Intervention de Bernard Piras

Réunion du 16 juillet 2009 à 22h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Article 5

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

Cet amendement tend à supprimer l’article 5.

Permettez-moi, à cet instant, de rappeler la définition d’une loi de programmation militaire, que je n’ai pas inventée, puisque je l’ai trouvée en surfant sur le site du ministère de la défense.

« La loi de programmation militaire, couvrant une durée égale à six années, est l’acte solennel par lequel le Parlement, sur proposition du Gouvernement, consacre l’adhésion de la Nation à la constitution de l’instrument militaire de la politique de défense. La loi de programmation militaire est ainsi au point de convergence de plusieurs domaines, politique, militaire, mais également industriel, économique et financier. Elle est également un sujet majeur d’intérêt pour un grand nombre d’acteurs de ces sphères. La programmation pluriannuelle des crédits permet à la Défense de planifier l’acquisition des équipements nécessaires à l’accomplissement des missions des armées. »

Après la lecture de cette définition, nous devrions tous nous interroger sur l’opportunité de l’article 5.

Cet article bouleverse l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité. Il modifie le code de la défense suivant les nouvelles orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale relatives à l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité nationale. Il organise, autour du Président de la République, une concentration inédite des pouvoirs, impliquant l’extension du domaine réservé.

Le rôle du Premier ministre et le vôtre, monsieur le ministre de la défense, se trouvent amoindris à la faveur d’une redistribution des responsabilités inspirée du modèle américain de « sécurité nationale ».

Seul le ministre de l’intérieur tire son épingle du jeu. Il existe un glissement des pouvoirs vers le ministre de l’intérieur qui, grâce au concept flou de sécurité nationale, voit ses compétences considérablement grossies en matière de « réponse aux crises majeures », tout en assurant « la conduite opérationnelle des crises ».

D’ailleurs il faudrait analyser de près cette notion de « crises majeures ». S’agit-il de la mise en cause des intérêts de la nation, de la sécurité de la population, d’une catastrophe naturelle ou industrielle ? Y aurait-il la tentation d’employer différemment les forces armées dans les situations de crise intérieure ?

Et vous, les RPR, et vous, monsieur le ministre, que pensez-vous de cette notion ?

Ce chapitre est, en réalité, « hors programmation » et pourrait mériter un traitement et un débat particulier.

Il modifie le contenu de l’ordonnance n° 59–147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, alors que cette ordonnance, intégrée dans le code de la défense, était devenue au fil du temps l’un des fondements du relatif consensus national sur les questions de défense.

En réalité, cet article est là pour faire adopter, sans véritable débat, les mesures préconisées par le Livre blanc du Président de la République.

Nous pensons qu’une autre démarche est possible : le Gouvernement devrait soumettre à la représentation parlementaire un projet de loi sur la nouvelle organisation des pouvoirs publics en matière de défense.

La Constitution n’est pas officiellement et légalement modifiée, mais sa pratique le sera. D’ailleurs, vous vous souvenez certainement, monsieur le ministre, que les parlementaires socialistes membres de la commission de rédaction du Livre blanc avaient démissionné pour protester contre l’ingérence du Président de la République dans les travaux de la commission.

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, compte tenu de vos origines, je vous mets en garde sur l’intention de cette suppression.

Je sais que vous êtes tenus à un vote conforme, ce qui empêche tout débat, mais ce problème mérite sérieusement d’être débattu entre nous.

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