Intervention de Bernard Jomier

Commission des affaires sociales — Réunion du 20 novembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission « santé » - examen du rapport pour avis

Photo de Bernard JomierBernard Jomier :

Sur le programme 204, je souscris aux propos tenus par la rapporteure. Je ne trouverais pas bon que le budget de l'État en matière de santé finisse par se résumer à l'AME. Ce serait un contre-signal politique total.

Le transfert du financement de l'ANSP vers l'assurance maladie suscite, partout où j'en ai entendu parler, une incompréhension si grande que je me demande comment l'Assemblée nationale a pu le voter.

Sur le programme 183, je voudrais dénoncer la mise en scène à laquelle nous avons assisté, qui a commencé par la dénonciation de la fraude. Le secrétaire général du parti présidentiel nous a tout de même expliqué que des femmes se faisaient poser des prothèses mammaires aux frais de l'AME, avant de se rétracter. De vraies fausses nouvelles ont ainsi été versées au débat public dans un objectif politique. La mise en scène a continué avec le rapport de l'IGAS et de l'IGF sur la réalité de la fraude : nous allions voir ce que nous allions voir ! Et nous avons vu... Il faut être sérieux : le rapport montre que la fraude à l'AME existe, mais qu'elle est trois fois inférieure à la fraude à l'assurance maladie. La fraude est marginale, et se limite à quelques filières organisées. Si l'on me demande d'enrayer la fraude et de lutter contre les filières organisées, je signe sans réserve. Mais instrumentaliser la fraude pour empêcher d'honnêtes personnes d'accéder à un dispositif auquel ils ont droit, ça, c'est inacceptable.

Sur le délai de carence, distinguons le droit formel du droit réel. Le droit formel proposé consiste en un délai de trois mois de carence pour bénéficier de l'AME. Dans la réalité, c'est beaucoup plus long, ceux qui ont rempli un dossier d'AME - ils sont concentrés à Paris, Bobigny et dans les Bouches-du-Rhône - le savent : il faut six à neuf mois pour faire ouvrir les droits ! Pendant ce temps, les malades vont se faire soigner à l'hôpital ou en ville. Un bénéficiaire de l'AME qui suit un traitement chronique subit en outre des ruptures de prise en charge. Si j'ai bien compris, le Gouvernement justifie les trois mois de carence par la symétrie avec nos compatriotes revenant de l'étranger. Espérons que ce sera le droit réel ; nous en reparlerons dans deux ans. Mais, de fait, l'ingéniosité administrative empêche le droit de s'appliquer.

Je défends pour ma part la position de l'Académie de médecine et du Défenseur des droits : pour appliquer le droit commun, exercer les contrôles nécessaires et faire en sorte que les personnes soient soignées, il faut fondre ce régime dans celui de l'Assurance maladie. Pour le coup, ce serait un bon transfert.

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