Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 31 janvier 2018 à 21h30
Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner une proposition de loi émanant du président Bruno Retailleau et de ses collègues et visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public.

Aujourd’hui, les propriétaires fonciers qui laissent libre accès à leur domaine, sans toutefois l’autoriser, peuvent engager leur responsabilité extracontractuelle dans les conditions de droit commun, dans l’hypothèse où des sportifs ou des promeneurs viendraient à se blesser sur leur terrain. Leur responsabilité peut ainsi être recherchée sur le fondement de l’article 1242 du code civil, relatif au régime de responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde.

Il résulte, à ce titre, d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le gardien est celui qui en a l’usage, le contrôle et la direction au moment du fait dommageable, et que le propriétaire est présumé gardien. La seule manière alors pour ce dernier de s’exonérer totalement de sa responsabilité est de prouver un cas de force majeure, ou, à tout le moins, de s’en exonérer partiellement en démontrant que la victime a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son dommage.

Il existe actuellement une exception à ce principe général de responsabilité civile à l’article L. 365-1 du code de l’environnement, lequel prévoit un régime dérogatoire de responsabilité civile des propriétaires ou gestionnaires de certains types d’espaces, tels que les parcs nationaux ou les réserves naturelles.

Rappelons pour mémoire qu’un article L. 160-7 alinéa 4 du code de l’urbanisme, abrogé depuis lors par une ordonnance du 23 octobre 2015, prévoyait que la responsabilité civile des propriétaires des terrains, voies et chemins grevés par les servitudes de passage des piétons sur le littoral, définies aux articles L. 160-6 et L. 160-6-1 du même code, ne pouvait être engagée au titre des dommages causés ou subis par les bénéficiaires de ces servitudes.

En tout état de cause, cet aménagement de la responsabilité des propriétaires étant limité, il est actuellement recommandé aux propriétaires de souscrire une assurance de responsabilité civile pour leur éviter de supporter les conséquences dommageables en cas de préjudice.

Poursuivant un objectif louable, celui de favoriser le développement des sports et activités de nature qui représentent un attrait touristique majeur pour de nombreuses collectivités territoriales, la proposition de loi prévoyait initialement dans un article unique d’étendre l’exception prévue à l’article L. 365-1 du code de l’environnement aux propriétaires et gestionnaires de sites naturels pour les dommages causés ou subis à l’occasion de la circulation du public ou de la pratique d’activités de loisir ou de sports de nature.

La commission des lois a souhaité retenir une autre rédaction et exclure la mise en cause au titre de leur responsabilité sans faute, fondée sur le premier alinéa de l’actuel article 1242 du code civil, de ces propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public et dans lesquels s’exercent les sports de nature ou les activités de loisir, en cas de dommages subis par leurs pratiquants.

La commission a préféré l’application du régime de la responsabilité pour faute. Il a également été décidé d’introduire ce dispositif dans le code du sport.

Si le groupe La République En Marche reconnaît l’intérêt évident d’une telle proposition, nous pensons néanmoins que son insertion dans un processus plus global de réforme de l’ensemble des règles régissant la responsabilité civile, portée prochainement par Mme la garde des sceaux, aurait plus de sens.

Aussi, et parce que vous le reconnaissez vous-même monsieur le rapporteur, ce contentieux est peu abondant, en attendant le jugement en appel, voire en cassation, du cas d’espèce ayant motivé la proposition de loi, nous choisissons de réserver notre position.

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