Je reviens dans cette maison avec une certaine émotion. J'aborde cette audition avec beaucoup d'humilité et en souhaitant que vos questions me permettent de vous éclairer autant que possible.
Je vais vous exposer quelles seraient mes priorités si j'étais désigné président du conseil d'administration de l'Afitf. Lors de sa naissance, les dividendes des sociétés d'autoroutes étaient la principale recette de l'Afitf. Quelques mois après sa création, la vente des autoroutes a entraîné une première difficulté puisque qu'une ressource pérenne venait à disparaître alors que l'objectif visé par le sénateur Oudin à l'époque était de disposer d'une agence finançant de façon pluriannuelle les infrastructures, afin de sortir de la vision budgétaire annuelle. Des agences de ce type existent dans plusieurs pays d'Europe, notamment au Danemark, en Suède, en Allemagne et en Angleterre. Dans certains cas, elles sont uniquement modales et dans d'autres, comme en France, intermodales.
Grâce à la loi relative au Grenelle de l'environnement, l'agence s'est préoccupé de modes de transports moins émetteurs de gaz à effet de serre. Mais elle a souffert de la baisse de ses recettes tandis que le Grenelle posait le principe de la diversification des infrastructures de transport, y compris le lancement simultané de quatre lignes à grande vitesse (LGV). L'écotaxe, qui devait assurer des ressources durables, a été abandonnée. Dans le même temps, de nouvelles dépenses ont été mises à la charge de l'Afitf, notamment le remplacement des trains d'équilibre territoriaux pour un montant de 3,5 milliards d'ici à 2025.
La hausse, de deux centimes pour les particuliers, et de quatre centimes pour les poids lourds, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) décidée par Mme Royal a permis d'apporter une ressource, mais qui reste insuffisante, comme vous l'avez rappelé, monsieur le Président. Jusqu'en 2014, les ressources de l'Afitf étaient inférieures à 2 milliards et les restes à payer avaient dépassé 15 milliards. Ces restes sont aujourd'hui aux alentours de 12 milliards et la recette pour 2018 devrait s'établir à 2,5 milliards, correspondant à l'équilibre défini par le schéma national des infrastructures de transport en 2014. Ces 2,5 milliards se ventilent en plusieurs parts et toutes les recettes proviennent de la route : 500 millions au titre des amendes issues des radars automatiques, 1,1 milliard au titre de la TICPE et 900 millions qui proviennent des sociétés d'autoroute avec la taxe d'aménagement du territoire, la redevance domaniale et la contribution volontaire, actée en avril 2015, dont le montant s'élève à une centaine de millions.
Pour autant, le rapport de M. Philippe Duron a dessiné les pistes autour desquelles les arbitrages politiques devraient être rendus. Avec 2,5 milliards de recettes, nous sommes dans l'hypothèse du scénario 1 qui interdit tout projet nouveau et qui ne permet même pas la régénération des réseaux ferroviaires et routiers. Le scénario 2 suppose des recettes à hauteur de 3 milliards, l'objectif étant de parvenir à 60 milliards sur 20 ans. Je n'évoque même pas le scénario 3 dont le coût s'élève à 80 milliards sur la même durée.
La période actuelle permettra de clarifier la situation, avec l'annonce d'un projet de loi d'orientation sur les mobilités et d'un projet de loi de programmation qui définiront les priorités pour les prochaines grandes infrastructures. Il reste néanmoins un delta de 500 millions à trouver. Je tiens à vous rappeler que je ne postule ni au ministère des transports, ni à Bercy. Au-delà des critiques de la Cour des comptes, les crises successives ont permis à l'agence de démontrer sa résilience et sa capacité à s'adapter.
J'aimerais pouvoir me concentrer sur trois chantiers prioritaires. D'abord, celui de la viabilité financière. Le cadre en sera fourni par les deux lois que vous voterez dans les prochains mois. Les choix politiques et les moyens dévolus à l'Afitf pourront ainsi être mis en adéquation.
La transparence sera mon deuxième chantier. Des progrès ont été réalisés ces dernières années, avec la publication d'un rapport annuel d'activité et avec la création d'un site Internet. Il reste des progrès à réaliser, notamment du fait que le conseil d'administration compte aujourd'hui un député mais pas de sénateur. La loi organique du 15 septembre 2017 sur la confiance dans la vie politique prévoit qu'un parlementaire ne peut siéger dans une institution ou un organisme extérieur sans y être habilité par la loi. La composition du conseil d'administration de l'Afitf étant régie par un décret, le président Larcher n'a pas nommé de sénateur. Dans la cadre de la loi d'orientation sur les mobilités, un article devrait rétablir la parité : il serait paradoxal qu'il n'y ait pas un contrôle parlementaire des deux assemblées compte tenu des enjeux de transparence. En outre, je souhaite qu'un contrat d'objectif et de performance (COP) ou un contrat d'objectif et de moyens (COM) soit signé entre le Gouvernement et l'Afitf. C'est d'ailleurs ce que la Cour des comptes réclame et cela va dans le sens de la circulaire de mars 2010 du Premier ministre.
Enfin, dernier chantier, l'agence se doit d'être performante et efficace. Pour ce faire, elle doit améliorer ses pratiques. Un « benchmark » avec les autres agences de financement européennes permettra de gagner en efficacité.
Merci pour votre attention.