Intervention de François Bonhomme

Réunion du 14 février 2019 à 10h30
Délai d'intervention du juge des libertés et de la détention en rétention administrative à mayotte — Discussion générale suite

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte nous donne l’occasion de confirmer notre position sur un sujet qui est loin d’être seulement technique

Je rappelle que, pour tenir compte de la pression migratoire exceptionnelle s’exerçant sur ce département, le délai de saisine du JLD était fixé, jusqu’à la loi Asile et immigration de 2018, à cinq jours à Mayotte par dérogation au délai applicable sur le reste du territoire français. En 2015, l’INSEE nous indiquait que la population de Mayotte s’élevait à plus de 250 000 habitants, dont 41 % d’étrangers, parmi lesquels la moitié, soit 52 000 personnes, était en situation irrégulière. Près de 20 000 reconduites à la frontière sont effectuées chaque année à Mayotte, soit la moitié du total national.

J’ajoute que, lors de la discussion de la loi de 2018, le Sénat, par la voix de son rapporteur François-Noël Buffet, avait regretté que le Gouvernement n’ait pas démontré l’utilité de l’allongement de la durée maximale de rétention à quatre-vingt-dix jours. Nous avions alors regretté une mesure d’affichage, qui ne s’attaquait pas à la cause profonde des taux dérisoires d’éloignement, même s’il faut noter la mauvaise volonté des pays tiers pour accueillir leurs ressortissants et leur délivrer des laissez-passer consulaires. Tout cela est extrêmement coûteux humainement et financièrement, notamment en raison des nouvelles places à créer et des aménagements à réaliser dans des centres totalement inadaptés à de longs séjours.

Nous avions également profondément simplifié le séquençage de la rétention administrative, en réduisant le nombre de possibilités d’intervention du JLD dans la procédure : la première fois au cinquième jour, et non au deuxième jour comme le voulait le Gouvernement, afin de donner le temps à l’administration de constituer des dossiers solides, et une seconde fois au quarante-cinquième jour. Le Sénat avait ainsi porté le délai d’intervention du JLD à cinq jours sur l’ensemble du territoire, alignant en l’espèce le droit national sur le droit mahorais et supprimant par conséquent la dérogation prévue pour Mayotte.

En définitive, l’Assemblée nationale a rétabli le délai de quarante-huit heures pour la métropole, en omettant de rétablir la dérogation applicable à Mayotte qui avait été supprimée, ce qui pose de réelles difficultés aux JLD pour intervenir et permettre la prolongation de la rétention si nécessaire. Cela nous amène aujourd’hui à corriger cette incohérence au regard de la situation mahoraise.

Notre position est limpide et l’a toujours été. Elle répond à quatre objectifs précis : la clarté en matière d’immigration régulière et d’asile ; l’exigence en matière d’intégration ; la fermeté contre l’immigration irrégulière ; l’humanité et la responsabilité en ce qui concerne les mineurs étrangers. C’est pourquoi nous défendons depuis des années un certain nombre de mesures : la définition, par le Parlement, d’objectifs chiffrés concernant l’entrée et le séjour des étrangers en France pour mieux maîtriser et organiser les flux migratoires ; la modification de l’aide médicale de l’État en aide médicale d’urgence réservée aux étrangers en situation irrégulière ; l’information systématique des caisses de sécurité sociale concernant les mesures d’éloignement prononcées par les préfectures afin d’interrompre automatiquement le versement des aides sociales aux étrangers en situation irrégulière. Nous défendons également le renforcement des conditions à remplir pour être admis au regroupement familial et la réévaluation régulière des métiers dits sous tension qui nécessitent l’apport de travailleurs étrangers. Enfin, nous souhaitons développer la lutte contre la présence indue des déboutés du droit d’asile dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

Monsieur le secrétaire d’État, j’imagine que vous ne découvrez pas notre position, qui a toujours été claire. Or la réalité reste la même et elle aurait plutôt tendance à s’aggraver… Il y a quelques mois, la Cour des comptes a publié un rapport sur la situation financière du département de Mayotte, qui présentait notamment des projections démographiques : l’île devrait compter 500 000 habitants dans vingt-cinq ans. C’est vous dire combien les problèmes que j’ai évoqués seront encore plus graves et difficiles à maîtriser si nous ne prenons pas les bonnes décisions dès aujourd’hui.

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