Intervention de Alain Marc

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 16 novembre 2016 à 9h15
Loi de finances pour 2017 — Mission « sécurités » - hors programme « sécurité civile » - examen du rapport pour avis

Photo de Alain MarcAlain Marc, rapporteur :

Dans le prolongement de l'exposé de notre collègue Catherine Troendlé sur le programme « Sécurité civile », je vous présenterai les trois autres programmes que compte la mission « Sécurités » : les programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale » et 207 « Sécurité et éducation routières ».

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, les crédits consacrés à ces trois programmes s'élèvent à un peu plus de 19 milliards d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, soit une augmentation de l'ordre de 4 % par rapport aux crédits de l'an dernier.

L'examen de ce budget s'effectue dans un contexte doublement particulier cette année : celui d'une menace terroriste qui demeure à un niveau élevé, comme sont venus le rappeler les derniers attentats, et celui d'un mécontentement profond des policiers, comme le démontre la mobilisation spontanée de ces fonctionnaires qui sont le témoignage d'un véritable malaise.

À la suite des attaques terroristes subies par notre pays en 2015, plusieurs plans de sécurité ont été définis afin de doter nos services de capacités supplémentaires pour lutter contre le terrorisme, tant sur le plan humain que matériel : un plan de lutte antiterroriste annoncé en janvier 2015, un plan de lutte contre l'immigration clandestine mis en oeuvre au cours du premier semestre 2016, et le pacte de sécurité annoncé par le Président de la République lors de son discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 16 novembre 2015.

S'agissant des créations de postes de policiers et de gendarmes, un effort important a été réalisé dans le cadre de ces trois plans progressivement mis en oeuvre en 2015, 2016 et 2017, avec 4 417 créations nettes dans la police nationale et 2 343 créations nettes dans la gendarmerie nationale. Ces renforts bénéficient d'abord aux services de police et de gendarmerie engagés dans la lutte antiterroriste (DGSI, renseignement territorial, police judiciaire) mais également aux services de maintien de l'ordre (CRS, gendarmes mobiles) ou impliqués dans la lutte contre l'immigration clandestine (police de l'air et des frontières).

Pour la police nationale, le plafond d'emplois du programme (149 079 emplois au total) croît de 2 031 postes équivalents temps plein travaillé (ETPT). Entre 8 000 et 9 000 policiers sont recrutés chaque année, des gardiens de la paix en très grande majorité. À cet égard, il convient de souligner que les écoles de police connaissent des taux de remplissage inédits et que le ministère a été contraint de réduire légèrement les durées de formation initiale pour tenir les rythmes d'affectation dans les services actifs. Les crédits de masse salariale progressent de 337 millions d'euros afin de financer ces créations d'emplois mais également les mesures catégorielles décidées en faveur des fonctionnaires de police avec la signature d'un protocole le 11 avril 2016.

Pour la gendarmerie nationale, le plafond d'emploi (100 192 emplois au total) progresse de 402 ETPT, l'essentiel des créations d'emplois ayant déjà eu lieu l'an dernier. Les crédits de masse salariale augmentent quant à eux de 294 millions d'euros afin de financer les nouveaux emplois mais également les mesures catégorielles du protocole pour la valorisation des carrières, des compétences et des métiers dans la gendarmerie nationale, également signé le 11 avril dernier.

Enfin, l'apport de la réserve à la politique de sécurité publique va continuer à s'affirmer avec la création de la garde nationale, décidée par l'exécutif après l'attentat de Nice et devenue effective avec le décret du 13 octobre 2016. L'objectif est de constituer, à l'horizon 2018, une garde nationale comptant 85 000 personnes et capable d'en déployer 9 500 chaque jour. La gendarmerie constitue la force principale de cette garde nationale avec un objectif de 40 000 réservistes opérationnels et un objectif de 3 000 personnes mobilisées chaque jour. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, des crédits supplémentaires devraient être mobilisés par un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances...

Concernant les crédits affectés aux moyens de fonctionnement, question qui est au coeur des revendications actuelles des policiers, un effort assez conséquent a été réalisé avec la mise en oeuvre des différents plans de lutte antiterroriste. Les modes opératoires retenus par les auteurs des attaques de 2015 ont démontré que les forces de l'ordre pouvaient se trouver confrontées à des individus lourdement armés et prêts à mourir les armes à la main. Il s'en est donc suivi un plan de remise à niveau des équipements de protection et des armements des primo-intervenants (brigades anti-criminalité et pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie). On ne peut bien entendu que se féliciter de cette politique même si une réserve peut être émise sur la question de la formation à l'utilisation des armes. Si la formation initiale est de bonne qualité, on ne peut en dire autant de la formation continue, les policiers étant astreints à seulement trois séances annuelles de tirs de trente cartouches chacune. Surtout, dans le cadre du déploiement des nouveaux armements, un fusil mitrailleur (HK G36) a été, et va continuer, à être déployé. C'est une arme lourde, or les effectifs ne sont pas nécessairement formés comme il se devrait au maniement de cette arme, seuls 14 stands de tirs de la police nationale étant équipés à cet effet.

Face au mouvement de protestation des policiers, le ministère de l'intérieur a annoncé la définition d'un plan pour la sécurité publique, qui va être mis en oeuvre dans les semaines à venir. Un certain nombre d'annonces vont dans le bon sens et donneront lieu à des mesures législatives, je pense notamment à la question de la légitime défense des policiers qui, je l'espère, sera alignée sur celle des gendarmes. D'autres mesures réclameront des crédits supplémentaires, il s'agit en particulier de la poursuite du déploiement des équipements de protection et des nouveaux armements parmi les effectifs de la sécurité publique. Enfin, les efforts en faveur du renouvellement du parc automobile de la police et de la gendarmerie, qui est vieillissant, vont être poursuivis. Au total, ces mesures devraient conduire le Gouvernement à abonder, par un amendement, les crédits de la mission pour un montant de 100 millions d'euros.

Enfin, au-delà de ces quelques éléments chiffrés, je souhaiterais vous présenter les grands axes de la politique de lutte antiterroriste mise en oeuvre depuis 2014. Cette politique s'appuie tout d'abord sur le plan de lutte contre la radicalisation et les filières terroristes, défini au printemps 2014, avec la création du dispositif de signalement des personnes radicalisées. Ce dispositif de signalement, dont la responsabilité incombe à l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), repose sur le numéro vert, un formulaire internet et sur les services territoriaux de police et de gendarmerie. Depuis le 29 avril 2014, date de mise en service du numéro vert, ce sont plus de 5 600 personnes qui ont été enregistrées pour radicalisation par l'UCLAT. Si l'on ajoute les remontées dans les territoires ou par les services de renseignement, nous sommes à près de 15 000 personnes suivies pour radicalisation.

Le deuxième axe de la politique antiterroriste repose sur la mobilisation intense des mesures de police administrative avec les interdictions de sortie du territoire, les interdictions administratives du territoire, qui concernent quant à elles les ressortissants étrangers qui souhaiteraient accéder au territoire national mais qui présenteraient une menace pour la sécurité publique, et enfin les mesures de l'état d'urgence, qu'il s'agisse des perquisitions administratives, des assignations à résidence ou encore des opérations de contrôle d'identité, d'interdictions de manifester ou de fermetures de lieux de culte.

Après les différents attentats que nous avons connus, une nouvelle doctrine d'emploi des forces d'intervention, chargées de résoudre les crises terroristes, a été définie. Ce schéma national d'intervention a pour ambition de permettre aux forces d'intervention de faire cesser, en tout point du territoire métropolitain et ultramarin, le plus rapidement possible une attaque terroriste, y compris en cas d'actions terroristes simultanées.

À cet effet, un certain nombre de mesures techniques ont été prises, dont la plus importante me semble être la fin du principe de compétence territoriale entre le GIGN, le RAID ou la BRI afin qu'en cas de survenance d'une crise terroriste, le principe moteur de l'intervention soit celui de la proximité. L'unité la plus proche de la crise sera donc désormais engagée immédiatement, ce qui n'interdira pas aux autres forces de contribuer à la gestion de la crise, sous la responsabilité de la première. Par ailleurs, de nouvelles antennes du GIGN et du RAID ont été créées en différents points du territoire pour raccourcir les délais d'intervention.

Pour ceux de nos collègues qui sont en milieu rural, nous avons eu une bonne nouvelle, lors de l'audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 9 novembre dernier, du directeur général de la gendarmerie nationale. Il serait question de mettre fin au mouvement de fermeture des petites unités de gendarmerie situées en zones rurales, pour en faire des « brigades de contact ». Les missions des gendarmes affectés dans ces unités seront redéfinies afin d'accroître les relations directes avec la population et d'améliorer le renseignement en milieu rural. Ce dernier s'était dégradé ces dernières années, les gendarmes se concentrant sur le chef-lieu ou sur la sécurité routière.

En conclusion, le budget de la mission « Sécurités » pour 2017 permet de financer les créations de postes annoncées depuis 2015 et prolonge les efforts pour améliorer les moyens de fonctionnement de la police et de la gendarmerie. Ces moyens ne suffiront pas à apaiser la grogne des policiers qui réclament un véritable « plan Marshall ». Mais nous ne pouvons pas ignorer le contexte budgétaire contraint dans lequel nous nous inscrivons. Ainsi, compte tenu de ces éléments, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités », hors programme « Sécurité civile », pour 2017.

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