire d’un seul coup, pour ne pas renouveler la douleur ! §

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