Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous vous invitons à approuver préserve le droit de grève des contrôleurs aériens, un droit constitutionnel, tout en assurant la continuité du service public dans les aéroports.
Nous poursuivons deux objectifs : tout d’abord, garantir la bonne organisation du trafic aérien, ensuite, et surtout, assurer la protection des droits et la sécurité des passagers.
Il y a un peu moins de 4 000 contrôleurs aériens en France responsables de la gestion et de la surveillance des décollages et des atterrissages des avions, du survol de l’ensemble de l’espace aérien national. Ils sont en liaison constante avec les contrôleurs des pays voisins. Leur métier est lourd de responsabilités. Ils travaillent soit dans un aéroport soit dans l’un des cinq centres de contrôle régionaux. Leur compétence est d’une importance cruciale pour la bonne marche du trafic aérien, qui impose des sujétions particulières.
Cette proposition de loi conforte le droit de grève. Nous souhaitons seulement aborder les conditions d’exercice de ce droit, qui, quand il est utilisé de manière impromptue, a des conséquences épouvantables sur les usagers et les entreprises françaises.
La France est à l’origine de 67 % des mouvements de grève de contrôleurs aériens dans toute l’Union européenne, causant 97 % des retards liés à ces grèves. Cette proportion ne fait qu’augmenter : en 2018, les grèves des contrôleurs aériens ont augmenté de 300 % en un an.
Ce record en termes de jours de grève a des implications négatives directes sur les passagers, l’économie de notre pays et la compétitivité de nos entreprises. Selon PricewaterhouseCoopers, quelque 12 milliards d’euros ont été perdus sur la période 2010-2016, dont 60 % pour le seul secteur du tourisme, soit 1 milliard d’euros de perte annuelle ! Le pourtour de la Méditerranée se trouve très affecté, et de nombreux jeunes, en recherche d’emploi, perdent des chances d’en trouver dans le tourisme.
Les deux jours de grève de 2015, les 8 et 9 avril, ont engendré une perte de recettes supérieure à 20 millions d’euros pour le transport aérien français, avec l’annulation de 1 300 vols, soit 10 millions d’euros pour chaque jour de grève ! Je vous laisse imaginer la perte pour 254 jours de grèves. L’impact pour les compagnies aériennes françaises, Air France et HOP !, se chiffre à 66 millions d’euros en trois ans, avec 3 300 vols annulés, et à 35 millions d’euros à cause des retards.
À chaque grève, les compagnies étrangères contournent le ciel français, qui est très étendu. Sur la période 2014-2016, ce sont 6 millions de kilomètres additionnels qui ont été parcourus, ce qui a eu un lourd impact environnemental.
Le coût important de ces grèves pousse ainsi l’État à céder à certaines revendications. Plusieurs préavis de grève ont été levés avant même d’avoir été mis en application. Éviter temporairement une crise est une très bonne chose, mais cela n’apporte pas de solutions durables.
Le cadre juridique français doit être plus protecteur des usagers. Il doit prévoir pour les voyageurs une meilleure information en matière d’intention de grève des agents. En cas de grève, la loi de 1984 sur le service minimum permet d’assurer 50 % des survols, ainsi qu’un certain nombre d’arrivées et de départs dans les aéroports, qui sont précisés par décret.
Ce service minimum est essentiel et son maintien est indiscutable. Cependant, son mode de gestion actuel est pénalisant et induit des effets disproportionnés. Le mode de gestion du service minimum ne prévoit aucune information sur le nombre de grévistes, compliquant ainsi les régulations de précaution effectuées par les entreprises de transport aérien. Cela cause des retards et annulations à la dernière minute, du fait du manque de prédictibilité.
En résumé, même avec un très faible nombre de grévistes, l’effet des désorganisations liées au mode de gestion est tel que les retards, voire les annulations, sont très importants. De 2015 à 2017, par exemple, le contrôle du trafic aérien français a fait face à 32 journées de grèves, sur les 40 recensées en Europe, dont 16 portaient sur des revendications qui ne concernaient pas les contrôleurs aériens.
Un système de notification préalable est donc indispensable. Il permettra aux entreprises du transport aérien d’éviter les annulations à chaud et une partie des retards causés par une minorité de grévistes. Ainsi, nous amoindrirons les pertes financières, qui resteront bien sûr de toute façon importantes.
La Commission européenne, dans un récent rapport, recommande un préavis syndical de vingt et un jours et un préavis individuel de soixante-douze heures pour les contrôleurs aériens européens. Vous le voyez, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, nous sommes très loin du compte.
Quel est au fond l’objet de l’article unique de la proposition de loi ? Il vise à étendre la loi Diard aux services de la navigation aérienne sous une forme appropriée. Il impose pour les contrôleurs aériens une obligation de déclaration individuelle préalable de grève d’au moins quarante-huit heures, et non de soixante-douze heures, comme l’Europe le demande.
Mes chers collègues, trouvez-vous normal que des passagers français et étrangers apprennent seulement au moment du décollage que leur vol est annulé ? Des familles se sentent prises en otage, souvent démunies de toute alternative dans les halls de gare…