Intervention de Philippe Bas

Réunion du 15 décembre 2016 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis l’attentat de Charlie Hebdo, la menace terroriste atteint en France un niveau sans précédent depuis la guerre d’Algérie. Avant de songer à sortir de l’état d’urgence, nous devons continuer à nous mobiliser pour sortir du terrorisme.

Le Sénat a pris toute sa part dans le combat contre ce fléau en donnant aux forces de sécurité et à la justice les moyens d’une plus grande efficacité. Je veux à mon tour rendre hommage à leur travail harassant.

Il a été à l’origine d’une grande partie des dispositions législatives qui ont donné des armes supplémentaires à l’État pour endiguer cette menace terroriste, tout en apportant les garanties et en fixant les limites nécessaires au respect de l’État de droit . Ce fut le cas pour la loi sur le renseignement, pour la loi du 3 juin dernier sur la lutte contre la criminalité organisée, qui reprend la principale disposition de la proposition de loi que nous avions adoptée dès le mois de février. Ce fut également le cas pour l’élargissement des pouvoirs de l’État dans le cadre de l’état d’urgence.

Les précédents orateurs et vous-même, monsieur le ministre, avez si bien exprimé l’horreur que nous inspirent les actes criminels qui ont endeuillé nos familles et notre patrie que je n’ose y revenir à mon tour, si ce n’est pour dire qu’aucune religion du Livre ne peut, en aucun cas, jamais, justifier une telle barbarie.

Ce n’est pas contre l’islam que nous luttons, car nous ne sommes pas les apôtres de l’antagonisme irréductible entre civilisations, nous luttons contre une idéologie criminelle et mortifère, inhumaine et même imbécile et contre tous ceux qui s’en réclament. Cette idéologie a un nom, le totalitarisme islamique, qui ne peut en aucun cas s’autoriser de la liberté religieuse.

Naturellement, le mal doit d’abord être combattu à la racine, au Proche-Orient, là où des hordes de soldats armés se sont emparées de villes et de territoires entiers, y sèment la terreur, entraînent des combattants venus du monde entier, prennent le contrôle des richesses et battent monnaie.

La diplomatie française, au cours des dernières années, n’a pas assez subordonné son action à cette exigence primordiale. Ses priorités doivent être profondément revues. Il n’y a pas d’impératif diplomatique supérieur à celui-ci, tout doit s’y rapporter dans nos relations avec les grands pays qui ont un rôle à jouer pour éradiquer le mal absolu qu’est le terrorisme, y compris la Russie, bien sûr.

Le mal prospère aussi sur notre propre territoire, où il a des causes exogènes, mais aussi des causes endogènes. Nous ferions bien de nous inquiéter davantage de celles-ci en forgeant de nouvelles réponses préventives et éducatives.

Toutefois, la dimension de l’action proprement sécuritaire, celle de la police et de la justice, demeure pour longtemps essentielle.

La prolongation de l’état d’urgence s’inscrit dans ce cadre. Elle est conforme à cette exigence. Nous ne pouvons actuellement baisser la garde. D’une part, parce que la menace reste culminante – et les informations qui nous sont données l’attestent –, nous ne pouvons donner aujourd'hui aux Français le signe d’un relâchement de la vigilance des pouvoirs publics, et je veux même dire que nous ne pouvons pas donner à nos concitoyens le signe d’un relâchement de leur propre vigilance, car la sécurité est l’affaire de tous.

De nouveaux moyens sont d’ailleurs donnés à l’État depuis la dernière prorogation de l’état d’urgence, c’est-à-dire la loi du 21 juillet 2016. Ils donnent un regain d’efficacité à l’état d’urgence. Les résultats nous en ont d’ailleurs été présentés par M. le ministre et par notre rapporteur.

J’avais saisi le Gouvernement, voilà quelques semaines, d’une question essentielle, celle de la continuité de l’état d’urgence pendant la période comprise entre l’élection présidentielle et les élections législatives. C’est à mes yeux un devoir d’État de prévoir que l’état d’urgence ne sera pas interrompu par les démissions du Gouvernement consécutives à l’élection présidentielle et aux élections législatives. Le Sénat a obtenu satisfaction sur ce point ; j’en donne acte au Gouvernement.

Par ailleurs, le Conseil d’État a souhaité que le Gouvernement limite, dans son projet de loi, la durée des assignations à résidence. Aux termes de la version initiale du texte, il n’aurait été permis de prolonger les assignations à résidence au-delà de 15 mois que dans le cas où des faits nouveaux le justifieraient. Il nous a semblé – notre rapporteur, Michel Mercier, a très vite pris la mesure de cette question – que cette proposition du Gouvernement ne pouvait être retenue en l’état, car beaucoup de personnes assignées à résidence, sans que des faits nouveaux aient pu être établis à leur encontre, continuent à être dangereuses ; l’assignation à résidence contribue à leur surveillance et à empêcher qu’elles ne passent aux actes. Le Gouvernement nous a entendus et l’Assemblée nationale a adopté une formule, inspirée par notre rapporteur, qui concilie la protection des libertés avec les exigences de la sécurité face au risque terroriste. Je m’en réjouis.

Le moment n’est pas venu de sortir de l’état d’urgence.

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