Merci, Monsieur le ministre, d'avoir mentionné les travaux entrepris par la commission des lois, dans le cadre de la mission pluraliste que nous avons mise en place sur le redressement de la justice. Nos observations recoupent en grande partie les vôtres. Nous nous rendons dans les tribunaux et dans les établissements pénitentiaires : nous y rencontrons les responsables, mais aussi les agents des greffes et les magistrats ainsi que les agents des différentes composantes de l'administration pénitentiaire. La première chose qui nous est dite, c'est un certain désarroi individuel et collectif des magistrats de ce pays. Ils ont le sentiment d'être submergés par une tâche dévorante, d'avoir une fonction sociale parmi les plus nobles mais qui s'accomplit dans un contexte de pénurie. Ce sentiment est aggravé à chaque fois que les expressions publiques de tous ceux qui ont la charge de défendre la justice et la magistrature démontrent le peu de considération qu'ils ont à son égard. La considération ne doit pas être que matérielle : nous devons montrer le plus grand attachement à nos magistrats et à tout le personnel de cette administration car ils sont soumis à rude épreuve.
Deuxième observation : le budget de la justice n'a cessé d'augmenter au cours des dix dernières années, passant de 6,2 à 8,2 milliards, ce qui est considérable par rapport aux autres fonctions de l'État, et le budget pour 2017 ne déroge pas à la règle. Pourtant, les Français, les magistrats, les greffiers, les agents de l'administration pénitentiaire n'ont pas le sentiment que ce grand service national fonctionne mieux qu'il y a dix ans, tout au contraire. L'augmentation des moyens sans évolution profonde des modes de gestion et sans réforme ambitieuse des procédures et du périmètre de la fonction de juger ne donnera pas les résultats escomptés. À périmètre égal et à mode de gestion et d'organisation inchangé, l'augmentation des moyens ne sortira pas la justice de l'ornière. Des changements profonds sont donc nécessaires. La dernière loi de programmation pour la justice date de 2002. Nous devons accorder à la justice les moyens dont elle a besoin mais aussi lui demander de grands changements. Les représentants de la justice n'aiment pas que l'on mentionne les travaux de la Cour des comptes : ils considèrent qu'elle méconnait la spécificité de leurs missions. Pour autant, ses recommandations ne devraient pas rester lettre morte : nous avons besoin de tableaux de bord, d'études d'impact, d'évaluations. Les difficultés de la justice doivent être mises sur la table afin, ensemble, d'y remédier.
Depuis votre entrée en fonction, vous avez abordé ces questions par le bon bout, ce qui n'a pas toujours été le cas de vos prédécesseurs.
Nous poursuivons notre travail, bien que nous ayons été présomptueux de nous attaquer à cette fonction qui est l'une des plus importantes de l'État. Nous allons essayer d'apporter nos conclusions au cours du premier trimestre 2017.
Je vais maintenant passer la parole à M. Antoine Lefèvre, qui était membre de notre commission, avant de rejoindre celle des finances, où il s'occupe du budget de la justice.