Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 21 novembre 2019 à 10h35
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « écologie développement et mobilité durables » - crédits « énergie » - examen du rapport pour avis

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur pour avis :

Oui, on va l'aider !

En effet, avec 6,23 milliards d'euros en 2020, le CAS TE constitue de très loin notre premier outil de financement des énergies renouvelables (ENR).

Il s'agit d'un signal tout à fait négatif pour les professionnels : on peut malheureusement penser que la budgétisation du CAS TE conduira à la compression de ses dépenses de soutien aux EnR...ainsi qu'à la captation de ses recettes par l'État.

S'agissant des dépenses de soutien aux EnR prévues par le CAS TE en 2020, elles connaissent des évolutions contrastées, dont le Gouvernement n'a pas la totale maîtrise cependant : - 3 % pour l'électricité, - 11,1 % pour les effacements, - 3,1 % pour la cogénération, mais + 88,1 % pour le biométhane.

Dans le même ordre d'idées, l'augmentation des moyens du Fonds chaleur renouvelable, qui doit atteindre 350 millions d'euros en 2020 selon le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie, est financée par un « recyclage » d'anciens crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui assure sa gestion, puisque la subvention pour charges de service public de cette agence n'évolue pas entre 2019 et 2020.

Dernier sujet : l'aide aux véhicules propres.

En 2020, la prime à la conversion sera rattachée au programme 174, aux côtés du bonus automobile.

Compte tenu du resserrement des conditions d'éligibilité de cette prime intervenu en août, elle ne bénéficiera qu'à 250 000 véhicules, contre 400 000 en 2019, pour un montant de 405 millions, contre 596 millions l'an passé.

Cela ne contribuera pas à favoriser le renouvellement des 10 millions de véhicules anciens.

Cette baisse des crédits budgétaires se traduit-elle par une baisse des prélèvements fiscaux ? La réponse est non, mes chers collègues.

Si le Gouvernement a été contraint l'an passé à un « gel » de la fiscalité énergétique à la suite de la contestation sociale que nous connaissons tous, il reconnaît lui-même une hausse de cette fiscalité de 3,9 milliards d'euros en 2020 par rapport à 2017, dont 2,4 pour les ménages et 1,5 pour les entreprises.

On observe ainsi un clair dynamisme des taxes intérieures de consommation : 10,7 % pour la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) perçue par l'État, 4,2 % pour la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), 2,6 % pour la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE).

Ces taxes augmentent à un rythme bien supérieur à leur croissance « spontanée », c'est-à-dire à celle qui résulte de l'activité économique, laquelle s'établit respectivement à 0,1 %, 1,3 % et 1,7 %.

Cette hausse est notamment due à la suppression d'incitations fiscales dont bénéficient les professionnels : le taux réduit de TICPE sur les carburants « sous condition d'emploi », la baisse de 2 centimes du remboursement au titre de la TICPE pour les transporteurs routiers, l'exonération de la TICGN pour le biométhane injecté dans les réseaux.

Au total, c'est une charge fiscale pérenne de 1 milliard d'euros qui sera appliquée à ces professionnels !

Par ailleurs, la fiscalité énergétique poursuit un objectif de rendement budgétaire de plus en plus évident : en 2020, l'État percevra ainsi 43,2 % des recettes de la TICPE, contre 18,8 % pour le CAS TE, compte tenu de la baisse de 700 millions des recettes de ce compte.

Enfin, la reprise de la « trajectoire carbone » a fait l'objet d'un débat dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat.

Il n'est donc pas exclu qu'elle soit réintroduite si la convention s'exprime en ce sens.

Cela est d'autant plus préoccupant que les rapporteurs du Conseil des prélèvements obligatoires, qui a publié une récente étude sur le sujet, m'ont indiqué que l'impact de la fiscalité carbone était mal évalué.

Dans ce contexte, mes chers collègues, il y a fort à parier que les objectifs de notre transition énergétique seront très difficilement atteints.

En effet, nous n'en sommes qu'à mi-parcours, avec 16 % de consommation d'énergie renouvelable en 2017, contre un objectif de 33 % en 2030 pour la loi « Énergie-Climat » et 390 000 rénovations énergétiques en 2014, contre un objectif de 500 000 par an selon la loi « Transition énergétique ».

Constatant l'insuffisance des moyens prévus par le PLF pour 2020 au regard des objectifs de la loi « Énergie-Climat », je ne peux que proposer un avis défavorable sur les crédits présentés.

Pour autant, face à l'urgence d'agir contre les changements climatiques, il me semble indispensable de porter un débat plein et entier en séance publique sur le financement de notre transition énergétique. C'est pourquoi j'invite l'ensemble des commissaires qui le souhaitent à cosigner des amendements de première et de seconde parties que je présente à titre personnel ; ils sont destinés à obtenir du Gouvernement des réponses précises sur les enjeux les plus cruciaux du PLF pour 2020.

En premier lieu, je propose trois amendements de nature budgétaire destinés à modifier la répartition des crédits « Énergie ».

Le premier vise à abonder de 50 % le montant de la sous-action du programme 174 portant sur la revitalisation des territoires touchés par les fermetures de centrales.

En effet, si la création de cette sous-action est tout à fait utile, et répond d'ailleurs à une préconisation formulée en ce sens par notre commission l'an passé, le montant de 40 millions d'euros prévu est insuffisant pour accompagner à la fois les fermetures de centrales à charbon d'ici à 2022 ainsi que la fermeture de la centrale de Fessenheim dès 2020.

Le deuxième amendement tend à allouer 40 millions d'euros supplémentaires au Fonds chaleur renouvelable, qui soutient la production et la gestion des réseaux de chaleur et de froid.

Ce choix est dicté par la nécessité d'atteindre notre objectif d'au moins 38 % de chaleur renouvelable en 2030, tel que le prévoit la loi « Énergie-climat »... cette proportion n'étant que de 21,3 % en 2017.

Il est justifié par le fait que l'équilibre financier de ce fonds n'est atteint que grâce au « recyclage » d'anciens crédits que j'ai indiqué.

Enfin, le dernier amendement prévoit de relever les crédits du chèque énergie de 75 millions d'euros, de manière à lui permettre de financer effectivement les dépenses de rénovation énergétique auxquelles ils donnent droit, suivant en cela une préconisation qui m'a été faite par le médiateur national de l'énergie.

Cette modification permettrait de revaloriser le chèque énergie de 25 euros en moyenne, relevant ainsi son montant minimal à 73 euros - + 50 % environ - et son montant maximal à 302 euros - + 10 % environ.

Au-delà de ces crédits, je porte également plusieurs amendements de nature fiscale, avec mes collègues Jean-François Husson, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Écologie », et Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de notre commission pour le logement.

Tout d'abord, je propose des amendements tendant à rétablir partiellement l'éligibilité au CITE des ménages des 9e et 10e déciles ainsi que pour certains équipements, dont les chaudières THPE hors fioul et les appareils de régulation de chauffage.

Par ailleurs, je défends le maintien du CAS TE au-delà du 30 décembre 2020, le rétablissement des incitations fiscales sur la TICPE et la TICGN que j'ai évoqué ainsi que l'évaluation de toute réforme éventuelle de la fiscalité carbone.

Je précise que ces amendements viennent de vous être adressés, le délai limite pour cosigner ceux de la première partie étant fixé, aujourd'hui, à 14 h 30.

Voilà en somme ce que je voulais vous dire sur le premier budget suivant l'adoption de la loi « Énergie-Climat » : seul un effort budgétaire et fiscal suffisant peut nous permettre d'atteindre en 2050 l'objectif de neutralité carbone que nous avons voté !

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