Pour avoir examiné, entendu, accompagné de nombreuses victimes de viols ou d’incestes, je peux dire que ces patients sont complètement cabossés. Pour eux, le monde ne sera plus jamais à l’endroit. Ils prennent perpétuité !
Que faut-il faire pour ces victimes ? Il faut libérer la parole le plus tôt possible et donner des moyens, de sorte qu’une fois cette parole libérée, elles puissent se reconstruire et, différemment, continuer une vie. Ces personnes veulent entendre : « Je vous crois » quand elles déposent leur plainte. Voilà ce qu’elles attendent ; ce n’est pas forcément une réponse pénale.
Un jour, une patiente m’a dit : « Je n’ai plus que deux ans ». « Pourquoi deux ans ? », lui ai-je demandé. « Deux ans pour déposer plainte. Après, ça sera prescrit, et il faut que j’y aille… »
Cette date butoir l’obligeait à libérer la parole, l’obligeait à expliquer le drame et les sévices qu’elle avait subis. La prescription peut donc aussi aller dans le sens de la résilience chez nos patients.