Intervention de Jean-Claude Carle

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 23 novembre 2016 à 14h45
Projet de loi de finances pour 2017 — Mission « enseignement scolaire » - examen du rapport pour avis

Photo de Jean-Claude CarleJean-Claude Carle, rapporteur pour avis des crédits « Enseignement scolaire » :

Le dépassement des coûts des projets informatiques et immobiliers du ministère se poursuit. Le chantier du programme Sirhen, prévu initialement pour sept ans et 80 millions d'euros, devrait en durer douze et atteindre 393 millions d'euros. À mettre en rapport avec le gain attendu de 70,2 millions d'euros sur la durée de vie prévisionnelle de l'application...

Le primaire est le maillon essentiel du système éducatif. La loi de refondation de l'école du 8 juillet 2013 le reconnaît et son rapport annexé prévoit de donner la priorité à l'école primaire, en énonçant trois axes principaux : la scolarisation des enfants de moins de trois ans, le dispositif « plus de maîtres que de classes » et l'introduction de nouveaux rythmes scolaires. Y concourent également la redéfinition du socle commun et la modification des programmes, la réforme de l'éducation prioritaire ainsi que les mesures en faveur des enseignants du premier degré.

Les crédits du programme 140 augmentent de 3,4 milliards d'euros en euros courants entre 2012 et 2017. La dépense par écolier augmente de 12,1 %, de 5 800 à 6 500 euros. Cette priorité est toutefois fragile, car, loin de constituer un rééquilibrage entre le primaire et le secondaire, elle s'inscrit dans l'inflation générale des budgets. Durant la même période, les crédits du programme 141 ont augmenté de 2,7 milliards d'euros. Les grands équilibres du budget de l'Education nationale n'ont donc pas été modifiés, quoi qu'en dise la ministre.

Il en va de même pour les créations de postes : 14 000 postes d'enseignants titulaires devaient être créés en cinq ans. Or, comme le relève le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESCO), l'investissement en termes de postes s'avère peu différencié entre le primaire et le collège, notamment du fait de la priorité donnée à la réforme du collège. Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2017, moins de postes d'enseignants sont créés dans le premier degré que dans le second ; les créations de postes dans le primaire ne représentent qu'environ 40 % des postes créés.

En dépit d'un réel effort en faveur de l'attractivité de la profession de professeur des écoles, la politique de recrutements massifs menée par le ministère se heurte à d'importantes difficultés et présente le risque d'une baisse de la qualité des recrutements.

En outre, de nombreux stagiaires ont démissionné en cours d'année, contraignant le Gouvernement à faire appel aux listes complémentaires ou à des contractuels. En 2015, 434 démissions ont été constatées, soit 3,18 % des recrutés, contre 1,08 % en 2012. Cette forte hausse doit conduire le ministère à s'interroger sur l'organisation de la formation initiale au sein des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (ÉSPÉ).

Sur le plan qualitatif, la priorité au primaire apparaît diluée et sans cohérence.

Un groupe de travail commun à notre commission et à la commission des finances se penche sur la réforme des rythmes scolaires. Sa mise en place douloureuse, qui a exigé un gros effort financier des collectivités territoriales dans un contexte de baisse des dotations, a mobilisé une énergie et des ressources considérables. Vu leur caractère polémique, la « priorité au primaire » s'est trop souvent résumée aux nouveaux rythmes scolaires.

Le Gouvernement vise un taux de scolarisation de 30 % des enfants de moins de trois ans en éducation prioritaire d'ici 2017. Cet objectif a été porté à 50 % pour les REP+. Là encore, ni les moyens, ni les résultats ne sont au rendez-vous. À la rentrée 2015, 961 équivalents temps plein sur les 3 000 prévus avaient été créés ; 9,8 % des enfants de moins de trois ans étaient scolarisés, 19,3 % en éducation prioritaire, 22,2 % en REP+.

Cela dit, cette scolarisation précoce ne répond pas toujours à une demande des populations cibles, les plus éloignées de l'école. Si le ministère met en avant les conséquences positives de la scolarisation dès deux ans sur les relations entre l'école et les familles, celle-ci ne suscite pas l'engouement auprès de nombreux parents d'élèves en éducation prioritaire.

Deuxièmement, le partenariat avec les communes est également difficile, du fait de leur situation financière, aggravée par la réforme des rythmes scolaires. L'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) relève que « les projets sont longs à monter avec des collectivités territoriales réticentes qui ont beau jeu de mettre l'État face à ses contradictions au moment où le Gouvernement leur demande de réduire leurs dépenses et de limiter les recrutements de personnels et donc d'agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) ». Elle en conclut que l'objectif d'un taux de scolarisation à 50 % en REP+ n'est pas pertinent et sera difficile à atteindre dans l'ensemble des départements.

L'introduction du dispositif « plus de maîtres que de classes » est lente. Sur les 7 000 postes prévus, seuls 3 195 ont été effectivement créés à la rentrée 2016, majoritairement dans l'éducation prioritaire. Le plus souvent, la priorité est donnée au cycle 2 - CP-CE1-CE2 -, consacré aux apprentissages fondamentaux. Le bon recrutement des maîtres surnuméraires ainsi que la formation et l'accompagnement des équipes enseignantes sont essentiels.

Or les travaux réalisés par les inspections générales et le comité de suivi montrent que l'accompagnement et les évaluations font encore défaut. Au regard des expériences passées, souvent mitigées, et des moyens engagés, des évaluations systématiques et régulières sont nécessaires.

Trois aspects essentiels sont négligés, à commencer par la réflexion sur l'organisation de l'école primaire et sur la place et le statut du directeur d'école. L'introduction des rythmes scolaires a mis en lumière l'importance de sa tâche. Il faut aller plus loin que l'amélioration du régime de décharges de service et la revalorisation des indemnités. Un véritable statut devrait donner aux directeurs d'école les moyens d'exercer un pilotage pédagogique et administratif, gage d'efficacité. Il ne s'agit pas d'en faire un petit chef, mais un fédérateur.

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