Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par un décret du 28 octobre 2016, publié au Journal officiel du 30 octobre 2016, en plein week-end de la Toussaint, le ministère de l’intérieur a mis en place un traitement automatisé des données à caractère personnel avec le fichier des titres électroniques sécurisés, les TES.
En pratique, ce fichier est le produit du transfert de deux fichiers informatiques existants : le fichier national de gestion, qui regroupe les informations enregistrées lors de la création d’une carte nationale d’identité, et le système TES, son équivalent pour les passeports, avec une longue liste de données personnelles qui seront, à terme, celles de la quasi-totalité de la population française.
L’objectif que vise l’exécutif avec le fichier TES est d’authentifier les personnes pour lutter notamment, à bon escient bien sûr, contre la fraude et l’usurpation d’identité. Toutefois, ce fichier pourrait un jour également servir à les identifier.
Malheureusement, la création de ce fichier ne peut pas être considérée comme une simple mesure de simplification administrative. Les enjeux sont en réalité bien plus importants et il semble que l’exécutif n’en ait pas pris la mesure.
Les réserves, voire les critiques, à l’endroit du fichier TES proviennent de toute part et, en premier lieu, de spécialistes en la matière, comme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique et de l’innovation, la CNIL, ou encore le Conseil national du numérique. Le 7 novembre, ce dernier a même appelé le Gouvernement à suspendre la mise en place de ce fichier.
La CNIL s’inquiète à juste titre de la concentration des données biométriques au sein d’un même fichier, en particulier des images numérisées des empreintes digitales et de la photographie de l’ensemble des demandeurs de cartes nationales d’identité et de passeports.
Il n’existe pas de garanties techniques absolues, monsieur le ministre. Les fichiers peuvent être piratés et ce sont les données biométriques de 60 millions de personnes qui pourraient être utilisables à des fins au mieux commerciales, au pire criminelles. En matière de sécurité informatique, on sait que la centralisation représente un risque majeur. En outre, les données biométriques ne sont pas des données comme les autres.
Dans le même sens, les garanties juridiques et politiques que vous nous présentez aujourd’hui ne sont pas immuables.
Il s’agit de faire preuve de réalisme : ce gouvernement ne sera plus, dans quelques mois, à la tête de l’État.