Intervention de Jean Arthuis

Réunion du 18 novembre 2010 à 11h00
Loi de finances pour 2011 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean ArthuisJean Arthuis, président de la commission des finances :

Madame, monsieur les ministres, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien nous nous réjouissons de vous retrouver au banc du Gouvernement. C’est la marque de l’estime que nous vous portons, et je voudrais former des vœux pour que l’action que vous menez, sans doute l’une des plus délicates et des plus éprouvantes qui soit, porte ses fruits.

J’apprécie à sa juste valeur le message que vous venez d’adresser au pays, depuis cette tribune, en cette fin d’année 2010 : l’essentiel de la crise, la plus dure que nous ayons endurée depuis la Seconde Guerre mondiale, est sans doute aujourd’hui derrière nous ; la France convalescente doit maintenant s’atteler résolument au rétablissement de ses comptes publics, sans compromettre la reprise, mais en s’efforçant de rompre avec trois décennies de laisser-aller et de faux-semblants, d’illusionnisme à crédit, en quelque sorte. Rien n’est donc acquis. Dans un monde ouvert, nous devons rester compétitifs, ce qui suppose, notamment, de ne pas décrocher avec l’Allemagne, notre principal partenaire.

Vaste programme, auquel je ne puis, bien sûr, que souscrire ! Cependant, si l’objectif fait consensus, la méthode proposée m’interpelle et c’est sur ce point que je souhaiterais faire entendre une analyse qui divergera sans doute quelque peu de celle qui a été développée par le Gouvernement.

Le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrit dans la démarche de programmation approuvée par notre assemblée au début du mois, que nos amendements ont d’ailleurs rendue plus opérationnelle. Car c’est à la condition de nous doter de règles de gouvernance des finances publiques véritablement contraignantes que nous pouvons espérer revenir à 6 % de déficit l’an prochain, et à 3 % d’ici à 2013… ou 2014. Vous connaissez notre prudence sur le sujet, même si elle n’exprime aucune divergence de fond avec l’exécutif.

Comment parvient-on à ce résultat ? Le discours que vous tenez se veut clair et sans ambiguïté : l’objectif sera atteint, prioritairement, par la réduction de nos dépenses publiques. Avec un taux rapporté à la richesse nationale largement supérieur à 50 %, nous figurons incontestablement en tête des pays qui souffrent d’une addiction profonde à l’égard de la dépense publique ! Or, je le souligne d’emblée, ce projet de budget n’apparaît pas, c’est le moins que l’on puisse dire, totalement convaincant sur ce point.

S’il ne fallait retenir qu’un seul développement du travail, toujours aussi fouillé et remarquablement précis, du rapporteur général Philippe Marini, ce serait celui-ci : près des deux tiers de l’amélioration du solde du budget de l’État en 2011 résultera d’économies de constatation liées à la non-reconduction des dépenses du plan Campus et aux investissements d’avenir. Le reliquat s’explique, pour une large part, par le contrecoup de la fin du plan de relance et de la réforme de la taxe professionnelle. L’évolution spontanée des recettes, en phase de reprise de l’activité, fait le reste…

Je ne reviens pas sur ces mécanismes, excellemment décrits par Philippe Marini. Les dépenses augmentent de 4, 5 milliards d’euros, il est vrai exclusivement imputables à la charge de la dette et aux pensions.

Certes, les autres dépenses, prises globalement, sont stables en valeur. Mais je veux rappeler ici que les conférences sur le déficit du printemps dernier avaient assigné deux objectifs forts d’économies au budget de l’État : une diminution de 10 % des dépenses d’intervention et de fonctionnement au cours de la période 2011-2013, et une réduction de 5 % dès la première année d’application de la loi de programmation. Avec une contraction de 1 % des interventions de guichet et hors guichet, et de 0, 5% des crédits de titre 3 entre la loi de finances initiale pour 2010 et le projet de loi de finances pour 2011, convenons, madame, monsieur les ministres, que nous sommes loin de l’objectif assigné au printemps !

J’entends bien l’argumentaire du Gouvernement, qui invoque, sur les interventions, 3, 7 milliards d’euros d’économies brutes par rapport à l’évolution tendancielle. Mais le détail de ces économies fait encore défaut. Surtout, Bercy tarde à nous apporter la preuve que vos ministères ont décidé de rompre avec ce qu’il faut bien appeler les « combines », qui permettent d’améliorer la présentation, au détriment du respect de la norme de dépense.

Le rapporteur général les a décrites, en évoquant malicieusement une « charte de débudgétisation ». Je n’en retiendrai qu’une, emblématique, même si la discussion budgétaire devrait en atténuer la portée : l’enveloppe de 340 millions d’euros soustraite à la mission « Ville et logement », grâce à l’extension du champ de la contribution sur les revenus locatifs aux offices d’HLM et aux sociétés d’économie mixte, sous le prétexte fallacieux de mettre en place une péréquation interne aux prestataires du logement social… Les mauvaises habitudes ont décidément « la peau dure » !

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