Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 24 janvier 2018 à 21h30
Renforcement du dialogue social — Article 9

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

La déclaration et la mesure de l’exposition aux risques chimiques constituaient un progrès du précédent quinquennat, notamment parce qu’elles devaient contribuer à la prévention des maladies contractées au travail qui tuent régulièrement et ne font que rarement et faiblement l’objet de reconnaissance au titre des maladies professionnelles.

Je vais me contenter d’évoquer les problèmes posés par le suivi lacunaire des expositions professionnelles aux pesticides.

Dans son rapport sur le sujet publié en 2016, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, indiquait que plus d’un million de personnes sont exposées en France aux pesticides dans le cadre de leur profession. L’Agence soulignait que de nombreuses études épidémiologiques mettaient en évidence une association entre les expositions aux pesticides et certaines pathologies chroniques. Elle citait notamment certains cancers – prostate, tumeurs cérébrales, cancers cutanés… –, des maladies neurologiques – Parkinson, Alzheimer… – et des troubles de la reproduction et du développement.

En 2012, la mission d’information sénatoriale sur les pesticides, dont j’étais la rapporteur, constatait, quant à elle, que le système français de reconnaissance des maladies professionnelles en agriculture conduisait à la sous-déclaration et à la sous-reconnaissance massive des pathologies liées à l’exposition aux pesticides.

Quelle est la cause essentielle de cette situation ?

Pour les personnes malades, la documentation insuffisante de leur exposition transforme le plus souvent le processus de reconnaissance de la maladie professionnelle en parcours du combattant.

Hormis pour deux pathologies inscrites au tableau des maladies professionnelles et pour lesquelles les malades bénéficient d’une présomption de causalité, ceux-ci se doivent de reconstituer eux-mêmes des listes d’exposition, en allant à la recherche des carnets de commandes, des factures, des vieilles étiquettes ou des bidons.

Cette démarche est compliquée par l’existence d’un important temps de latence, pouvant atteindre deux à trois décennies, entre le moment de l’exposition et celui de la survenue des premiers symptômes de la maladie.

Or, sans succès dans ces reconstitutions ardues et parfois impossibles, la démonstration du lien entre la maladie et la profession est d’emblée condamnée.

Du côté des instances chargées d’indemniser les personnes atteintes de maladies professionnelles et accidentées du travail, l’insuffisante documentation des expositions aux pesticides entretient la faiblesse des données épidémiologiques, ainsi que des lacunes dans la connaissance scientifique et médicale des effets sur la santé de ces expositions. Ce manque de connaissances entretient la lenteur de l’actualisation des tableaux des maladies professionnelles et celle de la mise en œuvre de mesures de protection sanitaire.

Un tel rappel est utile, au moment où le Gouvernement supprime du compte pénibilité les risques chimiques, parmi d’autres facteurs de risques professionnels. Je tenais à faire ce rappel.

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