Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires économiques, je voudrais tout d’abord saluer le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, ainsi que les rapporteurs, pour le travail qu’ils ont réalisé, notamment eu égard au contexte dans lequel ils ont travaillé. En effet, la commission des affaires européennes a voté cette proposition de résolution européenne le 18 janvier dernier ; depuis lors, les choses se sont accélérées.
Je me félicite, comme tous ici, que le Parlement puisse débattre, pour la première fois, de telles négociations. La France doit s’exprimer. La France doit faire entendre sa voix sur des sujets d’une telle importance, avant que l’Europe ne s’en empare.
Toutefois, on ne peut que souligner le complet décalage qui existe entre le texte que nous avons adopté le 18 janvier et les événements qui ont suivi : l’Europe se retire de plus en plus, dans tous les domaines, et se prive de filets de sécurité ; un projet de texte issu des États généraux de l’alimentation impose de nouvelles contraintes aux producteurs nationaux ; enfin, encore plus récemment, la France ne s’est pas clairement positionnée sur les craintes que suscite le projet de révision de la politique agricole commune – certains scénarios évoquent une baisse de plus de 15 % de ce budget.
Parallèlement, l’Australie et la Nouvelle-Zélande affichent clairement leur ambition. Celle de l’Australie est très libérale, même si elle n’hésite pas à augmenter son soutien aux agriculteurs de 14 % en matière de contraintes environnementales. La Nouvelle-Zélande, quant à elle, annonce une augmentation de plus de 55 % de ses exportations de produits laitiers d’ici à 2025.
Comme l’ont souligné Jean Bizet et Anne-Marie Bertrand, on ne peut discuter de ces négociations en faisant abstraction du contexte international. Il faut tenir compte des accords du CETA et des discussions en cours avec le Mercosur pour bien appréhender les négociations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, notamment pour ce qui concerne les filières bovine et ovine.
Les coûts de production sont une autre illustration du décalage que j’évoquais voilà quelques instants. La France et l’Union européenne doivent prendre leurs responsabilités : en Australie, les coûts de production peuvent être inférieurs de 70 % aux nôtres dans certains secteurs.
J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, trouver une cohérence entre les discours tenus par le Président de la République respectivement à Rungis et à la Sorbonne. Entre l’affirmation d’une ambition européenne et l’affichage d’une politique française, la contradiction est totale avec les négociations en cours sur les accords de libre-échange.
On ne peut demander toujours plus de normes à nos producteurs et ouvrir plus largement nos frontières à des produits qui ne respectent pas les contraintes que nous nous imposons.
La France et l’Europe doivent affirmer leur ambition, comme le font la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Il n’est pas question de nous refermer sur nous-mêmes : les travaux de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes, comme l’a rappelé le président Bizet, s’inscrivent dans la transparence, dans l’équilibre, dans la réciprocité et dans l’exigence normative.
Respecter nos choix est une nécessité. On ne peut avoir des exigences normatives toujours plus élevées pour nos paysans et nous plaindre de nous retrouver en situation de distorsion.
Il s’agit aujourd’hui d’une première : le Parlement est associé au débat sur les négociations en cours. À un an des élections européennes, vouloir retrouver une envie d’Europe et de partage, vouloir recréer une ambition européenne peut avoir du sens.
Toutefois, il y a là aussi un défi, monsieur le secrétaire d’État : il appartient maintenant à la France d’être claire, d’afficher ses ambitions européennes et agricoles et d’assurer la cohérence entre cette envie et la capacité de nos territoires à la supporter.