La séance, suspendue à vingt heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.
La séance est reprise.
Par lettre en date de ce jour, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter d’aujourd’hui, de la mission temporaire confiée à M. François Zocchetto, sénateur de la Mayenne, et M. François-Noël Buffet, sénateur du Rhône, auprès de M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste sur les mineurs et à améliorer l’accompagnement médical et social des victimes (nos 372, 465 et 466).
Madame la ministre d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je veux vous rendre attentifs à la contrainte, évoquée par M. le président du Sénat en fin d’après-midi, qui pèse sur nos travaux.
Nous sommes le dernier jour de la session ordinaire, qui s’achève ce soir à minuit. Le texte relatif à l’inceste n’étant pas inscrit à l’ordre du jour de la session extraordinaire, son examen ne pourra pas être poursuivi au-delà de minuit. Je vous invite donc, mes chers collègues, à faire preuve de concision afin que nous puissions en terminer l’examen avant ce terme.
Si tel n’était pas le cas, la suite du débat serait renvoyée à la prochaine session ordinaire, qui sera ouverte le 1er octobre.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre d'État.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la prohibition de l’inceste est une réalité inscrite au fondement même des civilisations.
Même s’il fait l’objet de cet interdit symbolique, l’inceste est toujours présent dans notre société. Magistrats, forces de l’ordre, professionnels de l’enfance, le savent : la nécessité de protéger les mineurs contre les violences incestueuses n’a rien perdu de son actualité.
En tendant à inscrire la notion d’inceste dans le code pénal, la proposition de loi soumise à votre examen vise à combler une lacune de notre droit. Elle adresse un signal fort aux victimes de l’inceste et aux autorités chargées de le combattre. Elle prévoit des moyens de détecter, d’identifier, de prévenir l’inceste et de lutter contre cet acte.
Présenté à l’Assemblée nationale par Mme Marie-Louise Fort, ce texte est le résultat d’un travail législatif approfondi. Je tiens en cet instant à saluer le travail remarquable de la commission des lois de la Haute Assemblée et du rapporteur, M. Laurent Béteille. Les échanges fructueux avec l’Assemblée nationale, la qualité du dialogue, sont un exemple remarquable du travail conjoint des deux assemblées et font honneur à notre démocratie.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la clarté de la loi est la condition de l’efficacité de notre action.
En adaptant le code pénal, nous visons à mieux sanctionner les violences sexuelles commises au sein de la famille, d’une part, et à mieux répondre aux attentes des victimes de l’inceste, d’autre part.
En reconnaissant la spécificité de l’inceste, la proposition de loi tend à conforter le fondement juridique de sa sanction pénale.
L’inceste, forme spécifique de violences sexuelles, appelle des dispositions spécifiques du code pénal.
Le texte émanant de la commission en propose une définition dont nous aurons l’occasion de débattre.
Il faut distinguer l’inceste d’autres formes de viol et d’agression sexuelle.
Quatre facteurs sont constitutifs du viol et de l’agression sexuelle : la violence, la contrainte, la menace et la surprise.
La qualification d’inceste ou de violences incestueuses intègre la forme particulière de contrainte morale qui résulte de la différence d’âge et de l’autorité de l’auteur du fait. C’est l’une des avancées de la proposition de loi.
Reconnaître la spécificité de l’inceste implique aussi la prise en compte du cadre familial.
L’inceste repose, c’est là un élément essentiel, sur l’abus de la confiance spontanée des mineurs dans les adultes qu’ils côtoient au sein de la famille. Il transforme un processus de construction de la personnalité en processus de destruction de l’individu.
La proposition de loi prend en compte la réalité du contexte familial en créant une circonstance aggravante nouvelle d’inceste. C’est un gain de clarté et de lisibilité de la sanction.
Mieux sanctionner l’inceste est une nécessité. Mieux prendre en compte les victimes de l’inceste est l’une de nos responsabilités majeures.
Nous le constatons tous lorsque nous côtoyons des victimes de l’inceste : leur désarroi est souvent aggravé par le silence qui entoure cet acte, par le tabou dont il fait encore l’objet. N’aggravons pas la loi du silence par le silence de la loi, n’ajoutons pas un tabou juridique au tabou social !
En inscrivant en toutes lettres la notion d’inceste dans le code pénal, nous contribuerons à mieux répondre à ce besoin de reconnaissance. La prévention s’en trouvera confortée.
La proposition de loi prévoit une information dans les écoles et une sensibilisation du public dans les médias. Pour mieux détecter, signaler et prendre en charge les victimes, elle prévoit également que la formation initiale et continue de certains professionnels, tels que les médecins, les enseignants, les travailleurs sociaux et les avocats, comporte un enseignement spécifique.
La prise en charge des victimes doit aussi être améliorée.
De nombreux progrès dans l’accueil des victimes ont été accomplis au cours de ces dernières années, notamment au sein des gendarmeries et des commissariats. Il faut encore aller plus loin.
La proposition de loi prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement, avant le mois de juin 2010, sur les améliorations de la prise en charge des victimes. Ce document permettra de présenter le déploiement des unités médico-judiciaires sur l’ensemble du territoire, processus dans lequel la ministre de la santé et moi-même nous sommes engagées.
L’accompagnement des victimes face à des démarches juridiques parfois complexes devra être renforcé. En effet, le droit, la justice, le recours devant les tribunaux, paraissent extrêmement compliqués à ces victimes traumatisées, ce qui constitue souvent un frein supplémentaire à la dénonciation. La proposition de loi prévoit donc la désignation par le magistrat d’un administrateur ad hoc. Le mineur aura ainsi un interlocuteur totalement disponible et prêt à l’aider dans les démarches engagées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons avoir à l’esprit ce soir que défendre les plus fragiles, protéger l’enfance, préserver la cellule familiale, relève de notre responsabilité partagée, au-delà des clivages politiques.
Adapter notre droit à la lutte contre l’inceste, c’est rappeler nos valeurs : cela est essentiel au moment où notre société fait face à de profondes mutations et s’interroge sur ses fondements et sur ses valeurs. C’est en même temps affirmer notre attachement à la dignité humaine et aux valeurs qui font la pérennité de notre pacte social.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.
Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, dans notre pays, l’inceste est une réalité très lourde. Elle n’est probablement pas nouvelle : malheureusement, nombre de cas ont sans doute été occultés par le passé. Aujourd’hui, les faits sont un peu plus facilement exprimés. Cependant, beaucoup reste encore à faire pour que l’importance et le poids de cette réalité soient totalement appréhendés.
Pourtant, et c’est un paradoxe, le terme « inceste » ne figure aujourd’hui nulle part dans notre législation.
Certes, le code civil définit un certain nombre d’empêchements au mariage, qui peuvent être absolus ou relatifs, c’est-à-dire susceptibles d’être levés par une dispense. Certes, depuis longtemps le code pénal sanctionne, par le biais de tout un arsenal juridique, les infractions sexuelles commises au sein de la famille.
Cependant, compte tenu de cette lacune, nous ne pouvons disposer d’aucune statistique sur le nombre de victimes de l’inceste. Il faut reconnaître que c’est un grave handicap dans la lutte contre ce fléau.
Si nous ne connaissons pas les chiffres avec exactitude, malgré certains sondages qui, toutefois, ne peuvent apporter d’enseignements définitifs, nous savons qu’il s’agit de violences particulièrement destructrices, qui créent des traumatismes particulièrement profonds.
Face à ce constat, que pouvons-nous faire ? Telle est la question que soulève la présente proposition de loi.
Heureusement, beaucoup a déjà été réalisé dans ce domaine. Christian Estrosi, voilà quelques années, avait rédigé un rapport sur le sujet ; il y avait indiqué qu’en matière de répression de la délinquance sexuelle, notamment de l’inceste, notre législation était l’une des plus sévères et des plus efficaces d’Europe. Pourtant, je le répète, la notion d’inceste n’existe pas dans le code pénal : le droit français a choisi de ne pas sanctionner l’inceste en tant que tel, à la différence des législations des pays germaniques, notamment, qui le répriment y compris lorsqu’il est commis entre majeurs.
Telle n’est pas la tradition française, qui laisse les majeurs consentants agir comme bon leur semble – quelle que soit par ailleurs la réprobation morale qui, me semble-t-il, doit s’imposer.
En revanche, le droit français reconnaît comme une circonstance aggravante le fait que le viol, l’agression sexuelle ou l’atteinte sexuelle sur mineur soit commis par un ascendant. Les peines encourues sont alors lourdes : le coupable est passible de vingt ans de réclusion criminelle.
Récemment, la législation a évolué. Le délai de prescription a été porté à vingt ans, soit le double du délai habituel en matière de crime ; de plus, il court à partir de la majorité de la victime. Ainsi, jusqu’à ses trente-huit ans, un adulte pourra dénoncer des faits qui se sont produits au cours de son enfance. C’est une bonne chose, car ces infractions ont du mal à être exprimées.
Les victimes ont besoin d’un certain temps avant de pouvoir se libérer de la chape de plomb qui pèse sur les faits, posée quelquefois par la cellule familiale elle-même.
D’autres dispositions ont été adoptées, parmi lesquelles la possibilité de désigner un administrateur ad hoc lorsque les parents ne sont pas aptes à assurer leur rôle, ainsi que des peines complémentaires diverses, notamment la privation de l’autorité parentale.
Enfin, depuis 2004, le code pénal prévoit que les médecins ne peuvent pas faire l’objet de sanctions disciplinaires lorsqu’ils ont signalé aux autorités compétentes les mauvais traitements dont ils ont pu avoir connaissance.
Il existe donc incontestablement un dispositif pénal efficace qui réprime sévèrement les violences sexuelles incestueuses.
Aujourd’hui, le problème qui nous est posé est l’évaluation des conséquences qu’entraîne notre façon d’aborder ce crime sans le qualifier d’inceste. Les associations concernées nous le disent, c’est un point important pour les victimes, car le fait de ne pas nommer la chose est une façon de la nier. Or nous n’osons pas parler d’inceste, y compris dans notre législation, alors que c’est bien de cela qu’il s’agit.
En outre, comme je l’ai déjà souligné, il est tout à fait regrettable que nous ne disposions pas de statistiques nous permettant d’appréhender la réalité et l’ampleur du phénomène, voire son évolution.
Le texte que nous examinons aujourd’hui, mes chers collègues, est le fruit d’une réflexion qui n’est pas nouvelle. En juillet 2005, je l’évoquais tout à l’heure, M. Christian Estrosi avait remis au Premier ministre un rapport sur l’opportunité d’ériger l’inceste en infraction spécifique. Par la suite, Mme Marie-Louise Fort, députée, a recueilli un grand nombre de témoignages de victimes qui l’ont convaincue de la nécessité de présenter au Parlement un texte visant à inscrire expressément la notion d’inceste dans le code pénal.
Néanmoins, l’un comme l’autre se sont prononcés en faveur non pas de la création d’une infraction spécifique d’inceste, distincte des autres qualifications pénales déjà existantes, mais de la conservation du principe actuel selon lequel l’inceste est considéré comme une circonstance aggravante des infractions que constituent le viol, les agressions sexuelles ou les atteintes sexuelles. C’était un bon choix.
Cette question de l’inscription de l’inceste dans notre législation a fait l’objet, pourquoi ne pas le dire, d’avis contrastés. Ainsi, l’ancienne Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, s’est déclarée réservée sur l’utilité d’une telle démarche, et l’intégralité des associations de magistrats que j’ai auditionnées s’y sont montrées réticents, voire hostiles.
Il ne faut pas, me semble-t-il, négliger cette réaction. J’ai moi-même eu l’occasion, lorsque j’exerçais ma profession d’avocat, de plaider dans de telles affaires. Je me souviens notamment d’avoir obtenu l’acquittement, après deux ans de détention provisoire, d’un homme accusé par sa fille. Aujourd’hui encore, je suis incapable de dire où était la vérité : a-t-on acquitté un coupable, ou bien un innocent a-t-il purgé deux ans de détention ?
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur ce point, et le procès d’Outreau, dont il a beaucoup été question voilà quelques mois, nous rappelle l’extrême prudence qui est de mise en ces matières si difficiles à juger. Les magistrats et les jurés entendent le témoignage d’un enfant, le témoignage d’un adulte, et un expert psychiatre leur dit lequel est plus crédible que l’autre. Ils ne disposent d’aucun élément matériel, car il est rare que la police scientifique soit en mesure d’apporter une preuve permettant de se prononcer dans un sens ou dans l’autre : seule l’intime conviction des jurés fait la différence. C’est, à mon avis, l’une des matières les plus difficiles pour un juge, et une responsabilité extrêmement lourde, car il faut envisager les conséquences.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faille rien faire. Au contraire, lorsque les jurés ont l’intime conviction qu’il s’agit bien d’inceste, il faut que celui-ci soit nommé. Je rejoins pleinement les associations de victimes dans ce raisonnement. Pour reprendre les termes de l’exposé des motifs de la proposition de loi, il faut « poser sur l’acte le terme qui lui convient ».
Cependant, le texte qui nous est parvenu de l’Assemblée nationale présentait un certain nombre de difficultés qui auraient rendu son application extrêmement complexe.
Il s’agit ici de droit pénal. La loi pénale est toujours d’interprétation stricte et, en cas d’ambiguïté, celle-ci doit toujours profiter à l’accusé. En outre, lorsque l’on requalifie des infractions, si la loi est plus sévère, elle ne sera pas applicable immédiatement. Elle ne concernera que les infractions qui auront été commises postérieurement à sa promulgation. Or le délai de prescription est de vingt ans. Il ne faut pas se tromper !
Par ailleurs, il faut songer à l’interprétation des nouvelles dispositions. Ainsi, la proposition de loi fixe, pour les auteurs d’actes incestueux, un certain nombre de catégories qui ne figuraient pas dans la loi précédente. Représentent-elles une aggravation ? La loi sera-t-elle plus sévère ? Je ne suis pas en mesure, je l’avoue très humblement, de dire si elle pourra ou non s’appliquer et si elle ne risque pas d’avoir les effets pervers que nous voulons surtout éviter.
La commission des lois a beaucoup réfléchi à ces aspects, et je tiens à remercier l’ensemble de ses membres, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent. Le travail très collectif que nous avons réalisé a permis d’avancer.
La liste retenue dans la proposition de loi nous paraissait excessivement rigide. D’un côté, elle pouvait englober des cas qui ne relèvent pas de façon évidente de l’inceste : on peut prendre l’exemple d’un adolescent qui aurait eu des relations sexuelles avec l’amie de son père, de son oncle ou de son frère. D’un autre côté, elle excluait des situations qui, me semble-t-il, en relèvent de façon beaucoup plus manifeste : je pense aux « quasi-fratries » – les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses –, dans lesquelles des violences peuvent être commises sur un enfant par les enfants de son beau-père ou de sa belle-mère. Ces relations me semblent de nature incestueuse, même si elles ne correspondent pas à la définition traditionnelle.
La commission a donc proposé d’inclure dans la loi les notions d’ascendant et de personne ayant autorité au sein de la cellule familiale, et a substitué à l’énumération stricte des auteurs d’actes incestueux la référence plus générale aux violences commises au sein de la famille.
Par ailleurs, elle n’a pas souhaité conserver la nouvelle circonstance aggravante d’inceste, qui risquait de poser de réels problèmes de droit transitoire, et a préféré faire de l’inceste une « surqualification ». La cour d’assises ou le tribunal correctionnel pourra ainsi qualifier les faits de viol, d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle d’« incestueux », la circonstance aggravante, dont j’ai rappelé tout à l’heure l’efficacité, restant exactement ce qu’elle est actuellement : elle concernera les ascendants et les personnes ayant autorité.
Sur la proposition de notre collègue Jean-Pierre Michel et des membres du groupe socialiste, la commission des lois a par ailleurs souhaité supprimer l’article 2 bis, qui tendait à aggraver les peines en cas d’atteintes sexuelles commises sur un adolescent âgé de quinze à dix-huit ans. Elle a en effet considéré qu’une telle aggravation n’entrait pas dans le champ de la proposition de loi : il n’est pas opportun d’alourdir un dispositif pénal destiné à n’être appliqué que dans de nombreuses années – à supposer que les cours d’assises ou les tribunaux correctionnels pensent, quand la victime a quinze ans ou plus, à prononcer des peines plus sévères !
Enfin, la commission a souhaité atténuer le caractère systématique de la désignation d’un administrateur ad hoc en cas d’inceste afin qu’elle ne soit pas obligatoire même quand les parents sont manifestement aptes à assurer leur devoir d’éducateur : une telle dévalorisation de leur rôle serait alors injustifiée.
En revanche, elle a souhaité conserver – ce débat a été tranché à quelques voix près – la définition de la contrainte figurant à l’article 1er de la proposition de loi.
En effet, la contrainte est l’un des éléments constitutifs des infractions de viol et d’agression sexuelle. Cependant, dans les années quatre-vingt-dix, la Cour de cassation a considéré qu’elle ne pouvait résulter seulement du jeune âge de la victime et de la relation particulière qui la liait à son agresseur, raisonnement qui avait conduit un certain nombre de juridictions à requalifier en atteintes sexuelles des viols commis sur un mineur par une personne de sa famille au motif que la contrainte n’était pas démontrée. Les associations de victimes s’en étaient émues, à juste titre, faisant valoir qu’une telle position semblait sous-entendre que l’enfant aurait pu consentir aux relations sexuelles qui lui étaient imposées : dans ce contexte spécifique, cela constitue de toute évidence une aberration.
Ainsi, la définition de la contrainte figurant à l’article 1er conduira les magistrats à ne plus retenir désormais la qualification d’atteinte sexuelle alors que les violences commises au sein du cadre familial dans lequel grandit l’enfant ou l’adolescent relèvent manifestement du viol ou de l’agression sexuelle.
Telles sont, mes chers collègues, les propositions de la commission des lois.
J’ai évoqué ce que le Parlement a déjà fait et ce qu’il peut encore faire. Il reste que, sur plusieurs points – Mme la ministre d’État a évoqué la prévention et l’accompagnement des victimes –, nous éprouvons une certaine frustration : soit nos propositions sont écartées au titre de l’article 40 de la Constitution, qui nous interdit d’augmenter les charges de l’État, soit ces matières relèvent du domaine réglementaire.
Néanmoins, l’action de sensibilisation des professions concernées est une très bonne chose. Il faut à l’évidence la poursuivre et l’approfondir.
Il est également nécessaire de créer des centres d’accueil pour les victimes. L’Assemblée nationale a souhaité qu’il en existe un dans chaque département, mais sa proposition a été déclarée irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. J’y insiste : le Gouvernement doit prendre toute la mesure de la situation afin de l’améliorer.
Madame la ministre d’État, je tiens à vous remercier de vos propos. La balle est maintenant dans le camp du Gouvernement, et nous comptons sur lui.
Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.
Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, pour une femme ou une adolescente, le risque d’être victime de maltraitance ou d’agression sexuelle est plus grand au domicile que dans la rue. Ce constat est encore plus vrai quand il s’agit d’un enfant. Tous les professionnels le disent : la plupart des abuseurs sexuels se trouvent au sein de la famille.
Le droit pénal français prend partiellement en compte les particularités de ces crimes. Pour autant, les spécificités de l’inceste méritent-elles qu’il soit nommé comme un crime différent ? À cette question, les victimes d’inceste répondent par l’affirmative.
Il est vrai que le terme « inceste » n’est inscrit ni dans le code civil ni dans le code pénal. Alors que l’anthropologue, le sociologue, le psychanalyste, l’ethnologue et l’éthologue se sont tous penchés sur l’étude de l’inceste, le juriste lui consacre très peu d’écrits. Le mot n’apparaît que très rarement ! Tout se passe comme si la règle morale sous-jacente aux règles juridiques allait tellement de soi qu’il n’était point besoin, pour notre droit, d’en dire plus.
Étymologiquement, le mot « inceste » va dans le sens d’un interdit social : le dictionnaire de l’Académie française, dans ses vieilles éditions, l’a défini comme la « conjonction illicite entre les personnes qui sont parentes ou alliées au degré prohibé par les lois », cependant que le Littré évoque une « union illicite ».
Au vu de ces premiers éléments, il est clair que la notion d’« inceste » est sous-tendue par celle de famille, voire de parenté. Il n’y a pas d’inceste sans famille au sens large.
Notre droit ne donne pas de définition de l’inceste. Toutefois, les auteurs sont unanimes sur le fait que l’interdit de l’inceste, quoique non désigné explicitement dans les textes, n’en a pas moins été et demeure l’un des fondements mêmes du droit familial et un pilier essentiel de notre société.
Ainsi, notre droit positif civil comporte des dispositions relatives au mariage et à la filiation qui se rattachent à cette notion. Le code civil interdit l’union incestueuse et, dans le prolongement de cette interdiction, pose l’obligation de trouver son partenaire sexuel à l’extérieur de la famille.
Cette prohibition a traversé toutes les réformes du code civil. Un homme ne peut et n’a jamais pu épouser sa mère, ni sa grand-mère, ni sa sœur, ni, en ligne descendante, sa fille ou sa petite-fille. De la même façon, une femme ne peut épouser son père, son grand-père, son fils, son petit-fils, ou encore son frère.
La loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, le PACS, a posé le même principe de prohibition. En effet, l’article 515-2 du code civil dispose que, « à peine de nullité, il ne peut y avoir de pacte civil de solidarité entre ascendant et descendant en ligne directe [...] et entre collatéraux jusqu’au troisième degré inclus ».
Mais on sait aussi que, actuellement, les couples se forment sans mariage ni pacte civil de solidarité et que certains sont construits sur une situation d’inceste.
La filiation incestueuse s’avère elle aussi indirectement prohibée : l’enfant né de relations incestueuses ne verra sa filiation légalement établie qu’à l’égard de l’un des deux auteurs de l’inceste.
Sur le plan pénal, l’inceste est également réprimé. Il est reconnu comme circonstance aggravante du crime de viol et des délits d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans par une personne ayant autorité.
Faut-il en rester là ? Les victimes d’inceste nous demandent d’aller plus loin : elles demandent qu’il soit reconnu que l’inceste n’est jamais pris en considération isolément, qu’il est toujours appréhendé en même temps que tous les autres crimes d’abus d’autorité.
Depuis plusieurs années, sortant de leur silence, les victimes d’actes incestueux parlent, et les poursuites pour des faits de cette nature se multiplient sans que ceux-ci soient jamais qualifiés comme tels.
La répression pénale s’est accrue, notamment depuis la réouverture des délais de prescription par la loi du 10 juillet 1989. Désormais, rien ne fait plus obstacle à une action tardive de la part de personnes majeures ayant été victimes d’un inceste pendant leur minorité.
Toutefois, les victimes ont besoin que les faits soient posés par des mots justes : la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui leur donne satisfaction.
Aucune nouvelle infraction n’est créée, mais, comme je l’indiquais au début de mon propos, ce crime est nommé dans sa spécificité et, de ce fait, reconnu. Surtout, la proposition de loi reconnaît la notion de « contrainte morale » pouvant résulter de la différence d’âge entre la victime mineure et l’auteur des faits ainsi que de l’autorité de droit ou de fait que le second exerce sur la première.
Dans la rédaction actuelle du code pénal, quatre facteurs permettent de constituer une agression sexuelle : la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. Or ils ne se retrouvent pas dans les cas d’agression sexuelle intrafamiliale. Le parent n’a pas besoin de se montrer violent avec l’enfant ; les menaces sont souvent postérieures à l’acte, et donc inopérantes ; la surprise, quant à elle, est insuffisante pour rendre compte de la pérennité du phénomène.
La victime est dans une situation très particulière par rapport à l’auteur de l’infraction : elle vit avec lui, mais surtout, souvent, elle l’aime. Ainsi, la situation de l’enfant victime de son parent est une manifestation de l’absence de consentement. Cette dépendance, cette autorité, font de l’inceste un crime différent des autres et créent les conditions du particularisme que réclament les victimes.
Dans cette proposition de loi, l’inceste entre personnes majeures n’est pas évoqué puisqu’il est présupposé que dans ce cas aucune contrainte n’est exercée. Il ne faut cependant pas oublier que, sur le plan de l’interdit social, toute relation sexuelle intrafamiliale reste un inceste. C’est pour insister sur la différence entre inceste imposé et inceste consenti que j’ai cosigné l’amendement de mon collègue François Zocchetto visant à modifier l’intitulé de la proposition de loi.
Je terminerai mon propos en abordant un point qui me paraît incontournable : la prévention.
Nous avons le devoir de faire changer les mentalités. Le travail sera long. Aussi convient-il de l’entamer au plus vite, en particulier à l’école et dans les lieux de loisirs fréquentés par les enfants et les adolescents.
C’est à cette condition que nous pourrons espérer une prise de conscience rapide chez les enfants victimes d’inceste, et c’est à cette condition qu’ils seront moins nombreux, on peut l’espérer, à connaître ce traumatisme.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, de l ’ UMP et du RDSE.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui aborde l’horreur que représente l’inceste sur les mineurs.
Comme ma collègue Muguette Dini vient de le souligner, nous savons très bien que le sens anthropologique et le sens juridique de l’inceste ne recouvrent pas le même champ, le premier étant plus large que le second.
En effet, si le droit ignore les cas dans lesquels les adultes sont consentants – seule l’interdiction du mariage peut leur être imposée –, il reconnaît les actes d’inceste commis sur les enfants, bien que celui-ci ne soit pas nommé en tant que tel dans le code pénal.
Malgré cela, il faut bien en convenir, la loi restera impuissante tant que les faits demeureront ignorés par la société. C’est le silence entourant l’inceste qui caractérise les difficultés rencontrées par les professionnels pour l’identifier, le prévenir et le sanctionner.
Par ailleurs, tout le monde le sait, la grande majorité des abus sexuels dont sont victimes les enfants sont commis dans le cadre de la famille ou des proches. Pourtant, on a du mal à l’admettre et l’on reste plus attentif à ce qui se passe hors du cercle familial. Souvent, le secret de famille reste de mise.
Un enfant victime d’inceste en garde toute la vie une blessure psychique, morale, affective. Il est agressé dans son corps, mais aussi dans son psychisme. Il est trahi par ceux qu’il aime et qui sont censés lui apporter sécurité et amour pour l’aider à se construire en tant que futur adulte.
Cette trahison enferme l’enfant, puis l’adolescent et l’adulte qu’il devient dans un silence infiniment difficile à briser. L’emprise qu’a sur lui l’auteur des faits, le sentiment de honte et de culpabilité qu’il éprouve, la peur d’être puni ou de ne pas être cru, sont si forts qu’ils contribuent à ce silence. La question de la capacité des victimes elles-mêmes à engager une action en justice est donc une question clé.
C’est la raison pour laquelle, en 2004, j’ai contribué, puisque c’est ma voix qui a fait pencher la balance, à ce que le délai de prescription soit porté de dix à vingt ans ; une telle position n’est pas dans mes habitudes ! Si j’ai agi ainsi, c’est qu’hélas, nous le savons tous, il faut parfois avoir atteint l’âge adulte, voire un âge mûr, pour pouvoir parler de certains événements de l’enfance.
La spécificité de l’inceste nécessite-t-elle une modification de la législation pénale, ou plutôt une amélioration profonde de la prévention, de la connaissance du phénomène, de la prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles intrafamiliales ? C’est toute la question !
Le code pénal prend déjà en compte la réalité de l’inceste, bien qu’il ne le nomme pas expressément. Jusqu’à présent, le législateur a fait le choix de sanctionner toute atteinte commise, même sans violence, sur un mineur. Le fait que celui-ci ait moins de quinze ans constitue une circonstance aggravante, tout comme le fait que l’agresseur soit un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime ou ayant abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions.
Les cas de violences sexuelles sur des mineurs au sein de la famille en sont-ils pour autant moins bien pris en compte par les juridictions ? Si ces dernières n’utilisent pas le terme d’inceste, leur sévérité est en revanche réelle. Le problème principal est donc plutôt que ces affaires parviennent jusqu’à elles. Claire Brisset, la Défenseure des enfants, faisait déjà ce constat en 2005 : « De tels actes sont quotidiennement réprimés par les tribunaux correctionnels et les cours d’assises, d’ailleurs avec une sévérité souvent supérieure en France à celle qui existe dans la plupart des autres pays européens. »
La proposition de loi de Mme Marie-Louise Fort, aussi bien dans le texte présenté par son auteur que dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale, présentait néanmoins un inconvénient important : elle comportait la stricte énumération des auteurs d’actes incestueux. L’inscription dans le code pénal de cette liste non exhaustive aurait conduit à exclure du champ de l’inceste des cas pourtant vécus comme tels par les victimes.
Notre rapporteur a proposé de ne pas retenir l’énumération initialement prévue et de revenir à la terminologie déjà utilisée dans le code pénal. Je partage cette position – si je ne me trompe, elle a même fait l’unanimité –, car elle me paraît apporter une réponse plus cohérente aux cas d’inceste sur mineur.
Je soutiens également la proposition de nommer l’inceste sur mineur, tant il est vrai que nommer permet de reconnaître les faits et les victimes. Cependant, il faut être prudent.
Comme l’a indiqué le rapporteur, les structures familiales évoluent et évolueront sans doute encore, notamment celles des familles recomposées. Il ne faudrait pas que l’énumération d’un certain nombre de personnes conduise à ignorer d’autres types d’inceste pouvant se produire dans un cadre intrafamilial que ne reconnaissent pas habituellement le code civil ou les habitudes. Je crains donc que l’amendement du Gouvernement, qui tend à réintroduire une liste, ne soit trop précis et, de ce fait même, ne laisse de côté des situations vécues comme des situations d’inceste.
La Défenseure des enfants s’était également interrogée sur ce point et avait estimé qu’il fallait garder une certaine souplesse, non pas, bien entendu, dans l’évaluation de la situation, mais dans la désignation du cadre intrafamilial. Quelle que soit la forme que prend ce dernier, il est, pour les enfants victimes d’inceste, tout aussi important que le serait un cadre familial composé des parents et des frères et sœurs au sens strict.
Je pense donc qu’il faudrait, sur cette question, en rester au texte adopté par la commission des lois.
Par ailleurs, la définition de la contrainte proposée à l’article 1er n’est pas non plus sans poser problème. Je comprends bien qu’elle a pour objet de répondre à la question de l’absence de consentement de l’enfant. Toutefois, il me semble non seulement qu’elle n’y répond pas totalement, mais que, de surcroît, elle crée une certaine insécurité.
Le texte prévoit que la contrainte peut être « physique ou morale », la contrainte morale pouvant « résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime ».
La définition retenue présente l’inconvénient de limiter la liberté du juge dans son appréciation de la contrainte qui aura pu être exercée sur l’enfant. Or l’inceste n’est pas nécessairement caractérisé par la différence d’âge entre l’auteur et la victime ; il peut concerner, par exemple, un frère et une sœur. Par ailleurs, on ne sait pas si les deux conditions sont cumulatives.
De manière plus générale, la question du consentement de l’enfant ne se pose pas en ces termes. Certains auteurs considèrent que la victime se trouve dans un état de totale dépendance qui ne lui permet pas de résister à la « demande », si je puis dire. La recherche de l’existence ou de l’absence de consentement de l’enfant est donc, à leurs yeux, un non-sens, puisqu’il n’y a consentement que lorsqu’il y a discernement.
Par ailleurs, la partie consacrée à la prévention des violences et à l’accompagnement des victimes se révèle, je tiens à le souligner, très décevante. Pourtant, la proposition de loi était initialement intéressante.
J’attache également une importance toute particulière à la formation des professionnels. Il est essentiel que ceux-ci disposent des connaissances qui leur permettront de mieux apprécier la parole des enfants et de détecter, parmi les troubles de l’enfant, les signes d’agressions sexuelles sous diverses formes.
Le volet consacré à la prévention et à l’accompagnement des victimes est donc très insuffisant, alors qu’il représente, à mes yeux, une nécessité absolue. Malheureusement, les parlementaires n’ont pas la possibilité de décider eux-mêmes d’y consacrer des deniers publics.
Pour cette raison essentielle, le groupe CRC-SPG a décidé de s’abstenir sur cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi exige d’autant plus d’humilité qu’elle touche un domaine où la raison le cède souvent à l’émotion, ce qui est parfaitement compréhensible.
Permettez-moi de saluer la contribution de notre collègue députée Marie-Louise Fort, dont les travaux et la réflexion ont été menés, très en amont, dans le prolongement de la mission confiée à Christian Estrosi, ainsi que l’apport de la commission des lois et de son rapporteur, notre collègue Laurent Béteille.
L’inceste produit intuitivement en nous un mélange d’incompréhension et de répulsion. Il transgresse les structures fondamentales de l’organisation de nos sociétés et porte une atteinte intolérable à la dignité de ses victimes, le plus souvent mineures ou handicapées.
Les statistiques peinent à donner une image réelle de l’inceste en France. En extrapolant le nombre d’affaires portées devant la justice, on estime à deux millions le nombre de personnes ayant subi, durant leur enfance, un rapport ou une tentative de rapport sexuel forcé de la part d’un père, beau-père ou autre membre de la famille. Environ 20 % des procès d’assises ont trait à des affaires d’inceste. Tous les enfants sont concernés, quel que soit leur âge, y compris les nourrissons. Phénomène beaucoup moins connu, l’inceste par ascendant peut également être le fait de la mère.
L’inceste constitue la violation la plus totale des droits de la personne et s’apparente à l’une des formes les plus évoluées de la barbarie humaine. Combien de victimes ont trouvé dans la mort la seule réponse à leur souffrance ?
Les conséquences de l’inceste sont toujours graves : suicide, anorexie, boulimie, automutilation, toxicomanie, prostitution, alcoolisme, dépression, trouble bipolaire…
Les cliniciens et professionnels de santé sont unanimes : un abus sexuel intrafamilial – il s’agit le plus souvent d’un acte commis par un père sur sa fille – est un événement traumatisant qui laisse des blessures psychologiques irréversibles. Or l’inceste n’est pas uniquement une affaire de famille, c’est un problème de santé publique, et même un problème de société en ce qu’il insulte nos valeurs. C’est pourquoi il nous appartient de donner aux pouvoirs publics tous les outils permettant non seulement de le combattre et de le réprimer, mais aussi, et surtout, de le prévenir.
Il convient d’inscrire en tant que telle la qualification juridique de l’inceste dans le code pénal. Cette reconnaissance par la loi constituera, à n’en pas douter, un élément important pour les victimes dans leur thérapie : appeler les choses par leur nom empêche le refoulement et le déni de la réalité ; nier l’inceste, c’est se faire complice de l’agresseur.
La proposition de loi que nous examinons place la victime au centre de la problématique ; elle n’a pas pour objet d’aggraver les peines encourues pour les viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles commis de façon incestueuse.
L’article 1er établit une présomption irréfragable d’absence de consentement du mineur victime de viol ou d’agression sexuelle.
Jusqu’à présent, pour reconnaître la constitution de ces deux infractions, la Cour de cassation exigeait que leur commission ait eu lieu avec violence, menace, contrainte ou surprise. Malgré un certain infléchissement de la jurisprudence, ce raisonnement conduit à ce qu’un mineur, en fin de compte, doive prouver qu’il n’était pas consentant, traumatisme venant s’ajouter à celui qui est inhérent à ce type d’acte. Nombre de juridictions pénales ont ainsi été amenées à requalifier un viol ou une agression sexuelle en atteinte sexuelle, délit pour lequel la loi prévoit des peines moins sévères.
La présente proposition de loi apporte donc bien plus qu’une précieuse mise au point sur cette question. En effet, dans le cas de l’inceste, l’agresseur appartient à la sphère quotidienne de la victime ; il assume un rôle d’autorité légitime envers elle et exploite ce modèle socialement accepté de domination pour contraindre la victime, souvent sans violence ni menace, à l’acte sexuel. Les enfants sont projetés hors de leur univers, sans repères ni défense. La force et l’autorité écrasante de l’agresseur les rendent muets, et peuvent même parfois leur faire perdre conscience.
L’accompagnement des victimes est fondamental. À cet égard, il est regrettable que l’article 6, qui prévoyait la création de centres de référence pour les traumatismes psychiques, soit tombé sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
L’article 6 bis, quant à lui, ouvre aux associations de lutte contre l’inceste la possibilité de se porter partie civile. Cette mesure est importante, car, malgré l’aménagement d’un délai de prescription spécifique qui ne court qu’à la majorité de la victime, celle-ci ne porte pas toujours l’affaire en justice. Personnellement, je serais même favorable à ce que ces crimes soient imprescriptibles.
De la même façon, la nomination d’un administrateur ad hoc, que la commission des lois souhaite systématique, contribuera à éloigner la victime de la cellule familiale qui n’a pas su la protéger.
De plus, la création de circonstances aggravantes nouvelles plutôt que d’une nouvelle infraction permettra d’appliquer immédiatement les dispositions du texte aux procédures en cours.
Au-delà des atteintes corporelles, les séquelles psychologiques, au premier rang desquelles la culpabilisation, constituent un second traumatisme pour les victimes, frappées en quelque sorte d’une double peine. Ces séquelles sont malheureusement souvent présentes tout au long de la vie, et ce en dépit du travail thérapeutique. La prise de conscience des faits n’est pas une acceptation, car l’inceste demeure inacceptable. Les victimes doivent non pas vivre en oubliant, mais vivre avec ce poids, en donnant à la vie tout son sens. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au travail de la communauté éducative, qui est le premier interlocuteur des jeunes victimes.
Assigner aux établissements scolaires une mission particulière de pédagogie et d’information sur ces sujets me paraît donc souhaitable. Des débats à l’école pourront peut-être libérer la parole des victimes ou leur faire prendre conscience de l’anormalité de ce qu’elles ont vécu.
Ce texte a le grand mérite d’apporter une réponse pénale plus claire aux souffrances des victimes d’inceste. Sans céder à une malheureuse démagogie, il s’adresse aussi aux victimes silencieuses et aux victimes refoulées en affirmant que la société est prête à les entendre.
L’inceste est plus qu’un viol, car il brise le caractère protecteur qui fait de la famille l’un des socles de notre société et annihile irrémédiablement les repères qu’un enfant doit acquérir. Mettre des mots sur les actes, punir ceux qui les commettent, c’est aider les victimes à retrouver leur dignité.
Le groupe du RDSE votera unanimement cette proposition de loi amendée.
Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise doit être examinée avec prudence. Même si nous devons d’abord penser aux victimes de l’inceste, l’émotion ne doit pas prendre le pas sur la raison.
Certes, l’émotion est forte lorsque l’on pense aux victimes, aux témoignages bouleversants que certaines ont osé livrer, aux personnes qui, toute leur vie, ont été hantées par l’inceste. Que l’on songe aux chansons de Barbara ! M’exprimant en présence d’un spécialiste de son œuvre, notre collègue Jean-Pierre Sueur, j’avancerai avec prudence. Je crois cependant pouvoir l’affirmer : il aura fallu attendre que Barbara publie ses mémoires et ose dire ce qu’elle avait vécu pour que, finalement, nous puissions comprendre tout le sens d’Au cœur de la nuit, de L’Aigle noir, ou encore de Nantes, où elle raconte comment, appelée au chevet de son père mourant, de ce père qu’elle n’avait jamais plus revu, elle était arrivée trop tard pour le retrouver avant « l’heure de sa dernière heure ».
Oui, l’inceste provoque des traumatismes aux conséquences graves et indélébiles, tout au long de la vie, non seulement sur la santé physique, psychologique et mentale, mais aussi sur la vie affective, familiale et sociale des victimes, sur leur comportement. Il s’agit là d’un véritable meurtre psychique.
L’inceste touche à l’inavouable. L’interdit est universel, le tabou structure pratiquement toutes nos sociétés, quelles qu’elles soient, sauf peut-être quelques sphères très élevées de sociétés très anciennes, comme ce fut le cas en Égypte. Claude Lévi-Strauss y voit même le fondement des sociétés au sens où le tabou de l’inceste oblige à sortir du premier cercle pour constituer la société et contraint ainsi à élargir le cercle social. Freud, on le sait, a bâti toute sa théorie sur l’inceste entre Œdipe et sa mère. Je suppose cependant que tous deux étaient majeurs …
La demande des victimes est que l’inceste soit nommé afin qu’il soit mieux stigmatisé et qu’elles puissent ainsi, pensent-elles, mieux accomplir le travail psychologique indispensable pour se reconstruire, pour retrouver leur véritable personnalité, alors qu’elles ont été agressées au sein même de la cellule familiale censée les protéger. Pour autant, est-ce vraiment l’objet d’une loi que de compléter le travail des psychiatres et des psychologues ?
Si cette proposition de loi est votée, le ministère de la justice disposera demain de statistiques sur le nombre de condamnations pour inceste ; sur le fond, son adoption ne changera vraisemblablement rien.
La raison nous commande d’examiner sérieusement ce texte sur le plan juridique. Certes, aujourd'hui, l’inceste ne figure pas comme incrimination spécifique dans le code pénal, mais la notion apparaît dans le code civil, à travers toutes les prohibitions au mariage, au PACS et – ce fut un apport du Sénat – au concubinage, et correspond bien au tabou universel de l’inceste entre les membres d’une même famille, quel que soit leur âge. Or, avec la proposition de loi, on arrivera à ce que deux définitions de l’inceste, totalement différentes, soient inscrites l’une dans le code civil, l’autre dans le code pénal. De mon point de vue, c’est une très mauvaise chose.
La prohibition des relations sexuelles entre les membres d’une même famille, quel que soit leur âge, tel est le tabou de l’inceste. C’est Phèdre et Hippolyte, c’est Œdipe et Jocaste…
La question avait été évoquée lors de l’élaboration du nouveau code pénal. Finalement – je parle sous le contrôle de notre cher président de la commission des lois –, il n’a pas été jugé opportun d’incriminer l’inceste, et on a laissé à la jurisprudence, aux magistrats, le soin de déterminer, sur le fondement de circonstances aggravantes, les actes d’inceste avérés et de les condamner – heureusement, très sévèrement ! – au cas par cas.
Toutefois, comme l’a souligné tout à l'heure M. le rapporteur – et j’ai pu moi aussi l’observer en tant que magistrat –, dans bien des cas, aucun élément matériel ne peut conforter la thèse de l’inceste, car aucune constatation médico-légale ne peut être faite, surtout lorsque l’inceste est révélé par des victimes majeures. Ces actes sont par conséquent très difficiles à juger.
Cette position de prudence se retrouve chez toutes les associations de défense des enfants ainsi que dans les rapports de Mme Claire Brisset et le propos de Mme Dominique Versini, ancienne et nouvelle défenseures des enfants.
Bien entendu, par respect pour les victimes, quand on comprend ce qu’elles recherchent, on n’ose finalement pas dire que l’on est contre, mais on le laisse entendre...
Quand on interroge les magistrats, comme je l’ai fait, on constate qu’ils sont extrêmement réticents, notamment ceux qui président des cours d’assises, quant à l’introduction de précisions qui risquent finalement de semer la confusion.
Il sera précisé, nous dit-on, que l’inceste a été commis sur mineurs. Mais de quels mineurs s’agit-il ? Ceux de dix-huit ans ? Ceux de quinze ans ? Nous avons cru comprendre qu’il s’agissait des mineurs de dix-huit ans et que la minorité de quinze ans serait une circonstance aggravante supplémentaire – ce qu’elle est déjà aujourd’hui.
La notion d’inceste est beaucoup large que celle que l’on veut inscrire aujourd’hui dans le code pénal par le biais de cette incrimination nouvelle.
Je remercie le rapporteur, qui a fait un travail très précis en commission des lois...
... pour revenir sur certaines des dispositions votées par l’Assemblée nationale. Car, à trop vouloir préciser, non seulement on sème la confusion, mais on risque de créer une insécurité juridique, voire d’instaurer une différence de traitement à l’égard des victimes de l’inceste en fonction des juridictions.
Pourtant, la raison voudrait que l’on pense d’abord à la prise en charge des victimes. L’introduction d’une nouvelle incrimination dans le code pénal changera-t-elle quoi que ce soit à la situation actuelle – qui s’est beaucoup améliorée, c’est exact, par rapport aux années précédentes ? Je crains que non !
La prise en charge des victimes, qui est le point le plus important, ne figure pas dans la loi parce que l’attribution des moyens, tant humains que financiers, qui doivent être mis à la disposition de toutes celles et tous ceux qui connaissent ou suspectent des cas d’inceste est de nature réglementaire.
Je pense d’abord aux médecins scolaires, car c’est souvent à l’école que l’on détecte les cas de violences, notamment sexuelles, au sein de la famille, mais aussi aux membres du corps judiciaire, de la police et de la gendarmerie. À cet égard, madame la ministre d’État, j’en conviens, beaucoup de progrès ont été accomplis ; en particulier, l’arrivée de nombreuses femmes au sein des personnels concernés a permis un meilleur accueil et une meilleure compréhension des jeunes filles, plus fréquemment victimes que les jeunes gens, qui viennent se plaindre d’inceste.
Tout cela reste notoirement insuffisant, et d’ailleurs, des progrès supplémentaires ont été demandés lors de la discussion de la proposition de loi à l’Assemblée nationale. À Paris, il existe des centres d’accueil, je pense notamment à celui de l’hôpital Tenon, qui est exceptionnel ; mais on n’en cite pas beaucoup d’autres...
Ce texte n’apporte rien de vraiment convaincant à la lutte contre l’inceste, hormis qu’il le nomme. Est-ce le prévenir ? Est-ce l’éradiquer ? C’est le stigmatiser un peu plus : est-ce vraiment ce que l’on veut ?
Plus grave, ce texte risque d’engendrer de faux espoirs pour les victimes, de semer la confusion chez les professionnels et, je le mentionnais à l’instant, d’être à l’origine d’inégalités de traitement.
Finalement, je le dis sans engager de polémique, il s’inscrit dans une pratique éprouvée qui consiste à faire croire que les problèmes de société, notamment ceux de ce type, peuvent être réglés simplement au détour d’un texte. C’est faux, car la loi ne peut régler ces situations sociales absolument désastreuses et condamnables !
Les victimes de l’inceste méritent mieux, madame la ministre d’État. Elles méritent que soit menée une action interministérielle afin que, dans le cadre des dispositions réformant la protection de l’enfance que nous avons adoptées, les intervenants soient mieux formés, depuis les personnels en milieu scolaire jusqu’aux magistrats qui devront juger en passant par les policiers, gendarmes, médecins, psychiatres et psychologues qui doivent prévenir et accueillir.
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous abstiendrons sur cette proposition de loi, tout comme le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, madame le ministre d’État, mes chers collègues, toute violence à l’égard d’un mineur est odieuse et condamnable.
L’acte incestueux, quant à lui, est une violence spécifique qui se nourrit du non-dit. Il constitue l’une des formes les plus abjectes des mauvais traitements infligés aux mineurs, car il est commis par ceux qui auraient dû naturellement protéger l’enfant, le former, l’éduquer et veiller à sa propre sécurité.
Les conséquences de l’inceste sont catastrophiques non seulement sur un plan individuel, mais aussi pour la société dans son ensemble.
Ce fléau remet en cause de façon absolue les droits de l’enfant, mais aussi l’institution familiale elle-même, c’est-à-dire le lieu où se transmettent les valeurs fondamentales de notre société. La famille n’est plus alors l’espace de protection et d’éducation qui assure l’épanouissement de l’enfant ; elle devient au contraire un lieu de souffrance et d’isolement.
La spécificité des violences qui sont infligées à la victime, au regard des traumatismes profonds qu’elles engendrent, mérite d’être reconnue en tant que telle.
En France, deux à trois millions de personnes ont été confrontées à une situation incestueuse et 20 % des procès d’assises concernent des infractions de type incestueux. Or, en dépit des immenses souffrances morales et psychologiques que cause l’inceste, notre droit n’apporte que peu de réponses à celles ou ceux qui en sont victimes.
Certes, le code civil prohibe le mariage et le PACS entre membres d’une même lignée familiale. Certes, le code pénal prévoit des peines aggravées lorsqu’une atteinte sexuelle, une agression sexuelle ou un viol est commis par une personne ayant un lien de parenté avec la victime. Mais il n’existe pour autant ni crime ni délit d’inceste à proprement parler. Or cette absence d’incrimination de l’inceste pèse lourdement sur les victimes et nourrit leur sentiment de ne pas être reconnues de manière spécifique.
Ainsi, cette proposition de loi, qui vise à inscrire pour la première fois dans nos textes la notion d’inceste, est une avancée majeure pour les victimes et pour la justice.
Je tiens, à cet égard, à saluer au nom du groupe UMP du Sénat l’initiative prise par Mme Marie-Louise Fort et certains de ses collègues députés de proposer au Parlement un texte visant à inscrire expressément l’inceste dans notre code pénal. Établir une différence entre l’inceste et les autres agressions sexuelles permettra de mieux reconnaître la spécificité des violences subies par les victimes et de combattre plus efficacement ce fléau.
La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise préserve un juste équilibre entre trois nécessités : la répression de l’inceste, le développement de sa prévention et le meilleur accompagnement des victimes.
Dans son volet pénal, la proposition de loi prévoit tout d’abord de préciser le contenu de la notion de contrainte lorsqu’elle constitue l’élément constitutif d’un viol. Au lieu d’être nécessairement prouvée par la victime, elle pourra être déduite de la différence d’âge existant entre la victime mineure et son agresseur ainsi que de l’autorité de droit ou de fait qu’il exerce sur elle. Cette disposition importante donnera davantage d’outils au juge pour interpréter cette contrainte.
La nature interprétative de cette disposition lui permettra, en vertu de l’article 112-2 du code pénal, d’être immédiatement applicable à des faits commis antérieurement à la publication de la nouvelle loi. Toutes les victimes verront donc nommé l’acte qu’elles ont subi, quelle qu’en soit la date. Ainsi, la loi du silence qui leur a été imposée si durement depuis leur agression sera brisée.
Pour ma part, s’agissant de la notion de contrainte, je souhaite aller plus loin. Aussi ai-je déposé, avec certains de mes collègues, un amendement dont l’objet est de préciser que la contrainte est caractérisée en cas d’inceste sur mineur.
Nous savons en effet qu’un enfant n’est pas en mesure de s’opposer et de résister à son agresseur, a fortiori s’il s’agit de l’un de ses parents ou d’un membre du cercle familial. La question du consentement de la victime ne saurait se poser en cas de relation sexuelle entre un enfant et un membre de sa famille ou une personne ayant autorité sur lui.
L’article 1er du texte qui nous est soumis vise également à inscrire explicitement la notion d’inceste dans le code pénal. Il était grand temps de nommer cette réalité pour mieux la combattre !
Désormais, un viol incestueux pourra être reconnu comme tel par les juridictions pénales. Désormais, notre législation offrira aux pouvoirs publics les outils nécessaires pour mesurer l’ampleur de ce phénomène et adapter en conséquence les modalités de la prise en charge des victimes.
Sur l’initiative de notre rapporteur, M. Laurent Béteille, la commission des lois a souhaité que les auteurs d’actes incestueux ne soient pas énumérés de façon stricte dans la loi. En effet, en matière de violences sexuelles incestueuses, la confiance et l’affection abusées de l’enfant importent au moins autant que la filiation stricte. Il nous apparaît donc essentiel que la cellule familiale soit envisagée avant tout comme la cellule affective dans laquelle évolue l’enfant et qu’une liberté d’appréciation soit laissée aux juges afin de leur permettre de s’adapter à l’ensemble des configurations familiales auxquelles ils pourraient être confrontés.
Nous estimons également indispensable que l’état du droit applicable à l’heure actuelle soit conservé afin que la définition de l’inceste qui sera désormais inscrite dans le code pénal puisse être utilisée immédiatement par les juges dans les affaires en cours.
Au-delà du volet pénal, la proposition de loi prévoit un dispositif de mesures concrètes en matière de soins et de prévention.
La prévention des comportements incestueux pourra être développée au moyen d’une plus grande mobilisation de l’institution scolaire et des sociétés de l’audiovisuel public. Nul ne contestera le rôle positif et majeur que peuvent jouer tant l’école que les médias dans la prévention de ce véritable fléau.
Enfin, l’accompagnement des victimes pourra être amélioré, notamment, par le biais d’une valorisation du travail des associations ayant pour objet de lutter contre l’inceste. Celles-ci auront désormais plus de facilités pour se constituer partie civile dans un procès. C’est une avancée majeure dont je me félicite, car elle permettra aux victimes d’être mieux assistées dans leurs démarches.
Par ailleurs, le texte adopté par l’Assemblée nationale visait à rendre systématique, dans l’instruction des crimes incestueux, la désignation par le juge d’instruction d’un administrateur ad hoc chargé de représenter la victime en lieu et place de ses représentants légaux. Cette mesure nous semble tout à fait essentielle, car il y va de la protection de la victime, qui pourra ainsi être accompagnée durant toutes les étapes de la procédure.
La commission des lois a toutefois souhaité atténuer le caractère systématique de cette désignation. Une telle modification nous semble tout à fait opportune : comme l’a justement indiqué notre rapporteur, il est essentiel de réserver l’hypothèse où l’agresseur n’appartiendrait pas au cercle proche de l’enfant et où les parents de ce dernier, ou l’un d’entre eux, demeureraient à même d’assurer sa défense et sa protection.
Mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui est un texte nécessaire et attendu. Parce qu’elle lève enfin le voile sur une réalité sociale trop longtemps cachée et ignorée de notre droit pénal, parce qu’elle propose également des réponses concrètes et efficaces, le groupe UMP lui apportera son total soutien.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Madame la présidente, madame la ministre d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise vise à renforcer la sécurité de ce qui constitue le pilier et le fondement de notre démocratie, ce qui garantit sa vitalité : les enfants et la famille. Or, c’est précisément parce qu’il détruit et l’enfant et la famille que l’inceste apparaît comme un danger majeur ; c’est parce qu’il déstructure toute civilisation humaine qu’il est l’interdit fondamental, reconnu universellement.
Pourtant, force est de constater que les cas d’abus sexuels sur mineurs commis dans le cadre intrafamilial, qu’ils soient avérés ou non, représentent les affaires les plus nombreuses portées devant les tribunaux. L’objet de cette proposition de loi est d’en améliorer le traitement afin de mieux identifier, prévenir, détecter et lutter contre l’inceste.
Inscrire l’inceste dans le code pénal permettra qu’il soit mieux identifié. Car, mes chers collègues, c’est d’abord et avant tout le silence, hélas ! qui empêche de le prévenir et de le combattre efficacement.
Le silence qui entoure cette violence spécifique, l’une des plus destructrices pour un enfant, revient de facto à la banaliser, à la ramener à une variante d’agression sexuelle ou de viol parmi d’autres, alors même que toute civilisation humaine s’accorde sur le fait que l’interdit de l’inceste est structurant et permet la transmission de la culture d’une génération à l’autre, aux enfants via leur famille, quels que soient les contours que la société fixe à celle-ci.
Il était temps de nommer l’inceste dans le code pénal et de briser ainsi cette loi du silence : celui-ci doit enfin cesser de constituer, pour ceux de nos concitoyens qui ne semblent pas avoir intégré l’interdit fondamental, une injonction à perpétuer un ordre social qui, par omission, légitime ou banalise de facto cette violence faite aux enfants. Une société humaine ne peut survivre si elle a renoncé à arracher à la violence les membres qui la composent.
La version actuelle de la proposition de loi qui nous est présentée vient remédier à cette carence de notre législation en nommant spécifiquement l’inceste.
Pourtant, l’injonction de rester silencieux demeure extrêmement puissante et frappe d’abord ceux qui, précisément, sont les plus à même de briser cette loi du silence en signalant les cas dont ils ont connaissance – je pense bien évidemment aux médecins.
La spécificité des cas d’inceste réside dans le fait que ce sont les parents, ceux-là mêmes qui ont la responsabilité de la sécurité et de l’intégrité physique et psychique de leur enfant, qui en sont eux les auteurs.
Le médecin et les professionnels de santé jouent alors un rôle incontournable dans l’identification et la détection des cas d’inceste. C’est d’ailleurs leur obligation. Encore faut-il, pour qu’ils la respectent, qu’ils puissent agir en toute liberté et, lors du signalement, s’en remettre avec confiance à la justice, à laquelle revient la responsabilité de déterminer l’opportunité de déclencher une action.
Or la protection insuffisante des médecins et des professionnels de santé empêche la justice d’effectuer son travail correctement. En effet, seules les sanctions disciplinaires ayant été interdites, les poursuites civiles ou pénales restent possibles, si bien que, souvent, les praticiens concernés préfèrent encore se taire.
À chacun son métier : au médecin l’obligation de signaler, sur la base de son diagnostic, un cas présumé d’inceste ; à la justice de déterminer si celui-ci est avéré. Or le maintien de la possibilité de poursuites civiles et pénales contre un médecin signalant un cas d’inceste ensuite non avéré par la justice revient à lui faire porter la responsabilité d’une éventuelle décision de justice. Une telle situation est d’autant moins acceptable qu’elle a des conséquences très graves quant à l’objectif de lutte contre l’inceste : dans 95 % des cas d’inceste, les médecins ne signaleraient pas les abus.
Tel est donc l’objet d’un amendement qu’avec quelques-uns de mes collègues j’ai déposé et dont nous débattrons tout à l’heure. Lutter contre l’inceste, c’est briser la loi du silence qui empêche de le dénoncer lorsque des cas présumés se présentent aux professionnels de santé. L’abandon des sanctions disciplinaires consacré par la loi du 2 janvier 2004 relative à l’accueil et à la protection de l’enfance constituait un premier pas en ce sens ; il demeure toutefois largement insuffisant. Il faut supprimer le maintien des poursuites civiles et pénales contre un médecin qui effectue, de bonne foi, le signalement d’un cas présumé d’inceste.
Après avoir cherché à protéger le médecin de poursuites civiles et pénales, j’ai souhaité déposer un deuxième amendement visant à garantir sa sécurité. En effet, il faut aussi prévoir que l’identité du signalant ne puisse être donnée qu’avec son consentement : c’est indispensable pour garantir sa sécurité et éviter que, par peur d’éventuelles menaces ou représailles affectant sa vie quotidienne, le médecin ne préfère se taire. Il convient sur ce point de s’inspirer de la loi sur la protection de la jeunesse du Québec. Rappelons que, en France, le présumé agresseur peut, dans les heures qui suivent la réception du signalement, avoir connaissance de l’identité de celui qui signale et exercer sur lui des pressions diverses ou engager des poursuites.
Mes chers collègues, vous aurez compris l’importance fondamentale que revêtent ces deux amendements. Mais il est également indispensable que les médecins soient explicitement informés avant même qu’ils n’aient commencé à exercer, c'est-à-dire pendant leur formation. Nul n’est censé ignorer la loi ; mais pour des crimes ou délits qui atteignent le cœur même de notre société et de notre démocratie, à savoir les enfants et la famille, seul un renforcement de la formation initiale des médecins pourra garantir et améliorer les signalements.
Vous l’avez dit, madame le garde des sceaux, une telle disposition relève du règlement plus que de la loi. Je retirerai donc cet amendement, pour me conformer à la demande que, rapportant le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, j’avais adressée aux auteurs d’amendements similaires. Pour autant, je souhaite que cette question puisse être étudiée au niveau réglementaire.
Les auteurs d’une étude américaine réalisée sur un échantillon de 415 pédiatres signalent que 11 % des personnes interrogées n’ont jamais, au cours de toute leur carrière, observé d’enfant suspecté de maltraitance. Ce résultat met en lumière les difficultés, principalement le stress, la peur et la crainte de perdre un patient, rencontrées lors des signalements de cas d’inceste.
Je conclurai en indiquant que, face à ce texte, j’agis – tout comme vous, mes chers collègues – en mon âme et conscience, en tant que citoyen fier d’appartenir à un pays qui sait à quel point la protection de la famille, la protection de l’intérêt de l’enfant, sont les fondements sans lesquels aucune liberté ne peut être garantie, qui sait à quel point il en a besoin pour assurer son avenir et sa vitalité.
Je ne saurais précisément ni a priori définir ce que sont une bonne famille, une bonne éducation, voire l’intérêt réel de l’enfant, tant la liberté pour laquelle nos ancêtres se sont battus est effective et ancrée dans la vie quotidienne de tous les Français : en témoignent la pluralité des familles, la diversité des enfants et de l’éducation qu’ils reçoivent. Je sais simplement que je suis avant tout profondément attaché à la liberté telle qu’elle est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme, attaché à l’intégrité physique et psychique de l’individu et, a fortiori, de l’enfant.
Je sais aussi, tout comme vous, mes chers collègues, que l’inceste nuit à la liberté de nos concitoyens enfants et de leurs familles, qu’il nuit aussi à l’intégrité physique et psychique des victimes et des agresseurs. Il faut donc nous permettre de le combattre sans relâche, grâce à un texte de loi qui soit le plus équilibré possible.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
Je rappelle que la résolution modifiant le règlement intérieur est entrée en vigueur et que le temps de présentation des amendements est désormais fixé à trois minutes.
La parole est à M. le président de la commission.
Madame la présidente, je le répète après vous, il nous reste trente-cinq minutes avant la clôture de la session ordinaire : si nos collègues ne font pas preuve de concision, nous ne parviendrons pas au terme de l’examen de la proposition de loi !
TITRE IER
IDENTIFICATION ET ADAPTATION DU CODE PÉNAL À LA SPÉCIFICITÉ DE L'INCESTE
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après l'article 222-22, il est inséré un article 222-22-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-22-1. - La contrainte prévue par le premier alinéa de l'article 222-22 peut être physique ou morale. La contrainte morale peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime. » ;
2° La section 3 du chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifiée :
a) Le paragraphe 2, intitulé : « Des autres agressions sexuelles », comprend les articles 222-27 à 222-31 ;
b) Le paragraphe 3, intitulé : « De l'inceste », comprend les articles 222-31-1 et 222-31-2 ainsi rédigés :
« Art. 222-31-1. - Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. » ;
« Art. 222-31-2 (nouveau). - Lorsque le viol incestueux ou l'agression sexuelle incestueuse est commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l'autorité parentale, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et sœurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. » ;
c) Après le paragraphe 3, sont insérés deux paragraphes 4 et 5, intitulés « De l'exhibition sexuelle et du harcèlement sexuel » et « Responsabilité pénale des personnes morales », qui comprennent respectivement les articles 222-32 et 222-33, et l'article 222-33-1 ;
3° Après l'article 227-27-1, sont insérés deux articles 227-27-2 et 227-27-3 ainsi rédigés :
« Art. 227-27-2. - Les infractions définies aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 sont qualifiées d'incestueuses lorsqu'elles sont commises au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
« Art. 227-27-3 (nouveau). - Lorsque l'atteinte sexuelle incestueuse est commise par une personne titulaire de l'autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de cette autorité en application des dispositions des articles 378 et 379-1 du code civil.
« Elle peut alors statuer sur le retrait de cette autorité en ce qu'elle concerne les frères et sœurs mineurs de la victime.
« Si les poursuites ont lieu devant la cour d'assises, celle-ci statue sur cette question sans l'assistance des jurés. » ;
4°
L'amendement n° 1, présenté par M. Michel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du texte proposé par le 1° de cet article pour l'article 222-22-1 du code pénal.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
Il s’agit d’un amendement d’ordre strictement juridique.
L’article 1er vise à préciser que la contrainte peut être physique ou morale. Or elle constitue, avec la violence, la menace ou la surprise, l’un des éléments qui caractérisent l’agression sexuelle.
L’Assemblée nationale a précisé que « la contrainte morale résulte en particulier de la différence d’âge […] et de l’autorité de droit ou de fait […] ». Ces notions sont très floues, alors que le code pénal est d’interprétation stricte. Que vient donc faire ici l’expression « en particulier » ? La contrainte peut résulter de bien d’autres choses que de la différence physique. Elle peut être liée à un non-dit familial, qui peut s’interpréter comme une quasi-acceptation de la situation. On sait que de telles contraintes morales existent.
Selon moi, cet ajout n’est pas opportun pour la sécurité du texte ni pour l’application qu’en feront les tribunaux. En outre, on confond un élément constitutif de l’infraction et une circonstance aggravante.
La contrainte physique ou morale est un élément intrinsèque de l’infraction d’inceste ainsi définie, et les juges qui demandent aux enfants s’ils étaient consentants posent une question superflue : les enfants ont agi sous la contrainte, que celle-ci soit physique ou morale. Cette dernière constitue l’élément constitutif de l’infraction. Selon moi, il n’est pas bon d’essayer de la qualifier, notamment en utilisant l’expression « en particulier ».
Cet amendement a été débattu par la commission des lois, qui s’est d’ailleurs montrée hésitante sur le sujet. Notre collègue Hugues Portelli avait appuyé la position de Jean-Pierre Michel, notamment sur le problème technique soulevé. En effet, les éléments constitutifs d’une infraction ne peuvent pas en constituer une circonstance aggravante. Nous devons donc être très prudents dans les termes que nous employons.
Pour ma part, j’aurais aimé pouvoir donner satisfaction à Jean-Pierre Michel. Toutefois, concrètement, compte tenu des hésitations de la jurisprudence de la Cour de cassation, le texte adopté par la commission me paraît nécessaire.
Il est certes dommage que nous soyons obligés de légiférer sur ce point. Il aurait sans doute été préférable de s’en remettre à la jurisprudence. Mais il se trouve que celle-ci, justement, a été flottante. Je l’ai indiqué dans la discussion générale, à une certaine époque, notamment en 1995, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que la contrainte ne pouvait résulter du seul âge de la victime et de la qualité d’ascendant. Dans ces conditions, un certain nombre de juridictions inférieures avaient requalifié en atteintes sexuelles ce qui était manifestement des viols.
Il se trouve que la chambre criminelle tend aujourd’hui à revenir sur cette position. Elle a en effet validé des décisions rendues par les juridictions du fond, notamment les cours d’assises, qui avaient considéré que la contrainte pouvait être morale et résulter de la différence d’âge et de l’autorité de fait exercée par l’agresseur sur la victime.
Aujourd’hui, une telle évolution n’est encore qu’implicite. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose, à la suite de l’Assemblée nationale, de préciser que la contrainte résulte de l’âge de la victime, en supprimant cependant l’expression « en particulier » dénoncée à l’instant par Jean-Pierre Michel.
Les termes employés dans le texte adopté par la commission correspondent très précisément à des décisions rendues par des juges du fond et validées par la chambre criminelle de la Cour de cassation, notamment dans un arrêt rendu le 3 septembre 2008. Il s’agissait d’un viol commis sur des enfants par leur oncle.
Je vous demande donc, monsieur Michel, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
J’irai dans le même sens que M. le rapporteur : certes, il revient au juge d’interpréter la loi, mais ce n’est pas la première fois que, pour aider à l’interprétation, le législateur précise son intention.
Je vous demande donc à mon tour, monsieur Michel, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai le même avis défavorable que la commission.
Oui, madame la présidente, d’autant que je constate que l’amendement suivant, présenté par Mme Debré, va exactement dans le même sens puisqu’il tend à préciser que la contrainte est consubstantielle à l’acte.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par Mme Debré, M. Lardeux, Mmes Bout et Kammermann, M. Cantegrit, Mmes Rozier et Goy-Chavent, M. Mayet, Mmes Henneron, Desmarescaux et Giudicelli, MM. Gournac, Dériot, J. Gautier et Fourcade, Mme B. Dupont et MM. Vasselle et Juilhard, est ainsi libellé :
Après le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après l'article 222-22-1, il est inséré un article 222-22-2 ainsi rédigé :
« Art. 222-22-2. - La contrainte est caractérisée en cas d’inceste dans les conditions définies à l'article 222-22-1. »
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Permettez-moi tout d’abord de regretter très vivement que nous n’ayons pas davantage de temps, puisqu’il semble que nous devions légiférer avant minuit, pour débattre sereinement de ce problème important.
Il nous paraît absurde d’imaginer qu’un enfant de trois, quatre ou cinq ans puisse être consentant lorsqu’il se fait violer ou agresser sexuellement par un membre de sa famille.
La jurisprudence reconnaît certes que, jusqu’à l’âge de six ou sept ans, un enfant ne peut consentir. Nous souhaiterions toutefois que cela soit expressément inscrit dans la loi afin qu’en aucun cas la question de la contrainte et du consentement éventuel de l’enfant ne puisse se poser dans l’hypothèse d’un viol sur mineur commis au sein d’une famille.
En prévoyant que la contrainte est caractérisée en cas d’inceste, l’amendement n° 8 rectifié bis nous renvoie au problème de la définition de l’inceste. Une interprétation stricte de cette proposition, dont la portée ne se limite pas aux mineurs, pourrait en effet amener à considérer que toute relation sexuelle entre des adultes d’une même famille tombe sous le coup de l’incrimination de viol.
Si nous avons redéfini la contrainte, c’est justement pour que l’on ne puisse jamais prétendre qu’un mineur aurait pu consentir à des relations sexuelles avec un membre de sa famille ayant autorité sur lui.
Ce faisant, il me semble que nous avons très précisément répondu à la préoccupation de notre collègue Isabelle Debré. J’ai personnellement tenu à ce que cette disposition de l’article 1er soit maintenue, malgré les réticences qui ont pu s’exprimer. Il convient, me semble-t-il, de mettre un terme à la jurisprudence laxiste de certains tribunaux qui admettent que l’on puisse se poser la question du consentement du mineur. Ce dernier, tant qu’il reste sous l’autorité de ses parents, et quel que soit son âge, ne peut que subir, jamais consentir.
Pour le reste, soyons prudents, mes chers collègues. Comme Jean-Pierre Michel le soulignait à juste titre, ne confondons pas les éléments constitutifs de l’infraction et les circonstances aggravantes de celle-ci. Gardons en mémoire que l’application des textes de loi par les juges fait l’objet d’un contrôle.
La commission a sérieusement réfléchi à cette question, et je souhaiterais donc que vous puissiez retirer cet amendement, ma chère collègue, sachant qu’il me semble d’ores et déjà satisfait.
Si toutefois vous conservez un doute sur la signification du texte de la commission – lequel, je le répète, considère bien que la contrainte résulte de l’âge de l’enfant et de l’autorité de l’auteur de l’acte –, je suis prêt à prolonger la réflexion.
Votre proposition est intéressante, madame Debré, mais très largement satisfaite par la définition de la contrainte morale.
Pour vous rassurer, j’ajoute que je rédigerai une circulaire d’application du nouveau texte, adressée à toutes les juridictions, qui précisera, notamment en prenant appui sur les débats parlementaires, qu’il résulte sans ambiguïté de cette réforme qu’il est désormais impossible de considérer qu’un jeune enfant, victime sexuelle d’un adulte, aurait pu librement accepter ces actes.
À mon tour, madame la sénatrice, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement.
Non, madame la présidente, je le retire.
Je vais, une fois encore, vous faire confiance, madame la ministre, et je pense que cette circulaire répondra à mes attentes.
Je compte également sur le Comité interministériel de prévention de la délinquance, qu’a mis en place le Président de la République et qui doit très prochainement recevoir les associations, pour travailler plus avant sur ce sujet et, peut-être, apporter des réponses concrètes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si je comprends bien, ma chère collègue, vous faites confiance à Mme la ministre mais pas à la commission des lois…
Sourires
L'amendement n° 8 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 7, présenté par M. Zocchetto et Mme Dini, est ainsi libellé :
Au premier alinéa du b) du 2° de cet article, après les mots :
de l'inceste
insérer les mots :
commis sur les mineurs
La parole est à M. François Zocchetto.
Le texte que nous examinons ce soir présente à mes yeux un danger très important dans la mesure où il ne traite que de l’inceste commis à l’encontre de mineurs. Il pourrait dès lors laisser penser que les incestes commis à l’encontre de personnes majeures sont en quelque sorte banals, voire pourraient être totalement libéralisés.
Personne dans cet hémicycle ne songe à limiter le champ d’application de l’inceste aux seules victimes mineures. Comme la plupart des orateurs l’ont souligné, notamment Mme Dini et M. le rapporteur, le problème est bien plus vaste.
Toutefois, les dispositions pénales évoquées dans la proposition de loi ne traitent que des victimes mineures et n’abordent pas le cas des incestes commis dans d'autres situations. Si nous adoptons le texte en l’état, la relation sexuelle entre un frère et sa sœur mineure pourra être qualifiée d’inceste, mais pas la relation sexuelle entre un garçon de dix-neuf ans et sa mère. Tel n’est pas notre objectif.
C’est pourquoi notre amendement vise à préciser dans l’intitulé du nouveau paragraphe du code pénal que seules les victimes mineures sont concernées.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le b du 2° de cet article pour l'article 222-31-1 du code pénal :
« Art. 222 -31 -1. - Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. »
II. - En conséquence, rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article 227-27-2 du code pénal :
« Art. 227 -27 -2.- Les infractions définies aux articles 227-25, 227-26 et 227-27 sont qualifiées d'incestueuses lorsqu'elles sont commises au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s'il s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait. »
La parole est à Mme la ministre d'État.
Cet amendement vise simplement à clarifier des dispositions qui ont été adoptées par la commission sans modifier le sens que celle-ci a voulu leur donner.
La solution retenue par la commission des lois pour définir l'inceste consiste à faire référence aux actes commis au sein de la famille par un ascendant ou une personne ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait. Une telle rédaction est parfaitement légitime ; elle est même préférable à l'énumération figurant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Il me paraît toutefois indispensable de préciser sur deux points le texte adopté par la commission.
Il convient d'abord de réprimer expressément l'inceste entre frère et sœur, qui est un inceste absolu pour le code civil, même si en l’espèce l'auteur n'a pas autorité, au sens juridique du terme, sur la victime.
Il faut ensuite viser expressément les concubins des membres de la famille dès lors qu’ils ont autorité sur le mineur. À défaut, une interprétation restrictive de la notion « au sein de la famille » risquerait de les exclure du texte.
Cet amendement n’était pas encore officiellement déposé lors de la réunion de la commission, même si nous en avions eu connaissance de manière informelle grâce à l’obligeance de Mme la ministre.
Il vise tout d’abord à inclure les frères et sœurs dans la définition des auteurs de viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles incestueux. Il tend ensuite à préciser que ces auteurs peuvent inclure le concubin d’un membre de la famille dès lors qu’il exerce, compte tenu de la configuration familiale, une autorité de droit ou de fait sur la victime.
L’inclusion des frères et sœurs ne nous semble pas poser de problème puisqu’il s’agit d’un inceste absolu. Le texte de la commission n’englobe ces derniers que s’ils exercent sur la victime une autorité de droit ou de fait. La notion d’autorité présente un intérêt dans ce type d’actes, celle-ci étant de nature à renforcer le traumatisme.
Cet amendement s’inscrit dans la même logique et devrait permettre d’éviter des divergences de jurisprudence. À titre personnel, j’y suis plutôt favorable. Quant à la commission, elle s’en remet à la sagesse du Sénat.
Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement.
Je pense en effet qu’il était bon de mentionner expressément les frères et sœurs, car la différence d’âge ne suffit pas.
En revanche, n’en déplaise à certains, la famille ne se limite pas aux époux et à leurs enfants. Il faut aussi prendre en compte les familles recomposées et décomposées, les concubins et les pacsés.
Sur ce point, je suis en complet désaccord avec cet amendement. Je ne pourrai donc pas le voter.
Je voterai en faveur de cet amendement.
Je me demande toutefois si des personnes extérieures à la famille, mais qui ont néanmoins une autorité de droit ou de fait sur la victime, tels que les tuteurs de personnes handicapées, relèvent du dispositif.
Le cas que vous décrivez ne relève pas de ce texte, monsieur Vasselle, puisqu’il ne s’agit pas d’inceste. Toutefois, il existe d’ores et déjà dans le code pénal une disposition qui aggrave le délit de viol lorsqu’il est commis par une personne ayant autorité : il peut s’agir de l’instituteur, du tuteur ou de toute autre personne. Nous ne modifions évidemment pas ces dispositions.
Le fait de revenir à la logique du texte initial présente de réels inconvénients. En effet, il faut pouvoir apprécier le contexte familial du mineur, notamment savoir quelles sont les personnes qui constituent son entourage. Celui-ci peut comprendre un concubin, un « quasi-frère » ou une « quasi-sœur », quelqu’un vivant sous le même toit que la victime ou lui étant très proche.
Pour ces raisons, il me semble préférable d’en rester au texte de la commission.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er est adopté.
I. - Le 4° de l'article 222-24 du code pénal est ainsi rédigé :
« 4° Lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
II. - Le 2° de l'article 222-28 du même code est ainsi rédigé :
« 2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
III. - Le 2° de l'article 222-30 du même code est ainsi rédigé :
« 2° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
IV. - Le 1° de l'article 227-26 du même code est ainsi rédigé :
« 1° Lorsqu'elle est commise par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
V. - Le 1° de l'article 227-27 du même code est ainsi rédigé :
« 1° Lorsqu'elles sont commises par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ; ».
VI
« La qualification d'inceste prévue par les articles 222-31-1 et 227-27-2 du code pénal fait l'objet s'il y a lieu d'une question spécifique. » –
Adopté.
L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Giudicelli, M. Mayet, Mme Henneron, M. Leclerc et Mmes Kammermann, Debré, Bout, Desmarescaux et Rozier, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 226-14 du code pénal est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « ou autorise » sont supprimés ;
2° Au deuxième alinéa 1°, le mot « informe » est remplacé par les mots : « est tenu d'informer » ;
3° À la première phrase du troisième alinéa 2°, les mots : « porte à la connaissance du procureur de la République » sont remplacés par les mots : « est tenu de porter à la connaissance du procureur de la République, des autorités judiciaires, médicales ou administratives » ;
4° À la dernière phrase du même alinéa, après le mot : « psychique », sont insérés les mots : « ou de son état de grossesse » ;
5° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Une personne qui alerte les autorités compétentes dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l'objet, ni de poursuites ni de sanctions disciplinaires, ni de poursuites ni de sanctions en justice, pour un acte accompli de bonne foi ».
La parole est à M. Alain Milon.
Si le signalement n'est pas obligatoire, les abus sexuels familiaux et les maltraitances risquent de demeurer longtemps cachés. En effet, très peu de parents présumés agresseurs signalent eux-mêmes leurs actes violents et demandent de l'aide ; très peu d'enfants signalent d'eux-mêmes.
Les médecins généralistes, les pédiatres, les pédopsychiatres, les gynécologues et les psychologues sont le plus souvent en première ligne pour dépister l'inceste et les maltraitances qui l'accompagnent et en effectuer le signalement. C'est pourquoi l'obligation de signaler, d'une part, et la protection des professionnels, d'autre part, sont essentielles pour la protection des enfants.
Cependant, malgré la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance et l'introduction dans l'article 226-14 du code pénal de l'interdiction des sanctions disciplinaires à l'encontre des médecins qui effectuent des signalements, ces derniers sont encore confrontés à un dilemme inacceptable : être poursuivis pour avoir signalé ou être poursuivis pour ne pas avoir signalé.
En effet, seules les sanctions disciplinaires ayant été interdites, les poursuites civiles ou pénales continuent, si bien que les médecins concernés préfèrent la plupart du temps se taire. De plus, lorsque des professionnels sont poursuivis, leurs procédures sont utilisées contre les enfants qu'ils avaient souhaité protéger.
Ainsi, seulement 5 % des signalements proviendraient directement des médecins.
D'autres législations, notamment celle du Québec, démontrent de manière magistrale l'intérêt d'une loi claire qui protège ceux qui signalent pour protéger avant tout les mineurs victimes.
En conséquence, le signalement doit être obligatoire et s'accompagner de mesures interdisant toutes poursuites à l'encontre des professionnels qui signalent, y compris ceux qui donnent un avis à titre d'expert. Il est nécessaire de garantir à celui qui signale de bonne foi une immunité disciplinaire, civile et pénale.
Je comprends bien la préoccupation exprimée par notre collègue, et je la partage très largement. Je rappelle cependant que, lors de la discussion de la loi de 2004, qui, M. Milon l’a rappelé, a créé une immunité disciplinaire au profit des médecins effectuant des signalements, il n’avait pas été envisagé d’étendre le champ de cette immunité. Je ne pense pas qu’il faille aujourd’hui revenir sur cette sage décision.
Cela étant précisé, j’en viens à l’amendement n° 3 rectifié, qui soulève plusieurs difficultés.
Tout d’abord, le champ de l’article 226-14 du code pénal est bien plus large que la seule question du secret médical puisqu’il a vocation à s’appliquer également aux professions juridiques, aux journalistes, au secret bancaire, etc. Dans ces conditions, il ne paraît pas souhaitable de supprimer les hypothèses où la loi « autorise » la révélation du secret.
De plus, en droit, l’indicatif a valeur d’impératif. Par conséquent, la disposition selon laquelle le médecin « porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés » constitue juridiquement une obligation. Sur ce point précis, l’amendement est donc satisfait.
Je ne m’étendrai pas sur l’hypothèse de la fragilité causée par l’état de grossesse, qui ne relève pas du champ de la présente proposition de loi.
Au-delà du problème de la sanction disciplinaire, qui est d’ores et déjà écarté, je rappelle que le délit de dénonciation calomnieuse n’est constitué que lorsque la personne dénonce un fait « qu’ [elle] sait totalement ou partiellement inexact ». En d’autres termes, c’est la juridiction éventuellement saisie qui dira si la dénonciation a été faite de bonne foi ou par pure malveillance et si des poursuites pénales doivent être engagées. La loi est suffisamment précise, il n’y a pas lieu d’y revenir.
De plus, il n’est pas possible d’interdire par principe l’exercice de poursuites ou le dépôt de plaintes, car ce serait contraire au principe de droit à un recours effectif posé par l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme.
Compte tenu de l’ensemble de ces explications, et considérant que cet amendement est largement satisfait, je demanderai à son auteur de bien vouloir le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
Je fais miens les arguments développés par M. le rapporteur. J’ajouterai simplement que le fait de conférer une immunité en amont serait probablement inconstitutionnel dans la mesure où le principe d’égalité devant la loi s’en trouverait rompu.
Ne doutant pas que les propos de M. le rapporteur auront rassuré M. Milon, je lui demanderai de bien vouloir retirer son amendement.
Non, je le retire, madame la présidente.
Néanmoins, je tiens à faire remarquer que les 2 et 3 juin derniers, à Strasbourg, la France a adopté le projet de lignes directrices du Conseil de l’Europe pour l’élaboration de stratégies nationales intégrées de protection des enfants contre la violence. Ce texte recommande explicitement aux États parties, dont la France, de rendre obligatoire le signalement pour tout professionnel travaillant avec des enfants et des familles, et de veiller à renforcer la protection des professionnels qui signalent.
J’espère que nous nous y emploierons.
L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
L'amendement n° 4 rectifié bis, présenté par M. Milon, Mme Giudicelli, M. Mayet, Mme Henneron, M. Leclerc et Mmes Kammermann, Debré, Bout, Desmarescaux et Rozier, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Nul ne peut dévoiler ou être contraint de dévoiler l'identité d'une personne qui a agi conformément à l'application de l'article 226-14 du code pénal, sans son consentement.
La parole est à M. Alain Milon.
Je retire cet amendement, madame la présidente, car il n’a plus d’objet.
D’ores et déjà, je retire également l’amendement n° 5 rectifié dans la mesure où Mme le ministre d’État s’est engagée à prévoir, par voie réglementaire, des programmes de formation à destination des médecins pour leur permettre de signaler les abus sexuels et la maltraitance.
I §(Non modifié). - L'article L. 121-1 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les écoles, les collèges et les lycées assurent une mission d'information sur les violences et une éducation à la sexualité. »
II
Non modifié
III
Non modifié
1° Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Cette formation comporte un module pluridisciplinaire relatif aux infractions sexuelles à l'encontre des mineurs et leurs effets.
Dispositions déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par l'Assemblée nationale
2° §(Dispositions déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par l'Assemblée nationale).
IV. -
Supprimé
Ce sujet très grave de l’inceste méritait un autre traitement que celui qui lui est infligé ce soir dans notre débat sur la présente proposition de loi.
L’invocation de l’article 40 de la Constitution avant même l’adoption du texte par l’Assemblée nationale a tué dans l’œuf les espoirs d’une prise en charge efficace et sérieuse des victimes de violences intrafamiliales. Ces victimes, à travers leurs témoignages douloureux, nous disent combien la reconstruction est longue et difficile et combien un accompagnement de qualité est nécessaire. Imaginez donc leur frustration, et la nôtre, en l’absence de tout moyen pour la prise en charge !
Qu’en est-il de la prévention ?
L’article 4 de la proposition de loi précise la mission d’information dévolue à l’éducation nationale et le rôle central de celle-ci en matière d’information et d’éducation aux questions de violence et de sexualité. Mais l’école seule en a-t-elle encore les moyens ? Je ne le crois pas, car elle ne peut pas tout faire. En outre, compte tenu de l’insuffisance du nombre des médecins scolaires, il me semble fort difficile qu’elle puisse assurer cette mission.
On sait aujourd’hui qu’il faut absolument améliorer la formation et la détection de ces situations de violence. La Convention internationale des droits de l’enfant rappelle les devoirs essentiels des États en matière de protection de l’enfance. L’article 27 de la loi du 5 mars 2007 a créé un fonds national de financement afin de favoriser les actions entrant dans le cadre de la réforme de la protection de l’enfance.
Comme l’a souligné notre collègue Jean-Pierre Michel, on pouvait espérer des moyens pour des actions de prévention. Mais il n’en est rien. Dans le même temps, 35 millions d’euros ont été attribués au fonds interministériel de prévention de la délinquance. C’est un choix politique que, bien évidemment, je ne partage pas tout à fait.
Madame la ministre, vous avez évoqué des mesures de prise en charge et d’accompagnement pour 2010. Ces bonnes intentions ne suffiront pas face aux attentes des victimes.
Je demande donc au Gouvernement de tenir ses engagements, notamment en cette période où s’engagent les discussions budgétaires.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Ma chère collègue, la Constitution distingue ce qui est du domaine de la loi et ce qui n’en est pas. Mme le ministre d’État s’est engagée à prendre des dispositions réglementaires, et je ne vois aucune raison de ne pas lui faire confiance.
Vous avez par ailleurs évoqué le fonds interministériel de prévention de la délinquance. Nous sommes là, précisément, au cœur du sujet : l’inceste est un acte délictueux, je dirais même un acte délictueux particulièrement grave.
Enfin, et bien que ce ne soit pas dans nos habitudes, nous avons souhaité maintenir l’article 7 de la proposition de loi, qui prévoit que le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’ensemble des dispositions de prévention et d’éducation qui peuvent être mises en place pour lutter contre ce fléau. C’est une façon pour nous de souligner l’importance que nous accordons à ces mesures.
L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Giudicelli, M. Mayet, Mme Henneron, M. Leclerc et Mmes Kammermann, Debré, Bout, Desmarescaux et Rozier, est ainsi libellé :
Rétablir le IV de cet article dans la rédaction suivante :
IV.- À l'article L. 632–9 du même code, après les mots : « santé publique », sont insérés les mots : « notamment en matière de détection, de signalement et de prise en charge des enfants victimes d'abus sexuels et de maltraitance, ».
Cet amendement a été retiré.
Je mets aux voix l'article 4.
L'article 4 est adopté.
I. - Le deuxième alinéa de l'article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elles assurent une mission d'information sur la santé et la sexualité. »
II. - Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 48 de la même loi, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il précise les conditions dans lesquelles les sociétés mentionnées à l'article 44 mettent en œuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les œuvres de fiction qu'elles diffusent, leur mission d'information sur la santé et la sexualité définie à l'article 43-11. » –
Adopté.
TITRE III
ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES
Les dispositions de l’article 6 ont été déclarées irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution avant l'adoption du texte par l'Assemblée nationale.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l'article 2-3, après les mots : « personne d'un mineur », sont insérés les mots : «, y compris incestueuses, » ;
2° Après la première phrase du premier alinéa de l'article 706-50, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les faits sont qualifiés d'incestueux au sens des articles 222-31-1 ou 227-27-2 du code pénal, la désignation de l'administrateur ad hoc est obligatoire, sauf décision spécialement motivée du procureur de la République ou du juge d'instruction. » –
Adopté.
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2010, un rapport examinant les modalités d'amélioration de la prise en charge des soins, notamment psychologiques, des victimes d'infractions sexuelles au sein de la famille, en particulier dans le cadre de l'organisation de la médecine légale. Ce rapport examine les conditions de la mise en place de mesures de sensibilisation du public et notamment des mesures d'éducation et de prévention à destination des enfants. –
Adopté.
I. - Les dispositions de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. - L'article 5 de la présente loi est applicable dans les Terres australes et antarctiques françaises. –
Adopté.
L'amendement n° 6, présenté par M. Zocchetto et Mme Dini, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette proposition de loi :
Proposition de loi tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux
La parole est à M. François Zocchetto.
Cet amendement a été défendu lors de l’examen de l’article 1er, madame la présidente.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
- n° 504, 2008-2009 – Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à garantir de justes conditions de rémunération aux salariés concernés par une procédure de reclassement, envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;
- n° 502, 2008-2009 – Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008, envoyé à la commission des finances ;
- n° 505, 2008-2009 – Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français, envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;
- n° 503, 2008-2009 – Rapport d’information de M. Christian Gaudin, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé par M. Jean Claude Etienne, Premier vice-président, sur la clôture de la 4ème année polaire internationale (actes du colloque des 14 et 15 mai 2009).
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 1er juillet 2009 à quatorze heures trente et le soir :
1. Ouverture de la session extraordinaire 2008-2009.
2. Deuxième lecture du projet de loi de programmation relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement (n° 472, 2008-2009).
Rapport de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 488, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 489, 2008-2009).
Je rappelle au Sénat que, aux termes du premier alinéa de l’article 28 de la Constitution, « le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin ».
En conséquence, je constate que la session ordinaire de 2008-2009 est close.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à minuit.