Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir en urgence a des origines anciennes puisqu’il trouve sa source dans le contentieux relatif aux retenues sur les organismes de placement collectif en valeurs mobilières, les OPCVM.
Cette retenue était appliquée depuis 1979. Pourtant, en mai 2012 – après plusieurs alertes jurisprudentielles qui pouvaient laisser présager cette décision –, la Cour de justice de l’Union européenne retoquait déjà cette taxe en considérant qu’en s’appliquant aux non-résidents, elle était contraire au principe de liberté de circulation des capitaux.
À l’époque, le coût de ce contentieux était estimé à 5 milliards d’euros par la Cour des comptes. Son coût final sera plutôt réévalué à 6, 5 milliards d’euros.
Une solution de compensation a donc été préparée par les services du ministère de l’économie et des finances à l’automne 2012. L’idée était de mettre en place une contribution de 3 % sur les dividendes, qui présentait également l’avantage d’inciter les entreprises à réinvestir leurs bénéfices plutôt que de les distribuer à leurs actionnaires.
Le texte, discuté rapidement, a été adopté sans que la question de la compatibilité européenne du dispositif ne soit évoquée.
Comme le rappelle le rapporteur général de l’Assemblée nationale, « si la contrariété avec la directive mère-fille apparaît aujourd’hui manifeste, […] cette contrariété n’était pas évidente à l’époque et les évocations d’un doute quant à la compatibilité européenne du dispositif adopté relevaient plus d’une interprétation prospective du droit alors en vigueur que d’une certitude assise sur des précédents juridiques ». Bref, toutes les analyses étaient rassurantes.
À l’époque, le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de la constitutionnalité de la contribution de 3 %.
Pourtant, par la suite, cette taxe a subi le revers juridique que l’on sait et le Conseil a censuré l’intégralité du dispositif, avec un effet immédiat.
À l’issue de cet ultime épisode, le Gouvernement – en urgence, comme il y a cinq ans – est aujourd’hui amené à rechercher une autre forme de recettes, laquelle, nous l’espérons, passera sans encombre sous la possible censure du Conseil constitutionnel, à court, comme à long terme.
Il serait en effet dommageable, monsieur le ministre, au bout du compte, de considérer comme un scandale d’État une action que vous auriez vous-même engagée. D’ailleurs, dans le même ordre d’idée, la réforme de la taxe d’habitation que vous proposez a de bonnes chances, nous le savons tous, d’être invalidée si le Conseil constitutionnel en est saisi. Pour parer cette éventualité, le Premier ministre évoque lui-même, dès aujourd’hui, une réforme globale de la fiscalité locale.
Là encore, si le Conseil venait à se prononcer en votre défaveur, aimeriez-vous, monsieur le ministre, que votre action soit demain qualifiée d’amateurisme juridique ?
En tout état de cause, puisque vous avez saisi l’Inspection générale des finances, c’est avec intérêt que nous lirons les conclusions du rapport à venir et les responsabilités qu’il relèvera.
Sur le fond, vous nous proposez de remplacer une taxe sur les dividendes par une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés. Sous la réserve préalable de sa constitutionnalité, nous ne nous opposerons pas à cette proposition, même s’il est clair que les entreprises concernées ne seront pas exactement les mêmes que celles qui étaient initialement contributrices à la taxe sur les dividendes.
En effet, la situation a ceci de paradoxal que les entreprises qui ont le moins redistribué de dividendes et qui ont donc été les moins touchées par la taxe précédente seront les plus grandes perdantes de la contribution proposée.
Nous regrettons également de ne pas avoir une vue plus complète sur les entreprises gagnantes et perdantes de cette contribution à l’impôt sur les sociétés. Vous vous êtes engagé à donner quelques éléments.
Un point a fait tout particulièrement débat, celui des groupes mutualistes. Ceux-ci n’étaient pas soumis à cette taxe puisqu’ils ne distribuaient pas de dividendes, mais ils deviennent contributeurs à la nouvelle taxe pour un montant très important : 1, 2 milliard d’euros devront ainsi être acquittés par trois groupes bancaires mutualistes.
Vous avez fait part devant les députés, monsieur le ministre, de votre volonté de trouver une solution à ce dossier. Nous avons déposé un amendement pour vous interroger en ce sens.