Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 30 juin 2009 à 22h00
Inceste sur les mineurs — Adoption d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel :

... pour revenir sur certaines des dispositions votées par l’Assemblée nationale. Car, à trop vouloir préciser, non seulement on sème la confusion, mais on risque de créer une insécurité juridique, voire d’instaurer une différence de traitement à l’égard des victimes de l’inceste en fonction des juridictions.

Pourtant, la raison voudrait que l’on pense d’abord à la prise en charge des victimes. L’introduction d’une nouvelle incrimination dans le code pénal changera-t-elle quoi que ce soit à la situation actuelle – qui s’est beaucoup améliorée, c’est exact, par rapport aux années précédentes ? Je crains que non !

La prise en charge des victimes, qui est le point le plus important, ne figure pas dans la loi parce que l’attribution des moyens, tant humains que financiers, qui doivent être mis à la disposition de toutes celles et tous ceux qui connaissent ou suspectent des cas d’inceste est de nature réglementaire.

Je pense d’abord aux médecins scolaires, car c’est souvent à l’école que l’on détecte les cas de violences, notamment sexuelles, au sein de la famille, mais aussi aux membres du corps judiciaire, de la police et de la gendarmerie. À cet égard, madame la ministre d’État, j’en conviens, beaucoup de progrès ont été accomplis ; en particulier, l’arrivée de nombreuses femmes au sein des personnels concernés a permis un meilleur accueil et une meilleure compréhension des jeunes filles, plus fréquemment victimes que les jeunes gens, qui viennent se plaindre d’inceste.

Tout cela reste notoirement insuffisant, et d’ailleurs, des progrès supplémentaires ont été demandés lors de la discussion de la proposition de loi à l’Assemblée nationale. À Paris, il existe des centres d’accueil, je pense notamment à celui de l’hôpital Tenon, qui est exceptionnel ; mais on n’en cite pas beaucoup d’autres...

Ce texte n’apporte rien de vraiment convaincant à la lutte contre l’inceste, hormis qu’il le nomme. Est-ce le prévenir ? Est-ce l’éradiquer ? C’est le stigmatiser un peu plus : est-ce vraiment ce que l’on veut ?

Plus grave, ce texte risque d’engendrer de faux espoirs pour les victimes, de semer la confusion chez les professionnels et, je le mentionnais à l’instant, d’être à l’origine d’inégalités de traitement.

Finalement, je le dis sans engager de polémique, il s’inscrit dans une pratique éprouvée qui consiste à faire croire que les problèmes de société, notamment ceux de ce type, peuvent être réglés simplement au détour d’un texte. C’est faux, car la loi ne peut régler ces situations sociales absolument désastreuses et condamnables !

Les victimes de l’inceste méritent mieux, madame la ministre d’État. Elles méritent que soit menée une action interministérielle afin que, dans le cadre des dispositions réformant la protection de l’enfance que nous avons adoptées, les intervenants soient mieux formés, depuis les personnels en milieu scolaire jusqu’aux magistrats qui devront juger en passant par les policiers, gendarmes, médecins, psychiatres et psychologues qui doivent prévenir et accueillir.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous abstiendrons sur cette proposition de loi, tout comme le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion