Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 12 décembre 2018 à 14h30
Grève des contrôleurs aériens — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

… dans les halls d’aéroport, voulais-je dire, qui sont surchargés. Ces passagers doivent supporter des frais d’hébergement supplémentaires, parfois des frais d’annulation ou de transport, qui ne leur seront jamais remboursés. Ce coût caché des grèves dans le secteur aérien n’est jamais chiffré, mais il pèse sur les familles et les entreprises. Il est aussi psychologique : il se compte en heures de stress et de mal-être.

Cette situation n’est pas tolérable, mes chers collègues, et donne une image déplorable de notre pays. Elle contraste avec l’essence du droit de grève tel qu’il est régi par la loi sur les transports, qui repose sur l’assurance contre les atteintes disproportionnées aux libertés des usagers, la protection des besoins de la population et la continuité du service public.

Mes chers collègues, les témoignages d’usagers victimes d’annulation et de perturbation de vols montrent à quel point ces situations ont atteint un degré intolérable. Sur les réseaux sociaux, on lit beaucoup de témoignages d’usagers victimes. Très souvent, ils attribuent à Air France, à tort, la responsabilité de l’annulation, certains affirmant qu’ils ne partiront plus jamais avec cette compagnie.

Depuis le dépôt de cette proposition de loi, j’ai eu des rendez-vous avec des passagers, qui m’ont fait part de leur désarroi. Pour vous montrer concrètement l’ampleur du problème, je voudrais vous lire quelques témoignages.

Je commencerai par celui d’Aude, dont cinq des vols ont été annulés en deux mois : « Les contrôleurs aériens prennent en otage l’ensemble des personnes qui souhaitent ou doivent voyager. Mon entreprise a perdu trois contrats au profit de compétiteurs étrangers. Nous envisageons le dépôt de bilan. »

Émery, un usager de l’aéroport de Marseille, indique : « Il faut que les contrôleurs aériens pensent aux petits qui gagnent moins de 1 500 euros et qui se privent toute l’année pour s’offrir un petit voyage et qui, à cause d’eux, devront se priver de cela. »

Myriam évoque le rêve de ses grands-parents agriculteurs : « Toute la famille avait cotisé pour leur offrir la croisière de leurs rêves pour les cinquante ans de leur mariage, mon grand-père souffrant d’un cancer. Au moment du départ, le vol a été annulé, le paquebot a quitté le quai sans mes grands-parents. » Elle écrit : « Si nous avions su vingt-quatre heures plus tôt, nous serions partis en voiture. » Aucun remboursement ; un rêve devenu cauchemar.

Jérémy, au chômage depuis deux ans, qui avait finalement obtenu un troisième entretien pour un emploi, alors qu’il ne restait plus que deux candidats, écrit : « Mon vol EasyJet vient d’être annulé, tous mes espoirs s’envolent, je suis désespéré. »

Justine a travaillé d’arrache-pied pendant un an pour passer un concours qui a eu lieu tous les deux ans. Elle a misé sur les tarifs attrayants d’une compagnie low cost. Mais ce qu’elle ne pouvait pas anticiper, alors qu’elle se trouvait à l’aéroport, c’est qu’aucun vol ne partirait le jour J.

Ahmed n’a pas pu assister à la naissance de son fils : bloqué à Casablanca, son vol Ryanair a été annulé à la dernière minute. Il en fut de même pour Lilia ; l’annulation de ce même vol ne lui a pas permis d’être témoin au mariage de sa sœur jumelle. Et la liste est longue… Ce sont autant de cas individuels qui se multiplient ; on ne saurait accepter le désarroi de ces personnes.

Mes chers collègues, avec l’augmentation des vols low cost, la croissance du trafic aérien est de plus en plus importante, et des personnes aux revenus de plus en plus modestes deviennent des usagers. Or ils sont les plus menacés par l’imprévisibilité des annulations, car ils n’ont pas les moyens ni les capacités de s’assurer. Ce sont des personnes modestes, avec de petits revenus, qui se trouvent affectées par le fait de ne pas avoir été prévenues assez tôt de l’annulation d’un vol.

Pour eux, mes chers collègues, pour Aude, pour Émery, pour Myriam, pour Jérémy, pour Justine et pour les milliers de victimes d’une situation qui aurait pu être évitée, j’en appelle à vos sentiments humanistes et vous demande de soutenir cette proposition de loi, qui est de bon sens.

Cette proposition de loi préserve bien entendu toute la portée du droit de grève, droit sacré en démocratie, mais elle protège mieux les usagers et les entreprises. Elle met fin à la capacité d’une minorité à mettre en souffrance des personnes innocentes. Elle rend notre système de transport aérien plus efficace, plus sûr, mais, surtout, elle le rendra plus humain.

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