Intervention de Dominique Estrosi Sassone

Commission des affaires économiques — Réunion du 18 juillet 2018 à 9h00
Projet de loi portant évolution du logement de l'aménagement et du numérique — Suite de l'examen des amendements de séance, amendement 1069

Photo de Dominique Estrosi SassoneDominique Estrosi Sassone, rapporteur :

L'amendement n° 1069 vise à donner au Gouvernement la possibilité de créer par ordonnance la future Agence nationale de la cohésion des territoires.

Le principe même du recours à une ordonnance en la matière, alors même que le Sénat a adopté le 13 juin dernier une proposition de loi très précise sur le sujet sur l'initiative de MM. Retailleau, Bas, Darnaud et de nombreux collègues, est déjà plus que discutable.

La teneur de l'habilitation demandée est, elle, proprement inacceptable, tant l'amendement s'abstient purement et simplement de définir les contours de cette instance. Il se garde bien, notamment, de préciser quels organismes il intègrera et quelle forme présentera cette intégration ou leur « association à la conduite des missions » de l'Agence...

Potentiellement, vu l'objet « XXL » de cette nouvelle agence, qui devrait « lutter contre les fractures sociales », « accompagner les mutations des territoires » en « conduisant des programmes d'intervention », de nombreuses structures sont susceptibles d'être impactées : Agence nationale de l'habitat (ANAH), ANRU, établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), voire le cas échéant, si cette agence devait s'attacher à résorber la « fracture numérique », l'Agence du numérique ou, pour la « fracture d'accès aux soins », les agences régionales de santé... Face à ces différentes structures, quel sera le positionnement de la nouvelle agence et ses prérogatives ? L'amendement n'en dit rien.

Le Parlement n'est même pas informé, à ce stade, des conclusions de la mission de préfiguration confiée au préfet Morvan. Comment le Sénat pourrait-il se prononcer sans même connaître les orientations essentielles de la future agence ? Du reste, c'est à se demander si le Gouvernement le sait lui-même... En effet, une nouvelle fois, il justifie le recours à l'ordonnance par le besoin d'une « concertation avec l'ensemble des parties prenantes ».

Comme bien souvent depuis le début de ce quinquennat, on ne peut que constater que le Gouvernement estime ne pas pouvoir effectuer cette concertation dans les conditions d'un débat parlementaire normal. En déposant sans crier gare un tel amendement, c'est de lui-même que le Gouvernement se refuse à entamer le dialogue avec le Parlement, qui est pourtant en mesure d'engager les concertations nécessaires dans le cadre de ses travaux.

Le Sénat l'a montré par ses prises de position et ses votes : il n'est pas opposé au principe de la création d'une agence, tant il est nécessaire de mieux coordonner l'action locale des différents opérateurs de l'État. Mais le succès d'une telle réforme réside bien dans les modalités d'organisation des relations entre cette nouvelle structure et les opérateurs existants, qui n'ont souvent pas démérité dans l'accomplissement de leurs missions.

En l'état, j'estime que l'amendement ne peut pas être voté. Il faut inviter le Gouvernement à soumettre au Parlement un texte précis, exposant clairement et de façon détaillée la gouvernance de cette future agence et ses rapports avec les structures existantes. Là seulement pourra se nouer un véritable dialogue que nous appelons de nos voeux, au bénéfice des territoires.

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