La commission des finances veut tenir ce langage de vérité. Elle accompagnera – croyez-le bien, madame, monsieur les ministres – le Gouvernement dans son travail de remise en cause des niches fiscales. Elle apporte sa contribution, dans le cadre du présent projet de loi de finances, à la réflexion sur les « nouvelles assiettes », avec les amendements du rapporteur général créant une imposition sur les achats de publicité en ligne et de services de commerce électronique. À cet égard, nous devrons nous interroger sur les nouvelles formes de fraude que facilitent ces nouveaux moyens de communication et d’échanges. La proposition de taxation des résidences secondaires et de tout récepteur de télévision, à raison d’une seule contribution à l’audiovisuel public par résidence et quel que soit le nombre de récepteurs, va dans le même sens.
Mais notre réflexion doit aller plus loin. Je parlais à l’instant d’efficacité économique et de justice. Traduit en termes simples, cela veut dire TVA sociale – que je veux bien nommer « TVA anti-délocalisation » –, cela veut dire aussi suppression du bouclier fiscal !
La TVA anti-délocalisation, pourquoi et comment ? Parce que dans une économie mondialisée, tout impôt supplémentaire portant sur les facteurs de production – j’y insiste – organise méthodiquement les délocalisations d’activité et d’emploi. Les ressources provenant des cotisations sociales doivent donc être remplacées par un impôt de consommation, qui mettra enfin sur un pied d’égalité les importations et les produits nationaux.
Madame la ministre, vous soulignez l’importance de la consommation, mais c’est bien souvent l’activation des importations. Par conséquent, la justice, c’est de faire supporter le financement de la protection sociale, à laquelle nous prétendons, par tous ceux qui consomment. Car ceux qui ne consommeraient que des produits venant de l’étranger ne participeraient pas au financement de leur protection sociale.
Je répète ici ma conviction que cet impôt nous permettrait de faire l’économie du coûteux crédit d’impôt recherche, qui, je persiste à le penser, n’empêche pas certaines délocalisations. Madame, monsieur les ministres, le crédit d’impôt recherche finance aussi des travaux de recherche conduits en Europe centrale. Trop de témoignages prouvent qu’une partie non négligeable des travaux de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt recherche ne sont pas réalisés en France. L’allégement des charges sociales sur les salaires des chercheurs serait, convenons-en, une solution plus satisfaisante.
Mais il n’est pas possible d’en rester là. Le pendant de l’objectif de compétitivité, je le disais à l’instant, c’est aussi celui de justice. La fiscalité ne doit pas seulement être efficace, elle doit aussi être lisible et équitable, pour être acceptable et acceptée par tous.
Depuis deux ans, la commission des finances fixe donc le même rendez-vous au Gouvernement : celui du bouclier fiscal, qui demeure une mauvaise réponse apportée à un problème réel. La crise a rendu caduc cet instrument et la Commission européenne vient, je le crois, de lui porter le « coup de grâce » en contestant sa conformité au droit communautaire. Mettre en œuvre les prescriptions de Bruxelles contraindrait l’administration française à rembourser au contribuable le montant d’impôts acquittés à l’étranger, ce qui finirait de légitimer le procès en iniquité dressé contre le « bouclier ». Le mécanisme, convenons-en, est « à bout de souffle » ! Je vous le disais lors du débat sur le projet de loi de programmation : le temps des « rafistolages » est maintenant terminé !
Je me réjouis donc des inflexions entendues ces dernières semaines, notamment dans les propos du Président de la République, sur des évolutions possibles, pour ne pas dire souhaitables. Mais il faudra aller jusqu’au bout !
Le Sénat connaît nos propositions sur le « triptyque », devenu entre-temps la « tétralogie » : suppression de l’ISF et du bouclier fiscal – puisque le bouclier fiscal n’est que la très mauvaise réponse à ce très mauvais impôt qu’est l’ISF –, institution d’une nouvelle tranche d’imposition à l’impôt sur le revenu – qui est un revenu du patrimoine lorsqu’il excède un certain niveau ; le revenu du travail a des limites : vient un moment où c’est la notoriété, la célébrité, oserais-je dire « l’actif incorporel » du bénéficiaire ; c’est donc un revenu du patrimoine et non plus seulement un revenu du travail – et hausse du barème d’imposition des plus-values mobilières et immobilières. Je pense également qu’une réflexion sur l’imposition des successions – j’y insiste – devrait utilement compléter ce tableau, afin notamment de contribuer au financement de la dépendance.
Le précédent gouvernement nous avait confirmé qu’il souhaitait organiser un débat approfondi sur le sujet au premier semestre de l’année prochaine. Je pense, pour ma part, que ce débat peut débuter dès maintenant. Pourquoi devrions-nous l’ajourner encore une fois, avec le risque de reporter d’un an la mise en œuvre de ces dispositions ?
Ma conclusion, voilà un an, en prologue à l’examen du projet de loi de finances pour 2010, était un appel à refonder le pacte républicain sur l’impôt pour permettre à la France de sortir de la crise plus compétitive, plus dynamique et plus solidaire. Je serais tenté de reprendre la même formulation et de souligner l’urgence qui s’attache aujourd’hui à apporter les réponses à la hauteur des défis que nous devons affronter.
Le projet de budget pour 2011, an I de la nouvelle programmation triennale, est un premier pas. À nous de le guider dans la bonne direction !