Intervention de Philippe Bas

Réunion du 4 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Article 1er

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

J’ai hésité à reprendre la parole après l’intervention que vient de faire Marie Mercier, que je remercie pour les arguments nouveaux portés au débat.

Je veux juste saluer celles et ceux qui, parmi vous, mes chers collègues, se sont exprimés sur ce sujet vraiment très difficile. Ce type de débats honore réellement le Sénat, y compris par l’expression de doutes, d’hésitations de la part de plusieurs d’entre vous.

Mme Angèle Préville a exposé, avec beaucoup de sensibilité, les souffrances des victimes et elle n’a pas été la seule à le faire, bien sûr.

Mais, au fond, il me semble qu’agir sur la prescription ne doit pas se faire en fonction de l’horreur que nous inspire une catégorie de crimes. La prescription n’est pas un instrument de mesure de l’abomination. Si on veut la modifier, c’est pour être utile à la victime. Voilà la vraie question qui nous est posée et il faut la considérer, je pense, avec réalisme.

Deux éléments me paraissent dignes d’être pris en considération.

Le premier élément a été énoncé par plusieurs d’entre vous et repris, à l’instant, par Marie Mercier. Il s’agit de la question du moment précis où l’on doit porter plainte.

Notre débat sur la prescription n’efface évidemment pas la priorité que les pouvoirs publics doivent donner, dans leur politique, à l’accueil, à l’information, à l’accompagnement des victimes, car ce n’est pas dans trente ans qu’il faut porter plainte, c’est aujourd’hui, demain ou, au plus tard, la semaine prochaine !

Il est absolument fondamental d’inciter au dépôt de plainte, de l’accélérer et d’accompagner la victime pour qu’elle puisse être accueillie dans de bonnes conditions. Ne laissons pas croire, parce que nous parlons de la prescription, que c’est la solution que nous allons apporter au problème de la réparation en justice demandée par la victime !

Le second élément consiste à veiller à ne pas faire courir aux victimes le risque d’intenter un procès conduisant au rejet de leur plainte.

C’est déjà bien d’être entendu et de pouvoir déposer plainte, mais c’est tout de même mieux d’obtenir satisfaction devant la cour d’assises ! Or cela ne sera pas le cas de la plupart des plaintes qui seront déposées trop longtemps après les faits – et ce peut être avant même vingt ou trente ans.

Malgré tout, la prise en compte de cas particuliers me paraît judicieuse.

Nous proposons de passer le délai de prescription de vingt à trente ans, mais nous proposons aussi deux mesures additionnelles.

D’une part, suivant la proposition du Gouvernement, le délai de prescription courrait à partir du dernier crime connu. Dans le cas d’un violeur en série qui aurait sévi pendant quinze ans, la prescription commencerait, non pas à l’arrivée à la majorité de la première victime, mais à partir du dernier crime commis. Ce point m’apparaît important, et c’est pourquoi la commission a choisi de se rallier à cette solution.

D’autre part, sur proposition de notre collègue François-Noël Buffet, adoptée par la commission, en cas d’amnésie post-traumatique constatée par un expert médical, à la demande du tribunal, le délai de prescription serait rouvert. Il me semble que, bon an mal an, on arrive ainsi à un compromis satisfaisant, qui renforce les droits de la victime souffrant de l’amnésie post-traumatique et ne vient pas perturber la hiérarchie des crimes au regard des règles de la prescription.

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