Des enquêtes judiciaires ont été engagées là où les faits criminels étaient déjà avérés. Et aux collègues qui se posent la question du lien entre les effets de l’état d’urgence et les enquêtes judiciaires actuellement engagées contre des auteurs de préparatifs d’attentats, je voudrais renvoyer la question : pensent-ils vraiment que ces préparatifs d’attentats ont été détectés sans aucun moyen de renseignement ni de surveillance ? §
Pardon, mais il me paraît quand même dicté par le bon sens de constater que les moyens de prévention – et il revient à l’État d’assurer la prévention du terrorisme – ont permis l’interruption de ces projets. Agir ainsi, c’est le devoir de l’État, dont nous faisons partie.
Bien sûr, la prévention comporte ce que j’appellerai, pour simplifier, la prévention profonde, qui recouvre le travail sur les marginalisations et sur la radicalisation. Or nous sommes obligés de constater – parce que le fait s’impose à nous, en tant que responsables politiques – que l’état d’urgence comporte des outils utiles de prévention des actes terroristes.
Confrontés à la question de son renouvellement pour les sept mois qui viennent, la réponse que nous devons apporter, c’est, à mon sens, que les conditions légales de ce renouvellement sont réunies et que sa nécessité pour assurer la sécurité des Français est démontrée. D’autant plus dans les circonstances qui seront celles du premier semestre 2017. À cette période, les rendez-vous de la vie démocratique vont se traduire par de nombreuses formes de rassemblements qui seront repérés par les auteurs de préparatifs terroristes et auxquels ils chercheront à s’attaquer. Pensons-nous vraiment qu’il n’y a pas de risque à cet égard ?
L’état d’urgence, je veux y insister, comporte deux outils efficaces de prévention des actes de terrorisme : d’abord, les perquisitions administratives ciblées, qui viennent en soutien de la recherche de renseignement. Peut-être n’était-ce pas vrai au cours des premières semaines, mais les nouvelles perquisitions qui sont actuellement décidées par le renseignement intérieur et par la police le sont évidemment sur la base de renseignements. Les perquisitions administratives ciblées permettent, notamment par l’exploitation des données numériques des intéressés, de confirmer le renseignement disponible et, donc, de détecter des préparatifs terroristes.
Ensuite, l’assignation à résidence, du fait qu’elle limite les contacts entre les personnes repérées comme nourrissant des projets terroristes, permet de soulager les services de renseignement en les dispensant d’une lourde charge de surveillance permanente.
Dans la situation de risque que nous connaissons aujourd'hui, ce sont donc de bons motifs de poursuivre l’application de l’état d’urgence ; elle donne des possibilités de détecter à temps des activités préparatoires au terrorisme. Puisque ce sujet donne lieu à débat entre familles politiques, je veux dire mon sentiment : je ne crois pas que le renoncement à ces outils permettant de prévenir des attaques terroristes dont le risque est élevé contribuerait à une démocratie plus pacifique. Si au contraire nous augmentons, par défaut de surveillance et de prévention, le risque terroriste, je ne crois pas que nous créerons une démocratie apaisée.
Nous allons donc prolonger, c’est vrai, un état juridique par nature temporaire, qui, aux termes d’une analyse purement juridique – cela a été dit par le président Mézard – est effectivement un état d’exception, mais un état d’exception très tempéré.