Intervention de Alain Richard

Réunion du 7 mars 2018 à 14h30
Qualité des études d'impact des projets de loi — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Alain RichardAlain Richard :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous revenons, à l’occasion de l’examen de cette proposition de loi organique, sur l’étude d’impact préalable au dépôt d’un projet de loi prévue dans la réforme constitutionnelle de 2008. Cette disposition a constitué, aux yeux du groupe auquel j’appartiens, un excellent apport pour notre système de construction de la loi issu de cette réforme et de la loi organique qui a suivi, le 15 avril 2009.

L’expérience du recours à ces études d’impact est donc désormais menée depuis sept ans. Il n’est pas injustifié de s’y pencher et de la confronter à un certain nombre d’exigences supplémentaires de qualité ou de précision.

Le moment est opportun pour constater que cette mesure a constitué, en soi, un progrès. La masse des informations qui figurent dans les études d’impact est d’ores et déjà tout à fait considérable et offre des outils d’analyse utiles au législateur pour approfondir l’objet du texte et notre projet, pluraliste, visant à perfectionner et à compléter la loi.

Observons simplement que, comme à chaque fois qu’il est question de présentation d’informations ou de données, le caractère pléthorique du contenu de l’étude d’impact a une conséquence négative : plus la masse d’informations est lourde, plus l’information réellement pertinente risque d’être difficile à appréhender.

Oserais-je dire que le temps consacré par un parlementaire moyen à la lecture de l’étude d’impact, qui représente souvent des centaines de pages, avant qu’il ne se prononce sur le projet de loi, n’est pas toujours à la hauteur du contenu qui y figure ?

La proposition de loi organique part d’une bonne intention : il y a un outil, qui est déjà très important, mais il convient de le perfectionner. Ce texte relève d’objectifs qui peuvent être salués. Je prendrai toutefois la liberté de souligner le caractère quelque peu superfétatoire de certaines mentions, lesquelles ne sont en réalité que des commentaires de ce qui figure déjà dans la loi organique de 2009.

J’en prendrai deux exemples.

Premièrement, la proposition de loi organique demande que figurent dans l’étude d’impact « les conséquences du projet de loi pour les entreprises et les collectivités ». Or le texte en vigueur dispose qu’il faut évaluer les conséquences « sur chaque catégorie d’administration publique », ce qui englobe clairement les collectivités, et « sur chaque catégorie de personnes physiques et morales intéressées », ce qui comprend évidemment les entreprises.

Deuxièmement, la proposition de loi organique prévoit qu’il soit procédé à « l’analyse des moyens nécessaires à la mise en œuvre des dispositions envisagées ». Or le texte en vigueur dispose qu’il faut « évaluer les conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public ».

Il est donc possible d’objecter que cette proposition de loi est quelque peu inflationniste.

L’une des innovations du présent texte mérite débat. Il s’agit de l’obligation de faire réaliser une partie de l’étude d’impact – l’évaluation des conséquences – par des organismes extérieurs à l’État. Ce choix me paraît fort discutable et peu motivé.

Cette possibilité existe d’ores et déjà aujourd’hui : le Gouvernement, auteur et responsable politiquement du projet de loi, peut tout à fait demander à tel ou tel organisme indépendant, y compris au sein de l’État – nous avons évoqué l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE –, de porter sa propre appréciation et d’apporter sa contribution à l’analyse des conséquences anticipées du projet de loi.

Faire de cette possibilité une obligation me paraît être un saut dans l’inconnu, et surtout une remise en cause – M. le secrétaire d’État y faisait allusion précédemment. En effet, l’étude d’impact fait partie du projet de loi en tant qu’elle est l’un des éléments du texte soumis au Parlement, lequel relève de la responsabilité entière du Gouvernement.

Il est donc contradictoire d’envisager qu’une partie du projet de loi puisse ne pas émaner du Gouvernement. En outre, cela participe d’une forme de suspicion : lorsqu’il s’agit d’analyser les conséquences d’un texte, l’honnêteté et la rigueur intellectuelles d’un organisme extérieur seraient supérieures à celles du service public…

J’ajoute qu’il existe d’ores et déjà des moyens de critiquer la qualité de l’étude d’impact.

L’un est informel et non obligatoire, c’est le contrôle du Conseil d’État. Notre collègue Daniel Gremillet a fait justement remarquer que le Conseil d’État exerçait une surveillance vigilante de la qualité des études d’impact et alertait le Gouvernement sur leur caractère parfois insuffisant.

L’autre moyen est le pouvoir souverain reconnu au Parlement, via la conférence des présidents, de refuser d’inscrire un texte à l’ordre du jour, ou de demander que l’étude d’impact soit complétée, à condition qu’une majorité se dégage au sein de la conférence des présidents pour procéder à cette demande.

Je vois dans ce texte, en revanche, des dispositions utiles.

Je citerai celle que Jean-Pierre Sueur a rappelée, et que j’avais préconisée voilà quelques années : l’avis du CNEN devrait figurer, par nature, dans l’étude d’impact.

Il y a aussi le délai supplémentaire accordé à la conférence des présidents, dans le cas où elle opposerait une objection à l’étude d’impact, pour que celle-ci soit vérifiée, contre-expertisée, afin d’être soumise ensuite au Conseil constitutionnel.

Cette proposition de loi organique comprend donc des éléments préparatoires à un débat utile sur les études d’impact, mais elle est à plusieurs égards soit exagérément complexe, soit prématurée. Il me semble qu’il serait beaucoup plus simple d’attendre les modifications qu’apportera la réforme constitutionnelle, lesquelles viseront certainement à parfaire la qualité de la législation et donneront lieu à un complément de la loi organique. Je préférerais donc que l’on reporte l’examen de ce texte à plus tard.

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