Je rappelle que cet avis porte sur l'intégralité du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et sur 3 des 4 actions du programme 303 « Immigration et asile », la quatrième action, relative à la « Garantie de l'exercice du droit d'asile » faisant l'objet du rapport pour avis de Mme Esther Benbassa.
Pour la deuxième année consécutive, les crédits augmentent, mais la politique d'immigration et d'intégration reste le parent pauvre de la mission. Si, à première vue, les crédits semblent en forte hausse, les dépenses hors asile représentent 31 % de la mission et ceux liés à la politique d'immigration régulière et d'intégration seulement 21 %.
Parmi ces crédits figurent ceux de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), acteur historique de l'intégration, dont les missions ont été profondément modifiées et largement réorientées vers l'accueil des demandeurs d'asile par les lois du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile et du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.
Pour vous résumer d'une phrase mon propos, je m'interroge, malgré l'augmentation des crédits, sur l'efficacité et surtout sur l'évaluation des moyens mis en oeuvre, depuis plusieurs années, dans les politiques poursuivies.
Concernant la lutte contre l'immigration irrégulière, les instruments proposés par le projet annuel de performances sont insuffisants pour en évaluer l'efficacité, en raison du défaut de vision globale des crédits engagés dans cette politique et d'un manque d'indicateurs pertinents. Avec 92 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, les crédits sont en augmentation de 16 % par rapport à la loi de finances pour 2016. Par rapport à l'exécution 2015, l'augmentation n'est toutefois que de 8 % en autorisations d'engagement, alors que les crédits de paiement baissent de 1,5 %.
L'augmentation est principalement due au poste de la prise en charge sanitaire, qui augmente de 14 millions d'euros et correspond en quasi-totalité au financement des camps d'accompagnement et à la prise en charge des migrants de Calais et Dunkerque. Elle montre aussi l'effort accru dans l'éloignement de ressortissants de pays tiers.
On constate une sous-occupation des centres de rétention administrative (CRA). Non qu'il faille les remplir à tout prix. Ces centres ont des coûts fixes importants. Les taux d'occupation sont en moyenne de 52,5 %, avec de fortes disparités : ils sont relativement importants en région parisienne, mais vraiment faibles ailleurs. Leur entretien revient donc très cher.
L'assignation à résidence est en développement. Une expérimentation de centre de retour pour déboutés du droit d'asile a été lancée en avril 2015 à Vitry-sur-Orne en Moselle qui a concerné jusqu'à présent 61 familles, soit 236 personnes. Cela peut fonctionner mais nécessitera une vision à long terme du dispositif. Il m'a été indiqué en auditions que d'autres expérimentations sont envisagées. L'assignation à résidence est privilégiée pour les familles depuis 2012 et elle est devenue la règle depuis la loi du 7 mars 2016 mais les nouveaux instruments juridiques mis à disposition des préfectures pour encourager le recours à l'assignation à résidence ne sont entrés en vigueur qu'au 1er novembre dernier faute de décret d'application pris avant cette date.
Nous n'avons pas de vision claire concernant l'efficacité de l'éloignement. Outre l'insuffisance des indicateurs de performance, je constate que des crédits qui concourent aussi à la lutte contre l'immigration irrégulière relèvent d'autres programmes : programme 176 « Police nationale », programme 152 « Gendarmerie nationale » et programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et de la relation de travail ». Il faut y ajouter les aides au retour ainsi que les dépenses de justice qui sont de véritables frais cachés de la lutte contre l'immigration irrégulière. Je réclame un document transversal de tous les moyens engagés afin de les rationaliser car, actuellement, le dispositif apparaît sous-optimal.
Concernant les crédits consacrés à l'immigration régulière, il faut noter une modification de la structure des ressources de l'OFII. Mais l'augmentation de ses crédits ne signifie pas pour autant qu'il dispose de tous les moyens nécessaires pour remplir ses missions. La formation linguistique, dont les crédits étaient en baisse ces dernières années, bénéficie pour ce budget d'un effort budgétaire certes insuffisant mais qu'il faut saluer. Le sort des bénéficiaires d'une protection internationale, préoccupation du Sénat lors de l'examen de la réforme du droit d'asile, est pris en compte avec la création de 500 places supplémentaires en centre provisoire d'hébergement. C'est toutefois insuffisant. J'émettrai donc des réserves sur ces crédits, ou à défaut un avis défavorable.