Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

Réunion du 27 mars 2018 à 18h00

Résumé de la réunion

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  • AFITF
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous auditionnons M. Christophe Béchu, candidat proposé à la présidence de l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf).

En application du 5ème alinéa de l'article 13 de la Constitution, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes des deux assemblées, ces auditions sont publiques et sont suivies d'un vote.

À l'issue de cette audition, je demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous puissions procéder au vote qui se déroulera à bulletin secret. Le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'Assemblée nationale procédant à l'audition de M. Béchu demain matin, nous ne pourrons donc dépouiller ce scrutin que demain en fin de matinée.

En application de l'article 13 de la Constitution, il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins 3/5ème des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Monsieur Béchu, permettez-moi tout d'abord de vous souhaiter la bienvenue dans cette maison que vous connaissez puisque vous avez été sénateur de 2011 à 2017. Au sein de notre assemblée, vous siégiez à la commission des lois et à la commission des affaires européennes. Préalablement, vous aviez exercé de nombreux mandats. Conseiller municipal puis conseiller général, avant de devenir, de 2004 à 2014, président du conseil général du Maine-et-Loire. Vous avez également été député européen de 2009 à 2011. Depuis 2014, vous êtes maire d'Anger et président de la communauté urbaine d'Angers Loire Métropole. Il y a quelques mois, vous avez fait le choix douloureux de conserver vos mandats locaux au détriment de votre mandat national.

L'Afitf est chargée depuis 2005 de financer pour le compte de l'État les grands projets d'infrastructures de transports, mais aussi la part de l'État dans les contrats de plan État-régions (CPER), et d'assurer les investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux.

La soutenabilité financière de l'Afitf est un sujet de préoccupation, notamment du fait du renoncement à la création de l'écotaxe. La Cour des comptes a récemment dénoncé l'absence d'équilibre entre ses recettes et ses dépenses et l'accumulation de restes à payer.

Vous nous présenterez votre candidature, ce qui la motive et la façon dont vous envisagez de diriger cette structure. Ensuite, nous donnerons la parole à deux sénateurs que nous avons désignés comme rapporteurs sur la proposition de nomination du président de la République avant que les collègues qui le souhaitent puissent vous interroger à leur tour.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je reviens dans cette maison avec une certaine émotion. J'aborde cette audition avec beaucoup d'humilité et en souhaitant que vos questions me permettent de vous éclairer autant que possible.

Je vais vous exposer quelles seraient mes priorités si j'étais désigné président du conseil d'administration de l'Afitf. Lors de sa naissance, les dividendes des sociétés d'autoroutes étaient la principale recette de l'Afitf. Quelques mois après sa création, la vente des autoroutes a entraîné une première difficulté puisque qu'une ressource pérenne venait à disparaître alors que l'objectif visé par le sénateur Oudin à l'époque était de disposer d'une agence finançant de façon pluriannuelle les infrastructures, afin de sortir de la vision budgétaire annuelle. Des agences de ce type existent dans plusieurs pays d'Europe, notamment au Danemark, en Suède, en Allemagne et en Angleterre. Dans certains cas, elles sont uniquement modales et dans d'autres, comme en France, intermodales.

Grâce à la loi relative au Grenelle de l'environnement, l'agence s'est préoccupé de modes de transports moins émetteurs de gaz à effet de serre. Mais elle a souffert de la baisse de ses recettes tandis que le Grenelle posait le principe de la diversification des infrastructures de transport, y compris le lancement simultané de quatre lignes à grande vitesse (LGV). L'écotaxe, qui devait assurer des ressources durables, a été abandonnée. Dans le même temps, de nouvelles dépenses ont été mises à la charge de l'Afitf, notamment le remplacement des trains d'équilibre territoriaux pour un montant de 3,5 milliards d'ici à 2025.

La hausse, de deux centimes pour les particuliers, et de quatre centimes pour les poids lourds, de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) décidée par Mme Royal a permis d'apporter une ressource, mais qui reste insuffisante, comme vous l'avez rappelé, monsieur le Président. Jusqu'en 2014, les ressources de l'Afitf étaient inférieures à 2 milliards et les restes à payer avaient dépassé 15 milliards. Ces restes sont aujourd'hui aux alentours de 12 milliards et la recette pour 2018 devrait s'établir à 2,5 milliards, correspondant à l'équilibre défini par le schéma national des infrastructures de transport en 2014. Ces 2,5 milliards se ventilent en plusieurs parts et toutes les recettes proviennent de la route : 500 millions au titre des amendes issues des radars automatiques, 1,1 milliard au titre de la TICPE et 900 millions qui proviennent des sociétés d'autoroute avec la taxe d'aménagement du territoire, la redevance domaniale et la contribution volontaire, actée en avril 2015, dont le montant s'élève à une centaine de millions.

Pour autant, le rapport de M. Philippe Duron a dessiné les pistes autour desquelles les arbitrages politiques devraient être rendus. Avec 2,5 milliards de recettes, nous sommes dans l'hypothèse du scénario 1 qui interdit tout projet nouveau et qui ne permet même pas la régénération des réseaux ferroviaires et routiers. Le scénario 2 suppose des recettes à hauteur de 3 milliards, l'objectif étant de parvenir à 60 milliards sur 20 ans. Je n'évoque même pas le scénario 3 dont le coût s'élève à 80 milliards sur la même durée.

La période actuelle permettra de clarifier la situation, avec l'annonce d'un projet de loi d'orientation sur les mobilités et d'un projet de loi de programmation qui définiront les priorités pour les prochaines grandes infrastructures. Il reste néanmoins un delta de 500 millions à trouver. Je tiens à vous rappeler que je ne postule ni au ministère des transports, ni à Bercy. Au-delà des critiques de la Cour des comptes, les crises successives ont permis à l'agence de démontrer sa résilience et sa capacité à s'adapter.

J'aimerais pouvoir me concentrer sur trois chantiers prioritaires. D'abord, celui de la viabilité financière. Le cadre en sera fourni par les deux lois que vous voterez dans les prochains mois. Les choix politiques et les moyens dévolus à l'Afitf pourront ainsi être mis en adéquation.

La transparence sera mon deuxième chantier. Des progrès ont été réalisés ces dernières années, avec la publication d'un rapport annuel d'activité et avec la création d'un site Internet. Il reste des progrès à réaliser, notamment du fait que le conseil d'administration compte aujourd'hui un député mais pas de sénateur. La loi organique du 15 septembre 2017 sur la confiance dans la vie politique prévoit qu'un parlementaire ne peut siéger dans une institution ou un organisme extérieur sans y être habilité par la loi. La composition du conseil d'administration de l'Afitf étant régie par un décret, le président Larcher n'a pas nommé de sénateur. Dans la cadre de la loi d'orientation sur les mobilités, un article devrait rétablir la parité : il serait paradoxal qu'il n'y ait pas un contrôle parlementaire des deux assemblées compte tenu des enjeux de transparence. En outre, je souhaite qu'un contrat d'objectif et de performance (COP) ou un contrat d'objectif et de moyens (COM) soit signé entre le Gouvernement et l'Afitf. C'est d'ailleurs ce que la Cour des comptes réclame et cela va dans le sens de la circulaire de mars 2010 du Premier ministre.

Enfin, dernier chantier, l'agence se doit d'être performante et efficace. Pour ce faire, elle doit améliorer ses pratiques. Un « benchmark » avec les autres agences de financement européennes permettra de gagner en efficacité.

Merci pour votre attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Nous nous réjouissons que d'anciens sénateurs puissent accéder à des fonctions importantes. La succession s'avère difficile, car Philippe Duron, votre prédécesseur, avait une compétence reconnue sur les infrastructures de transport. Vous n'avez pas de prédispositions particulières sur les transports, puisque vous avez siégé à la commission des lois. Mais vous venez de nous prouver que vous apprenez vite, et nous nous en réjouissons. Comment concilierez-vous vos fonctions de maire d'Anger et de président de la communauté urbaine d'Anger avec cette présidence importante ?

Votre prédécesseur affirmait régulièrement qu'un budget de 3 milliards serait nécessaire pour mener à bien tous les chantiers. Comment y parvenir ?

À chaque fois que le Sénat examine le budget consacré aux infrastructures, il n'a pas connaissance du budget de l'Afitf qui est établi en décembre, après le vote du budget. Nous dénonçons année après année ce manque de transparence mais nous n'arrivons pas à inverser le mouvement : la Cour des comptes s'en est d'ailleurs émue. J'espère que vous résoudrez cette difficulté car il faut que le Sénat, défenseur des territoires, ait une parfaite connaissance des budgets dévolus aux infrastructures.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Les sujets de transports ne sont pas ceux que je connais le mieux. Mais lorsque je suis devenu président de département, je vous avoue que mes connaissances relatives aux affaires sociales étaient sans doute encore inférieures. Je travaille et je prendrai cette responsabilité à coeur, sachant que j'ai beaucoup à apprendre. Mais toute une partie de mon parcours m'a indirectement préparé à ce moment : j'ai passé dix ans à la tête d'un département, compétent en matière d'aménagement du territoire, de gestion des routes départementales et de report modal. J'ai aussi passé deux ans dans un conseil régional au sein duquel les questions sur les TER étaient récurrentes. Dans le cadre de mes responsabilités municipales, j'ai mis en service une première ligne de tramway avec les fonds de concours de l'Afitf et la deuxième ligne qui va voir le jour s'inscrit dans un appel à projet du même type. Enfin, en tant que député européen, je me suis intéressé aux projets transeuropéens, avec des infrastructures comme Lyon-Turin ou le canal Seine-Nord-Europe.

Je ne veux pas rouvrir le débat sur le non-cumul des mandats, mais jusqu'à récemment, j'étais maire d'Anger, président de la communauté urbain et sénateur. Je pense que le temps que je consacrais à ce mandat pourra l'être pour l'Afitf, dont les sujets sont moins divers.

Il est possible d'obtenir les 500 millions supplémentaires de plusieurs façons : en premier lieu, pourquoi ne pas utiliser le produit d'une privatisation - comme ADP - pour doter l'agence de crédits lui permettant de faire face, pendant un temps donné, à cet écart budgétaire ? L'inconvénient de cette formule serait que cette recette ne serait pas pérenne. La deuxième option consisterait à augmenter la TICPE, mais si jusqu'à présent nous avons bénéficié d'un prix du pétrole relativement bas, son augmentation couplée à celle des taxes sur l'essence risqueraient d'amener le coût de l'essence à un niveau difficilement supportable. Autre piste : le déremboursement partiel de la TICPE pour les poids lourds. L'accord de 2015 avait prévu une augmentation de 4 centimes mais aussi le gel de la TICPE pour les poids lourds. Ce déblocage rapporterait plusieurs centaines de millions. Cette option aurait l'avantage de ne pas créer un nouveau dispositif : le taux de recouvrement serait donc faible. Enfin, l'écotaxe avait le mérite de faire participer les poids lourds étrangers au financement des infrastructures de transport. Le ministère semble envisager la création d'une vignette. Vous recevrez demain Mme Borne : je ne doute pas qu'elle pourra vous apporter des précisions. La vignette ne résoudrait pas le trou budgétaire de 2019 car il faudrait du temps pour l'instaurer. La seule solution à court terme serait de s'orienter vers le déremboursement avant la mise en place de la vignette.

Le budget de l'Afitf n'est pas voté avant la loi de finances. En fait, le budget pour 2018 n'a toujours pas été adopté puisque le conseil d'administration n'a pas de président. Le Parlement doit arrêter les moyens et, seulement ensuite, le conseil d'administration devrait voter son budget.

Les engagements financiers de l'Afitf vont jusqu'en 2042 pour l'autoroute urbaine L2 de Marseille et jusqu'en 2037 pour deux LGV réalisés dans le cadre de partenariats public-privé. Tout ceci est donc très transparent. En revanche, les engagements nouveaux devront faire l'objet de décisions politiques. Enfin, il ne faut pas payer les élus de mots en leur promettant des infrastructures qui ne sont pas compatibles avec les trajectoires financières. Un COM permettrait au Parlement de disposer d'une vision à long terme et de vérifier chaque année que les engagements budgétaires correspondants soient bien prévus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dagbert

J'ai plaisir à voir la candidature d'un de nos anciens collègues. Je ne doute pas que vous ayez quelques notions de ce que sont les infrastructures, puisque vous avez été président de département.

Quelles sont vos motivations pour candidater à une telle présidence ?

Ne pensez-vous pas que vous allez vous trouver à l'interface entre les décisions du Gouvernement en matière d'infrastructures et le stock des engagements de l'Afitf ?

Alors que nous allons examiner le projet de loi d'orientation sur les mobilités, comment réorienter l'action de l'Afitf vers de nouveaux modes de transports, comme les véhicules autonomes ? Il va vous falloir aller dans les territoires pour annoncer que les calendriers annoncés ne seront pas tenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Nous sommes à la croisée des chemins et je préfère être à ce moment précis plutôt que d'arriver une fois les décisions prises. Le 1er juillet 2017, le président de la République a dit qu'il fallait donner la priorité aux transports du quotidien, ce qui a donné matière à réflexion à ceux qui attendaient l'arrivée d'infrastructures lourdes, comme le canal Seine-Nord-Europe, le Grand Paris express... mais pour lesquelles l'Afitf n'est pas forcément l'agence de financement. Dans certains cas, des sociétés de projets portent ces dossiers. Dans le rapport de Philippe Duron, la question d'une éventuelle création d'agence dédiée aux routes nationales est posée. À partir du moment où l'Afitf est paritaire, avec six représentants de l'État et six élus, elle doit être un lieu de débat.

La question du report modal est consubstantielle à la structure budgétaire : 100 % des recettes viennent des routes tandis que 38 % des dépenses y retournent, alors que 45 % vont au rail, 8 % aux transports en commun en site propre, 4 % au fluvial et 2 % au maritime. Il ne faut pas non plus oublier le vélo : le rapport de M. Duron rappelle qu'avec des sommes modestes, les effets de levier peuvent être importants. Sans aller jusqu'aux 300 millions évoqués par ce rapport, des signaux pourraient être envoyés.

Vous avez évoqué la voiture autonome : ce n'est pas à l'agence de valider des choix technologiques qui dépassent largement le cadre de sa mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vais demander à mes collègues d'être brefs et de se rappeler que vous ne postulez pas à un poste de ministre des transports.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Mandelli

Je ne connaissais pas votre appétence pour ces sujets mais vous avez démontré votre capacité à vous adapter à toutes les situations. Je m'interroge sur votre disponibilité pour occuper ce poste mais aussi, et surtout, sur la façon dont vous êtes parvenu à être candidat ? Comment cela s'est-il passé en amont, puisque c'est le président de la République qui vous a pressenti ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

On nous avait indiqué que dans le nouveau monde, les procédures étaient beaucoup plus ouvertes ; on nous avait ainsi parlé de cabinets de recrutement pour la candidature à la présidence de la RATP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

L'agence dont le siège est à la Défense gère des montants budgétaires importants, je vous l'ai dit, mais elle fonctionne avec quatre personnes et son budget de fonctionnement s'élève à 700 000 euros : il y a un secrétaire général, un adjoint, une assistante et un comptable. Les textes prévoient deux conseils d'administration par an et, dans les faits, il y en a cinq à six. La charge de travail est importante mais tout à fait compatible avec mes mandats et je compte aller à la rencontre des élus locaux qui portent des projets d'infrastructures. Je n'aurais pas accepté de postuler à cette responsabilité s'il m'avait fallu être bâillonné. J'ai été contacté par la ministre des transports après que quelques échos en provenance de Matignon et de l'Élysée m'avaient laissé à penser que je risquais d'avoir cet appel téléphonique.

J'estime que ce poste n'est pas plus prenant que le cumul avec une responsabilité parlementaire, comme cela était le cas dans l'ancien monde lorsque des élus locaux de grands exécutifs avaient en même temps d'éminentes responsabilités dans cette maison. Enfin, je pense souhaitable que le président de l'Afitf soit un élu local. Si son président n'était que président, il basculerait vers la technostructure, mettant fin, par là même, au paritarisme du conseil d'administration. Sauf à vouloir professionnaliser les responsabilités, il faut que les élus locaux puissent dialoguer avec l'État.

Le fait de ne pas être spécialiste de la matière me donnera une capacité d'étonnement bienvenue, alors que nous en sommes à la croisée des chemins. Enfin, il me semble indispensable que le président ne soit pas complètement aligné sur la position du ministère, sinon la présidence de l'agence perdrait une partie de son sens. C'est un travail d'interface, comme cela a été dit : il faut à la fois être capable de faire remonter les attentes de ceux qui souhaitent des financements et expliquer les contraintes.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bigot

Je ne doute pas de votre capacité à comprendre les problématiques de transports et de dessertes. Votre réflexion doit être nationale, tout en prenant en compte les disparités régionales. Nous avons récemment reçu M. Duron : après l'abandon de Notre-Dame-des-Landes, il s'avère que la carte des infrastructures de transports dans la région ouest n'offre pas d'alternative. Vous devrez tenter de rééquilibrer le territoire.

Les annonces du Gouvernement inquiètent de nombreux territoires aujourd'hui desservis par de petites lignes ferroviaires. Leur maintien est un enjeu d'aménagement du territoire. Le développement du fret ferroviaire, pour lequel la France accuse un sérieux retard, pourrait faire renaître le réseau secondaire tout en optimisant le bilan carbone de nos transports. Un article paru dans Le Monde d'aujourd'hui parle d'une probable saisine de la Cour de justice de l'Union européenne pour dépassement répété de la France dans l'émission de certains polluants. Alors que le fret constitue un des moyens les plus efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre produits par le transport routier, les crédits de financement s'amenuisent. Comment faire pour enrayer le recul du fret et pour concilier aménagement du territoire et respect de l'environnement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Le président Maurey a reçu le 8 mars dernier les élus de Brest et de Quimper auxquels il a expliqué qu'il fallait parler d'aménagement du territoire, au-delà de la simple viabilité financière. Lors du débat sur le projet de loi d'orientation, les parlementaires devront définir les ambitions des pouvoirs publics en matière de report modal, dont l'agence sera ensuite la courroie de transmission. L'Afitf doit simplement s'assurer que les engagements pris par les élus de la Nation sont tenus dans la durée. Une mission interministérielle travaille sur les conséquences de l'arrêt du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes. L'agence n'interviendra que lorsque la déclaration d'utilité publique (DUP) aura été publiée.

Vous examinerez demain une proposition de loi sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. Pour le fret, en dépit d'une bonne année 2017, le déficit se monte à 120 millions. Ces questions dépassent de très loin le cadre de l'Afitf mais elles devront être posées lors de l'examen du projet de loi d'orientation sur les mobilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

La Cour des comptes est très critique : elle juge que l'Afitf est une « quasi coquille vide qui ne servirait au ministère des transports qu'à contourner le droit budgétaire ». Elle qualifie l'agence d' « opérateur de l'État sans feuille de route et sans marge de manoeuvre ».

L'augmentation du budget consacré aux routes et la baisse de celui affecté au fret ferroviaire ne vont pas dans le sens du développement des mobilités vertes, et les orientations semblent faire la part belle aux poids lourds.

Dans un contexte climatique qui nous engage à privilégier les solutions moins polluantes pour notre environnement, comment prendrez-vous en compte une mobilité plus verte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Si l'Afitf est une coquille vide, les questions de ma compétence et de ma disponibilité sont assez secondaires. Mais je ne crois pas que tel soit le cas.

Le premier audit de la Cour des comptes en 2009 concluait à la suppression souhaitable de l'Afitf. Le dernier audit insistait sur la nécessité de mettre en place une feuille de route. Aucun audit n'a remis en cause la gestion de l'agence. Le rapport de la Cour des comptes de 2016 démontre que l'agence s'est inscrite dans le paysage du financement des infrastructures de transport. En outre, il existe des agences de ce type ailleurs en Europe afin de concilier le principe d'annualité budgétaire avec des engagements qui dépassent la durée d'un mandat.

L'agence permet de « verdir » les transports : ses recettes viennent à 100 % de la route tandis que 38 % des dépenses y sont affectés, dont la quasi-totalité pour régénérer le réseau. Le patrimoine déjà existant ne doit en effet pas s'appauvrir.

Se pose ensuite la question des priorités que vous donnerez à l'occasion de l'examen de la loi d'orientation sur les mobilités. L'Afitf n'en sera que l'opérateur.

La principale marge d'amélioration serait de conclure avec l'État un COM : l'Afitf doit disposer d'un tel contrat car c'est le meilleur moyen de répondre aux objections de la Cour des Comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

J'ai l'impression que vos marges de manoeuvre seront extrêmement restreintes entre la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) et Bercy. Notre pays n'offre pas de visibilité sur les grands projets structurants : les feuilles de route sont difficiles à tenir.

Comment renégocier efficacement les concessions autoroutières, lorsque le moment en sera venu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Cette renégociation arrivera au milieu des années 2030. Je ne suis pas persuadé que la privatisation des autoroutes ait été la meilleure décision de l'État actionnaire. Les gouvernements ont ensuite tenté de rééquilibrer la relation avec les concessionnaires en instaurant la taxe d'aménagement du territoire, la redevance domaniale et même la redevance volontaire exceptionnelle.

Doit-on conserver des péages qui rapportent beaucoup d'argent et qui permettent un très bon niveau d'entretien, mais sur les seules autoroutes ? Doit-on accepter un niveau d'entretien moindre avec des péages moins élevés ou doit-on conserver des niveaux de péages comparables mais avec un entretien qui pourrait s'élargir au réseau routier ?

Je vais m'arrêter là car il y a peu de chances que je sois encore devant vous dans six mandats pour traiter de la fin des concessions autoroutières.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis-Jean de Nicolay

Je vous souhaite bon courage, car l'attente en matière d'infrastructures ferroviaires est considérable de la part de nos concitoyens. La présentation du président Duron sur l'avenir des lignes ferroviaires, en dehors des lignes LGV, était inquiétante.

L'Afitf joue-t-elle un rôle lors de l'élaboration des contrats de plan État-Régions ?

Y a-t-il un avenir pour les voies navigables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je confirme qu'elles ne sont pas en bon état : nous avons visité avec M. Cornu quelques écluses...

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

En matière d'investissements, il y a l'Afitf et le programme 203. Des crédits sont accordés au fluvial, qui dépassent les 4 % que j'évoquais tout à l'heure. Il en va de même pour le ferroviaire : 77 % des crédits en investissement du ministère des transports y sont affectés.

En revanche, nous constatons des crédits insuffisants dans tous les domaines : si le président de la République a dit qu'il fallait donner la priorité aux transports du quotidien c'est qu'ils souffrent effectivement de sous-investissements chroniques.

En matière de contrats de plan État-Régions, l'agence ne participe pas aux négociations qui se font entre élus. Si tel était le cas, ce serait une façon de se substituer au pouvoir politique. En revanche, il est souhaitable que les financements des CPER soient examinés avec l'Afitf pour voir s'ils sont soutenables. Ainsi, les promesses des uns et des autres seront tenues et nos concitoyens ne perdront plus confiance dans la parole des politiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Le cumul n'est pas gênant : s'il n'y avait pas eu la loi, nous serions encore nombreux à exercer plusieurs mandats.

Quels seront vos rapports avec les agences des pays voisins ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Pour la première fois, les agences des différents pays européens se sont réunies le 8 juin 2017 à l'invitation de M. Duron. Les pratiques ont été comparées pour ne retenir que les meilleures. Nous avons quelques soucis de trajectoire financière, alors que dans d'autres pays, les moyens sont au rendez-vous des promesses. En revanche, nous prônons le report modal tandis que d'autres pays ne disposent que d'une agence par type d'infrastructure.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Il va vous falloir exercer une sorte d'équité territoriale. La Cour des comptes estime que l'agence n'a aucune autonomie décisionnelle et que son président dépend des services pour l'organisation du travail et l'instruction des dossiers. Serez-vous gestionnaire des stocks ou désignerez-vous les points sensibles qu'il faut traiter en priorité ? Enfin, pourquoi postuler à un tel poste ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Il y a quelques années, j'ai exercé la présidence nationale du groupement d'intérêt public pour l'enfance en danger. Si la même procédure qu'aujourd'hui avait été mise en oeuvre, vos collègues de la commission des affaires sociales se seraient sans doute interrogés sur les raisons qui m'amenaient à postuler. En l'espèce, le point de départ était venu de l'Élysée, compte tenu d'un procès en pédophilie hors norme que mon territoire avait connu après le procès d'Outreau et compte tenu des contacts que j'avais noués pour voir comment faire évoluer la loi. Cette structure était financée pour moitié par les départements et pour moitié par l'État. Il fallait donc arbitrer entre des intérêts parfois contraires. À l'époque, je me rendais compte qu'un élu local pouvait faire bouger les choses sur le terrain mais qu'un plafond de verre l'empêchait d'aller plus loin, du fait des lois et des règles nationales.

L'Afitf peut se faire entendre, même si le plafond de verre est réel, j'en conviens, du fait de la tutelle du ministère des transports. Si j'en juge par l'action de M. Duron, je pense possible de faire bouger les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

La part carbone de la TICPE va augmenter de quelques 10 milliards durant le mandat. Si le remboursement forfaitaire vers les entreprises n'est pas modifié, les poids lourds vont participer à son financement. Ne vous serait-il pas possible de vous adosser à cette augmentation pour trouver les 500 millions manquants ? Mais il faudrait alors que les infrastructures financées participent à la réduction des émissions de CO2.

Comme le fait l'Agence française de développement, il faudrait que l'Afitf s'appuie sur un scénario deux degrés transport cohérent. Votre agence ne doit-elle pas se doter d'une expertise sur la trajectoire carbone ?

En outre, il conviendrait d'insister plus qu'on ne le fait aujourd'hui sur la qualité des infrastructures. Ainsi, on peut téléphoner dans un avion de la Turkish Airline au milieu de l'océan. En revanche, impossible entre Brest et Morlaix ! La qualité des services rendus par les infrastructures, je pense notamment aux TGV, n'est-elle pas aussi importante que l'infrastructure elle-même ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'Afitf perçoit les amendes radar, à l'exception des amendes liées aux dépassements entre 80 et 90 km/h, qui font l'objet d'une affectation particulière, et elle touche environ 900 millions des autoroutes. En revanche, la TICPE n'est pas affectée à l'Afitf. Son augmentation ne va donc pas abonder les caisses de l'agence et seul Bercy pourrait modifier les règles en vigueur. Le contrôle du Parlement sur les affectations de recettes et le niveau annuel de crédits que vous consentez à l'agence rendront viables, ou non, les trajectoires dont nous parlons.

Je partage totalement votre idée sur l'amélioration souhaitable de la qualité du réseau, notamment en ce qui concerne la téléphonie. D'ailleurs, 900 millions ont été affectés à l'amélioration du réseau GSM d'ici au milieu des années 2020. Il s'agit d'un des quatre partenariats public-privé dont je vous ai entretenu dans ma présentation liminaire.

L'Afitf est un des moyens d'assurer un report modal et peut diminuer l'empreinte environnementale de nos transports. La volonté de la représentation nationale et du Gouvernement doit se confirmer en accordant les moyens financiers correspondant aux ambitions affichées. En revanche, l'Afitf ne sera pas capable de disposer d'une expertise : elle n'emploie que quatre personnes. Pourquoi ne pas demander à l'Ademe ou à des organismes indépendants du ministère des transports ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Chevrollier

Vous êtes un élu expérimenté, polyvalent et talentueux : je ne doute pas de vos compétences pour présider le conseil d'administration de l'Afitf.

Élu du Grand Ouest, quelle sera votre position après l'abandon de Notre-Dame-des-Landes ? Quelles relations entretiendrez-vous avec M. Francis Rol-Tanguy ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je rencontrerai bien sûr les élus de la région des Pays de la Loire. Les présidents de région sont des interlocuteurs prioritaires pour l'agence, aussi bien pour le renouvellement des trains d'équilibre territoriaux que pour les infrastructures ferroviaires. L'après Notre-Dame-des-Landes est d'une actualité brûlante, bien sûr. Le rapport de M. Duron a fait peu référence au Grand-Ouest et l'abandon de l'aéroport a peut être conduit certains responsables ministériels à se dire qu'un élu tel que moi pourrait faire office de médiateur. J'ai rencontré récemment M. Rol-Tanguy et j'ai évoqué les étapes à venir, si je suis nommé à l'Afitf.

Pour conclure, je tiens à vous remercier pour votre écoute et vos questions, auxquelles je ne me suis pas dérobé. Sur les questions d'infrastructures, les élus, qu'ils soient locaux ou nationaux, ont leur mot à dire. Le transport représente 17 % du PIB. Pourtant, nos infrastructures souffrent d'un sous-investissement chronique. Dans les mois qui viennent, vous aurez l'occasion de réduire le décalage entre les attentes du terrain et les besoins financiers. L'Afitf peut fiabiliser les engagements que vous prendrez.

Je vous demande de me faire confiance pour être votre médiateur.

Merci pour votre attention.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Merci d'avoir répondu à nos questions de manière complète et précise.

Nous allons maintenant procéder au vote.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 25.