Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour statuer sur une nouvelle prorogation de l’état d’urgence, jusqu’au 15 juillet prochain.
Les chiffres publiés vendredi par la commission de suivi mise en place à l’Assemblée nationale indiquent pourtant l’essoufflement de son bilan. Nos collègues députés Dominique Raimbourg et Jean-Frédéric Poisson, dans leur rapport du 6 décembre 2016 sur le contrôle de l’application de l’état d’urgence, font état de 4 292 perquisitions, de 612 assignations à résidence, dont aucune pour des faits liés au terrorisme, de 1 657 contrôles d’identité et fouilles de véhicules.
Ces mesures ont conduit à l’ouverture de 670 procédures judiciaires, dont 61 concernant des faits en lien avec le terrorisme, parmi lesquelles 20 portaient sur des faits pour association de malfaiteurs en matière de terrorisme. L’état d’urgence n’a pas permis le démantèlement de filières. Il n’a pas davantage réussi à empêcher les actes terroristes commis alors qu’il était en vigueur.
La lutte implacable que nous devons mener contre le terrorisme ne nous impose pas inéluctablement de maintenir l’état d’urgence et de suspendre ainsi l’État de droit et le fonctionnement normal de nos institutions.
Nous sommes – hélas ! – entrés dans l’ère de la banalité sécuritaire, laquelle semble s’être durablement installée dans notre pays.
La notion de sécurité est devenue si large et si imprécise qu’il est désormais difficile de lui opposer la question des droits. Qui pourrait donc être contre la sécurité ? La promesse de sécurité est devenue la fin en soi de l’action politique. On nous a enchaînés à l’état d’urgence, nous le trouvons de plus en plus naturel et nous avons fini par sacrifier la sûreté à la sécurité.
S’il est bien fait état de 17 attentats déjoués et de 420 interpellations d’individus suspectés d’être en lien avec des organisations terroristes depuis le début de l’année 2016, rien ne permet de savoir avec certitude si ces résultats ont été obtenus grâce à l’état d’urgence. Mais nous sommes dans l’état d’urgence, nous y resterons et les arguments ne manqueront pas pour le justifier.
Le Gouvernement rappelle ainsi que la menace terroriste reste à un niveau très élevé, notamment en raison « du contexte pré-électoral caractérisé par de nombreuses réunions publiques, contexte susceptible d’être exploité par les organisations terroristes ou par des individus inspirés par elles en raison des cibles que représentent ces rassemblements… »
Certes, nul ne peut dire aujourd’hui que la menace terroriste est écartée ou même affaiblie. Une extrême vigilance reste de rigueur.