Une partie de notre discussion repose, me semble-t-il, sur une conception des mesures d’ordre public, de prévention, qui est calquée par certains d’entre nous sur un raisonnement de sanction pénale. Cette notion est au cœur des libertés publiques, qui ne sont issues que de la jurisprudence administrative – la notion de libertés publiques procède, en France, presque uniquement de la jurisprudence, construite dans la durée, du Conseil d’État. Cette notion a d’ailleurs été fortement confirmée par une décision de 2015 du Conseil constitutionnel, qui a clarifié ce qui relève de la police administrative, qui ne peut consister qu’en des mesures limitatives de la liberté, et ce qui relève de la seule décision du juge judiciaire, à savoir les mesures privatives de liberté.
Or, pour ce qui concerne les mesures limitatives de liberté, qui sont dans le champ de la police administrative, les principes de nécessité et de proportionnalité s’appliquent, même sans texte.
Par conséquent, à la question posée à plusieurs reprises – une interdiction valable sur toute la France sera-t-elle possible ? –, la réponse est : oui, sans doute, si le degré de dangerosité démontré de la personne le justifie. En revanche, pourra-t-on rappeler un comportement dangereux identifié dix ou vingt ans plus tard ? La réponse, fondée sur la nécessité, est clairement non.
Pardonnez-moi de le dire, mais nous pouvons faire, dans ce débat, l’économie d’un certain nombre d’interrogations, qui sont tranchées depuis des décennies par les principes de base de la police administrative.