Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 19 avril 2018 à 15h00
Protection des données personnelles — Article 14

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Je veux revenir sur le sujet des algorithmes, tout en suivant l’avis du président de la commission – si l’on est satisfait, il n’y a effectivement pas lieu de discuter davantage. Avant cela, je veux d’abord rendre hommage à Mme la rapporteur, qui a fait le nécessaire pour que cet article soit révisé comme il se devait.

La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, que le Gouvernement a soumise au Parlement, est contradictoire avec mon éthique d’enseignant, puisqu’elle consacre le secret des délibérations. Au travers de ce principe, la loi donne aux établissements d’enseignement supérieur la possibilité de ne pas dévoiler les algorithmes locaux mis au point pour assurer la cohérence entre le profil du candidat et les prérequis de la formation demandée.

C’est donc dans l’opacité la plus totale que, dans quelques mois, les étudiants de France recevront leur affectation ou se verront refuser l’accès dans l’enseignement supérieur. Il n’y aura plus la mention « oui, mais » ; le document dont parlait le président de la commission – je ne sais pas s’il s’agit d’un rapport – indique en effet que les étudiants ne pourront recevoir que deux réponses : oui ou non.

Cette mesure, que confirme l’article 14 du projet de loi que nous examinons de nouveau, dans la version transmise par l’Assemblée nationale, est d’une injustice totale. Elle fait d’ailleurs l’objet de nombreuses contestations au sein des mouvements sociaux estudiantins, qui s’élèvent aujourd’hui contre l’exécutif – je reviens d’une manifestation où un certain nombre de groupes d’étudiants défilaient.

Cette mesure n’est pas seulement injuste, elle est également illégale, puisqu’elle ferait exception à la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui impose une information inconditionnelle des administrés dont les données sont traitées par un système algorithmique. Cela nous met en porte-à-faux vis-à-vis du droit et des attentes des étudiants, qui contestent avec vigueur le fonctionnement de Parcoursup. Cet article ne peut donc rester en l’état.

J’ajoute que, en tant que professeur d’université – pardon de me mettre en avant –, je refuse l’opacité à laquelle mène Parcoursup. Si je l’acceptais, je trahirais la confiance de mes étudiants.

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