Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette séance est l’aboutissement de plus de six mois de travail collectif.
Le groupe de travail pluraliste de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises à l’encontre des mineurs, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, a tout d’abord travaillé en étroite collaboration avec la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Ces travaux de réflexion ont ensuite abouti à l’examen d’un texte législatif que le Sénat a adopté de son propre chef.
Enfin, nous avons discuté de votre projet de loi, madame la secrétaire d’État.
Votre texte a pour objet louable de mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes. Nous partageons, en effet, le constat que les violences sexuelles et sexistes sont un fléau, qu’il faut dénoncer et combattre. L’actualité des derniers jours le démontre encore.
Je souhaite revenir sur l’historique de notre accord aujourd’hui. Car bien des revirements ont finalement débouché sur un texte utile, qui porte la marque du travail approfondi effectué par le Sénat.
Concernant la répression des viols commis à l’encontre des mineurs, rappelons que la proposition initiale du Gouvernement était inopérante, car contraire aux principes fondamentaux qui régissent notre droit. Elle instaurait une présomption irréfragable de culpabilité pour l’adulte qui aurait commis un acte sexuel avec pénétration sur un mineur. C’était donc une responsabilité automatique que le Conseil constitutionnel n’aurait pas manqué de censurer.
Alerté par le Conseil d’État, le Gouvernement a alors formulé une proposition alternative, qui consistait à ne rien changer pour les mineurs de plus de quinze ans et à prévoir, pour les mineurs de moins de quinze ans, que la contrainte morale, nécessaire à la qualification de viol, soit caractérisée par le simple abus qui a été fait de la vulnérabilité de la victime. Il s’agissait là d’une mesure incitative pour le magistrat, déjà utilisée d’ailleurs par celui-ci.
Vous proposiez également de créer une circonstance aggravante au délit d’atteinte sexuelle qui risquait de multiplier les correctionnalisations, ce que les associations ont, à juste titre, pointé du doigt.
Cette proposition, avouons-le, n’avait d’autre objectif que de répondre à des impératifs politiques, voire médiatiques. Afficher un seuil d’âge aurait été sans conséquence sur la réalité de la protection de l’ensemble des mineurs.
Le Sénat a choisi d’aller plus loin, en protégeant tous les mineurs victimes de viols, pas seulement ceux de moins de quinze ans, comme vous le proposiez, madame la secrétaire d’État, et pas uniquement ceux de moins de treize ans, comme l’a proposé, ensuite, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes du Sénat.
Sur la base de ce principe fondamental, ma collègue rapporteure de l’Assemblée nationale et moi-même avons réussi à établir le texte que nous vous soumettons, mes chers collègues, compromis conciliant l’exigence de répression et de prévention des infractions sexuelles et sexistes et la nécessaire préservation des droits et libertés fondamentaux.
Cette solution de compromis, que certains d’entre vous trouveront peut-être timorée, mais que nous estimons conforme à notre État de droit, porte sur la caractérisation de la contrainte ou de la surprise pour les faits d’agression sexuelle commis sur mineurs.
Il était, selon moi, essentiel de mieux définir les circonstances permettant au juge de retenir l’existence d’une contrainte ou d’une surprise, en prenant en compte la différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur des faits, ainsi que l’a toujours souhaité le Sénat, mais aussi « l’abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire » dans le cas spécifique des mineurs de moins de quinze ans, comme l’avait proposé l’Assemblée nationale.
Il s’agit, vous l’aurez compris, mes chers collègues, d’un « dispositif à deux étages », comme l’a défini le président Philippe Bas, qui concernera tous les mineurs et s’appliquera aux agressions sexuelles comme aux viols.
Je manquerais à mes devoirs si je ne mentionnais pas non plus les importantes évolutions adoptées par le Sénat.
Je pense à la modification de la définition du délit de non-dénonciation de mauvais traitements, afin d’en faire un délit continu, mais aussi à la suppression de l’aggravation des peines en cas d’atteinte sexuelle avec acte de pénétration, ainsi qu’aux garanties apportées à la question subsidiaire systématique, sans oublier la définition du délit et des circonstances aggravantes en cas d’administration d’une substance visant à altérer le discernement d’une victime d’agression sexuelle.
Je pense également à l’aggravation des peines prévues pour toutes les agressions sexuelles lorsqu’elles sont commises sur une personne vulnérable en raison de sa situation économique et en cas d’agression sexuelle autre que le viol lorsque celle-ci a entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours, ou encore à l’enrichissement des circonstances aggravantes des violences commises en présence d’un mineur et à la création d’un nouveau délit d’atteinte à la vie privée afin de réprimer « le fait d’user de tout moyen afin d’apercevoir les parties intimes d’une personne ».
Plusieurs articles reprennent également la proposition de loi d’orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d’infractions sexuelles que nous avions adoptée le 28 mars dernier : je songe aux dispositions concernant le délai de prescription des viols commis à l’encontre des mineurs, la répression du délit de non-assistance à personne en danger, ou encore l’extension de la surqualification pénale d’inceste.
J’ai bien conscience que le travail n’est pas fini, et je suis déterminée à rester attentive et mobilisée.
Nous devons convaincre, encore, que le sujet mérite un large consensus autour de mesures fortes et toujours plus efficaces visant à lutter contre toute forme d’agression sexuelle, en particulier celles qui sont commises à l’encontre de mineurs.
Il est de notre responsabilité de protéger les enfants des prédateurs et des outils de communication qui peuvent les mettre en danger. C’est un enjeu crucial pour aujourd’hui et pour demain.
Nous avons aussi l’obligation morale de nous occuper des plus faibles et des plus démunis. C’est même le ciment de notre vouloir-vivre ensemble. C’est une chance qu’il ne faut pas gâcher.