Monsieur le Président, Mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les crédits de la mission « égalité des territoires et logement ».
Ces crédits sont stables et atteignent plus de 18,3 milliards d'euros. Ils sont répartis entre plusieurs programmes que je vais vous présenter successivement.
Le programme 177 regroupe les crédits de la politique d'hébergement d'urgence. Ces crédits augmentent de 15 %.
Le parc d'hébergement connaît une demande importante en raison de l'augmentation de la précarité, de l'accroissement des besoins de prise en charge de familles avec des jeunes enfants et des flux migratoires qui se sont intensifiés depuis l'an dernier.
Face à la pression migratoire, le parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile demeure insuffisant. La réforme du droit d'asile n'a pas produits les effets escomptés.
En effet, si des places supplémentaires ont été ouvertes en CADA, un cinquième du parc d'hébergement dédié aux demandeurs d'asile ou aux réfugiés est occupé par des personnes qui ne sont plus demandeurs d'asile soit parce qu'elles ont la qualité de réfugié, soit parce qu'elles ont été déboutées de leur demande d'asile. En outre, si les moyens humains de l'OFPRA ont été renforcés pour accélérer le traitement des dossiers, la pression migratoire que connaît la France semble avoir réduit à néant ces efforts. Cette situation a des conséquences sur le parc d'hébergement d'urgence généraliste.
Le gouvernement a créé fin 2015 des centres d'accueil et d'orientation (CAO) pour accueillir les migrants de Calais.
Ces centres doivent permettre de réorienter les migrants vers une solution d'hébergement adaptée à leur situation administrative.
Les places de CAO sont temporaires et n'entrent pas dans le décompte des offres pérennes d'hébergement généraliste ou des places dédiées aux demandeurs d'asile.
Il y a un débat au sein du gouvernement pour savoir quel programme doit prendre en charge ces centres : le ministère de l'intérieur estime qu'ils pourraient relever de son budget car 90% des personnes en CAO accèdent à l'asile, le ministère du logement estime qu'il s'agit d'une mission de mise à l'abri relevant du programme relatif à l'hébergement d'urgence. La ministre a dit que pour l'instant ces centres relèvent de son budget.
Pour répondre à la demande d'hébergement d'urgence, le recours aux nuitées hôtelières est souvent considéré comme une solution de facilité. Le gouvernement s'est cependant engagé dans un plan de réduction des nuitées hôtelières et de développement des places pérennes.
Bien que le nombre de nuitées ne diminue pas, leur progression ralentirait en 2016 selon des chiffres provisoires.
Le nombre de places d'hébergement a continué d'augmenter pour atteindre 112 552 places en 2015, soit une augmentation de 8,7%. Le gouvernement porte plus particulièrement ses efforts en matière de logement adapté sur la création de nouvelles places en intermédiation locative. Les crédits pour 2017 augmentent de 13%. Ce dispositif est certes intéressant mais ne peut être qu'une des réponses à apporter dans la mesure où ce dispositif suppose d'avoir des ressources et un statut administratif en conformité avec les règles en vigueur, il ne peut donc convenir à toutes les personnes.
Les crédits dédiés à l'aide au logement temporaire qui a pour objet de couvrir les coûts (loyer et charges) supportés par les organismes qui mettent des logements à la disposition de personnes sans domicile sont doublés pour atteindre 79 millions d'euros. Toutefois, cette évolution est une augmentation en trompe l'oeil, le gouvernement ayant seulement décidé de budgétiser cette aide jusqu'à présent prise en charge en partie par la branche famille de la sécurité sociale. Le gouvernement en espère une simplification de la gestion, un meilleur suivi et une économie des frais de gestion.
Depuis plusieurs années, on constate une sous-budgétisation systématique des crédits dédiés à l'hébergement d'urgence. 2016 n'a pas échappé à la règle puisque le gouvernement a été conduit à prendre un décret d'avance pour augmenter les crédits de 84 millions d'euros et qu'un second devrait être pris pour un montant de 100 millions d'euros. En outre, le PLFR prévoit d'ouvrir 55 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement et 204 millions d'euros en autorisations d'engagement.
Les crédits pour 2017 augmentent de 15%, ce dont on peut se féliciter. Cependant, une partie de cette hausse ne traduit en aucun cas l'intention du gouvernement d'y consacrer plus de moyens, mais vise à réévaluer certaines dépenses au vu des crédits consommés en 2015, tel est le cas des crédits de la veille sociale qui augmentent de 35%, ou vise à traduire une modification de périmètre, tel est le cas des crédits de l'allocation temporaire qui sont doublés pour atteindre 79 millions euros, l'État prenant désormais en charge la totalité de cette aide.
J'ajoute que les crédits de paiement prévus pour 2017 sont d'ores et déjà inférieurs à ceux qui seront consommés en 2016. Malgré les efforts du gouvernement pour augmenter les crédits dédiés à l'hébergement d'urgence, il est vraisemblable que les crédits ne seront pas suffisants pour couvrir les besoins en hébergement d'urgence. Si l'on voit des moyens financiers conséquents sur l'hébergement d'urgence, il n'y a toujours pas de moyens adaptés pour l'accompagnement qui reste toujours à géométrie variable.
J'ajoute que des efforts de gestion devront se poursuivre qu'il s'agisse du déploiement des SIAO ou de la prise en compte de l'étude nationale des coûts. On peut regretter qu'il n'y ait toujours pas de réforme structurelle, de réflexion d'ensemble sur les dispositifs d'hébergement d'urgence alors que cela me paraît inéluctable. Il n'y a aucune traduction d'une politique publique attendue en la matière. Cela ne se traduit toujours pas stratégiquement par deux orientations qui devraient être un accès plus direct au logement et mettre fin à une gestion saisonnière de l'hébergement.
Le programme 109 « Aide à l'accès au logement », comprend essentiellement la contribution de l'État au financement du Fonds national d'aide au logement (FNAL). Après deux années d'augmentation pour cause de budgétisation des aides, les crédits sont stables pour 2017.
Je rappelle que 18 milliards d'euros d'aides au logement ont été versées en 2015 à 6,5 millions de bénéficiaires. Le nombre de bénéficiaires est cependant en légère baisse en 2015.
2016 a été l'année d'entrée en vigueur des différentes réformes de l'APL adoptées l'année dernière.
Les règles d'éligibilité aux APL ont été modifiées afin de prendre en compte le patrimoine du demandeur à compter de 30 000 euros. Des plafonds de dégressivité et de suppression des aides ont été instaurés. De façon plus symbolique et anecdotique, les étudiants rattachés au foyer fiscal de leurs parents redevables de l'ISF ne peuvent plus bénéficier des APL.
Ces mesures ont été très critiquées par les milieux associatifs. La CNAF a donné un avis défavorable au décret sur la prise en compte du patrimoine. La FNARS a souligné les contradictions du gouvernement qui diminue pour certains bénéficiaires leurs aides au logement et met en place dans le même temps des dispositifs de prévention des expulsions et de maintien du versement de l'allocation de logement lorsque le bénéficiaire ne règle pas la part de la dépense de logement restant à sa charge.
Il est difficile de mesurer l'impact de ces réformes tant sur le plan financier que sur le nombre de bénéficiaires concernés. Le gouvernement n'est pas en mesure de nous donner des chiffres. Selon la CNAF, 77 600 foyers seraient concernés par les nouvelles règles de dégressivité des APL, soit 1,2% des allocataires. Pour ces allocataires, dans 78% des cas, l'APL serait diminuée de 70 euros en moyenne et dans 22% des cas, l'APL serait supprimée. Selon la ministre du logement et de l'habitat durable, 666 dérogations auraient été accordées sur 1590 réclamations.
Comment apprécier correctement les effets de ces réformes et les montants budgétés dans ces circonstances ?
Je voudrais vous donner l'exemple des Alpes-Maritimes, dont on peut penser qu'il n'est pas parmi ceux qui seraient le plus impactés par ces réformes. Je voudrais vous donner quelques chiffres qui montrent que ces réformes peuvent toucher des retraités et nombre de personnes modestes. Pour une personne qui vit seule dans un logement locatif à Nice situé en zone 2, si son loyer est inférieur à 638 euros alors son aide au logement sera maintenue, si le loyer est compris entre 638 et 791 euros - ce ne sont pas des montants de loyers élevés pour le département- alors son aide sera diminuée, s'il est supérieur à 791 euros -qui est un montant en-dessous des montants pratiqués y compris dans le parc privé- l'aide au logement sera supprimée. Le revenu mensuel à partir duquel une personne seule ne bénéficie plus de l'aide au logement est de 1186 euros à Nice. Je vous laisse imaginer les conséquences pour des personnes modestes, seules, veuves...Un foyer dont les revenus seraient inférieurs à 1186 euros consacrerait plus de 66,7 % de ses revenus (hors APL et hors charges) à son loyer. Sur le département des Alpes-Maritimes, contrairement à la moyenne nationale, 4,9% des bénéficiaires sont concernés et 1212 pourraient voir leur aide au logement supprimé. On peut s'interroger sur cette réforme des APL même si elle permet effectivement de faire des économies au budget de l'Etat.
J'en viens au programme 135 qui concerne notamment les aides à la pierre. Les crédits diminuent de 37 % en autorisations d'engagement et de 13,5 % en crédits de paiement.
Cette diminution traduit sur le plan financier la réforme des aides à la pierre opérée l'an dernier. Les autorisations d'engagement sont désormais intégralement rattachées au programme 135 par voie de fonds de concours, seul le montant de la contribution de l'État au FNAP étant fixée par la loi de finances.
Le FNAP n'ayant été créé qu'en milieu d'année, les crédits dédiés aux aides à la pierre ont été en début d'année gérés par l'État qui a engagé 228 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement, le FNAP a ensuite pris le relais.
En 2017, l'État devrait contribuer aux ressources du FNAP à hauteur de 200 millions d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 50 millions, les bailleurs sociaux contribuant à hauteur de 270 millions d'euros.
Je regrette que nous ne puissions nous prononcer sur les objectifs de construction de logements à l'occasion de l'examen du présent budget. Ils ne figurent plus dans le budget. En effet, c'est lors de la réunion du conseil d'administration le 1er décembre prochain que seront définis le montant annuel des financements apportés par le FNAP, le montant des autorisations d'engagement, la programmation de la répartition territoriale et les objectifs associés. J'espère que le FNAP déterminera des objectifs plus en prise avec la réalité. Je prends acte de l'engagement de la ministre du logement devant les députés de faire correspondre à l'avenir le calendrier de programmation du FNAP avec le calendrier budgétaire.
Un mot de la CGLLS. L'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit de nouveau un prélèvement à hauteur de 50 millions. Il me semble qu'il serait légitime que ce prélèvement soit reversé au FNAP plutôt qu'au budget général de l'Etat.
J'ajoute qu'un nouveau prélèvement en 2018 poserait de réelles difficultés à la CGLLS pour assurer ses missions en raison de la mise en place des « prêts de haut bilan » par la Caisse des dépôts à hauteur de trois milliards d'euros et de l'incertitude quant aux garanties qu'accepteront d'apporter les collectivités territoriales à ces prêts, même si la ministre nous a dit que pour l'heure les ratios prudentiels avaient été respectés.
Enfin, je terminerai avec l'Anah.
L'agence est de plus en plus sollicitée. L'engouement pour le programme « Habiter mieux » ne se dément pas. En 2015, presque 50 000 logements ont bénéficié de ce programme. L'Anah a adopté en mars dernier un objectif de 70 000 logements concernés pour le programme « Habiter mieux » et revu son budget en conséquence. Pour 2017, l'objectif sera porté à 100 000 logements dont 30 000 logements en copropriété fragile.
Alors que l'agence est de plus en plus sollicitée, les ressources de l'agence sont plus que jamais incertaines et volatiles.
Pour 2016, l'évolution des quotas carbone, qui est la principale ressource de l'agence, s'est révélée nettement moins favorable que ce qui était espéré. La diminution des recettes escomptées a été compensée en cours d'année par une contribution renforcée d'Action Logement à hauteur de 150 millions. Pour 2017, l'Anah envisage une ressource issue des quotas carbone comprise entre 240 et 340 millions.
En outre, l'Anah a signé une nouvelle convention avec trois fournisseurs d'énergie en juillet 2016 afin de tenir compte de la création d'une nouvelle catégorie de certificat d'économie d'énergie. L'agence espère ainsi percevoir 55 millions d'euros de recettes en 2016 et 65 millions d'euros en 2017.
Enfin, la contribution de la Caisse Nationale de Solidarité pour l'Autonomie au budget de l'Anah n'a été actée pour 2016 qu'à l'occasion du PLFSS pour 2017. L'Anah n'a aucune certitude pour 2017 alors même que l'adaptation des logements au vieillissement est un enjeu majeur pour notre société.
La directrice de l'Anah a exprimé ses craintes alors que son fonds de roulement et sa trésorerie sont très basses. Les incertitudes quant aux ressources de l'agence sont telles que le gouvernement n'a pas été en mesure cette année de me transmettre un projet de budget prévisionnel des ressources de l'agence pour 2017. Nous n'avons que des hypothèses, le conseil d'administration de l'Anah se réunissant sur cette question fin novembre.
Je regrette vivement que le gouvernement persiste à ne pas donner à l'Anah des ressources stables et pérennes.
En conclusion, au vu de ces différentes observations, je vous invite, Monsieur le Président, mes chers collègues, à émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « égalité des territoires et logement »