Commission des affaires sociales

Réunion du 20 novembre 2019 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • AAH
  • addiction
  • bénéficiaire
  • combattant
  • pauvreté
  • prime
  • revalorisation

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Mes chers collègues, avant de laisser la parole à Bruno Gilles, rapporteur pour avis sur la mission anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation pour la présentation du premier des quatre rapports de la matinée, je voudrais évoquer la nouvelle lecture du PLFSS pour 2020.

Comme vous le savez, nous examinerons le texte le samedi 30 novembre et le dimanche 1er décembre, avant une lecture définitive à l'Assemblée nationale le lundi 2 décembre, le délai constitutionnel prévu pour l'examen du texte par le Parlement expirant le 3 décembre.

Je rappelle que le Sénat ayant rejeté l'ensemble du texte, tous les articles sont en discussion. Nous ne pourrons cependant pas y consacrer le même temps qu'en première lecture puisque nous aurons, à nouveau la semaine prochaine, quatre avis budgétaires à examiner en commission.

Je vous propose, par conséquent, que le rapporteur général nous expose uniquement les éléments nouveaux par rapport à la première lecture sans que nous ouvrions un débat sur des amendements déjà adoptés une première fois.

De la même manière, pour l'examen des amendements de séance, je propose qu'il nous indique les amendements pour lesquels il propose un avis favorable à la commission, sans qu'il soit besoin de passer de nouveau en revue l'ensemble des amendements. Je vous rappelle que nous avons passé huit heures en commission lors de la première lecture. Dans ces deux cas, des tableaux récapitulatifs seraient mis à disposition sur Demeter. Si vous en êtes d'accord, cela nous permettrait de ne maintenir que les réunions prévues le 27 novembre en début d'après-midi pour l'examen du rapport et le vendredi 29 novembre à la suspension pour l'examen des amendements de séance.

Je vous rappelle qu'il s'agit d'une nouvelle lecture et qu'aucun amendement tendant à insérer un article additionnel sans lien direct avec les dispositions restant en discussion ne pourra être accepté. Pour l'instant, nous attendons de savoir ce que va faire le Gouvernement.

Y a-t-il des oppositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je comprends que nous n'aurons pas le temps en commission d'examiner les amendements ; de ce fait, l'avis qui sera donné en séance publique sur ces amendements sera-t-il exclusivement celui du rapporteur général ou celui de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le rapporteur général ne prendra pas les amendements un par un, car il y en aura près de 400, mais il vous présentera un tableau où seront présentés les avis favorables et les avis défavorables. Nous voterons en bloc les avis défavorables et en bloc les avis favorables. Ce sera donc l'avis de la commission.

Il en est ainsi décidé.

Nous passons à l'examen de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » visent principalement à financer les prestations de réparation, c'est-à-dire notamment les pensions militaires d'invalidité, les prestations de reconnaissance, notamment la retraite du combattant, l'indemnisation des victimes de persécutions antisémites et d'actes de barbarie, de manière plus marginale, un certain nombre d'actions mémorielles et de commémorations et les actions concourant à renforcer les liens entre la Nation et son armée.

Le temps faisant son effet, le nombre de bénéficiaires des dispositifs financés par cette mission décroît chaque année, entraînant une baisse mécanique des dépenses.

Les crédits demandés pour 2020 s'élèvent ainsi à un peu plus de 2 milliards d'euros, ce qui représente une baisse de 6 % par rapport aux crédits que nous avions votés l'année dernière.

Les marges de manoeuvre ainsi dégagées permettent au Gouvernement de donner satisfaction à certaines revendications du monde combattant. Cela a été le cas l'année dernière avec l'attribution de la carte du combattant aux militaires ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964, demande qui avait été relayée par le Sénat. Le Gouvernement prévoyait que 35 000 demandes seraient formulées à ce titre en 2019, et il semble que cette prévision sera dépassée, en raison de la forte mobilisation des associations et de la réactivité des services instructeurs que nous pouvons saluer.

Cette année, un geste est fait en faveur des conjoints survivants de grands invalides de guerre, qui verraient leur pension revalorisée d'environ 1 300 euros par an en moyenne. Cette mesure ne concernerait toutefois que 461 personnes, pour un coût limité à 600 000 euros.

L'année 2020 devrait enfin voir la constitution d'une commission tripartite réunissant associations d'anciens combattants, parlementaires et représentants du Gouvernement afin d'envisager une revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, qui a évolué moins vite que l'inflation sur la période récente. Une telle revalorisation aurait un effet pour tous les bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité ou de la retraite du combattant. Nous suivrons donc avec intérêt les travaux de cette commission.

La baisse du nombre d'anciens combattants a par ailleurs un impact sur l'activité de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Comme nombre d'entre vous, je suis très attaché au maintien du maillage territorial permis par le réseau des offices départementaux. Si des inquiétudes ont pu naître à ce sujet, je dois dire que j'ai été rassuré par le discours de la nouvelle directrice générale de l'ONACVG, Mme Peaucelle-Delelis, qui a fait du maintien de la proximité l'un des axes de son projet, et il me semble que le Gouvernement, ou du moins Mme Darrieussecq, est sur la même ligne. Un nouveau contrat d'objectifs et de performance doit être conclu en 2020, qui traduira, je l'espère, cette orientation.

L'ONACVG verrait les crédits budgétaires qui lui sont attribués par l'État baisser de plus de 23 millions d'euros et cette baisse appelle des explications. Elle correspond à des efforts de rationalisation des dépenses et à une baisse des effectifs, des efforts cohérents avec ce qui est demandé à l'ensemble des opérateurs de l'État.

Par ailleurs, la baisse des dotations de l'État serait compensée par un prélèvement sur la trésorerie de l'opérateur, à hauteur de 17,5 millions d'euros. Cette mesure peut paraître acceptable en 2020, mais suscite des inquiétudes pour les années suivantes.

En effet, l'excédent de trésorerie de l'ONACVG s'élèvera en 2019 à 36 millions d'euros, soit environ 35 % de ses dépenses annuelles. Il ne m'apparaît donc pas déraisonnable que cet excédent soit apuré. Toutefois, cette mesure de gestion ne pourra pas être rééditée chaque année. Il faudra donc l'année prochaine et les années suivantes que la secrétaire d'État se batte pour obtenir à nouveau les crédits dont elle se prive cette année.

J'évoquerai à présent la politique de mémoire. Chacun sait combien cette politique est nécessaire, aujourd'hui plus que jamais, et la disparition progressive des témoins des grands événements de notre histoire ne doit surtout pas conduire à un oubli collectif. Les crédits qui lui sont consacrés baissent de 5 millions d'euros, soit plus de 30 %, mais cette baisse doit être nuancée, car elle s'explique en grande partie par des facteurs conjoncturels.

L'année 2019 a en effet été marquée par les célébrations du 75e anniversaire des Débarquements et de la Libération, par l'achèvement attendu depuis longtemps du monument aux morts en Opex et par la dissolution du groupement d'intérêt public (GIP) « Mission du centenaire ».

Par ailleurs, une partie du prélèvement sur la trésorerie de l'ONACVG, soit 4,5 millions d'euros, sera consacrée à la rénovation, à l'entretien et à la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire. Si la baisse des crédits dédiés au soutien aux projets mémoriels et pédagogiques me paraît regrettable, elle ne représente en fait que quelques centaines de milliers d'euros.

La transmission de la mémoire passe également par la journée défense et citoyenneté (JDC), qui continue à être organisée chaque année pour plus de 760 000 jeunes avant d'être peut-être un jour intégrée dans le service national universel (SNU). J'approuve la mesure annoncée par le Gouvernement tendant à majorer l'indemnité de transport versée aux jeunes qui se rendent à leur JDC : celle-ci passerait de 8 euros à 10 ou 20 euros en fonction de la distance séparant le lieu du stage du domicile.

Il n'y a qu'un seul article rattaché à la mission sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui. Il s'agit de l'article 73 E, issu d'un amendement du Gouvernement, qui vise à maintenir la réduction dont bénéficient les pensionnés du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre sur les tarifs des transports ferroviaires. En effet, les dispositions actuelles, qui ont vocation à être abrogées à la fin de l'année, mentionnent la SNCF, qui perdra bientôt son monopole pour le transport ferroviaire de voyageurs. Cet amendement n'a pas de conséquence budgétaire dans la mesure où les crédits nécessaires étaient déjà inscrits dans le projet de loi de finances.

Je souhaiterais enfin vous signaler un article non rattaché à la mission, qui a été inséré par l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur. L'article 58 quinquies tend à accorder la demi-part fiscale dont bénéficient les anciens combattants âgés d'au moins 74 ans aux veuves du même âge dont le défunt conjoint bénéficiait de la retraite du combattant. Cette mesure entrera en vigueur en 2021 et coûterait tout de même 30 millions d'euros par an. Je note que, si certaines associations d'anciens combattants réclamaient une mesure en ce sens, ce n'était pas l'une des plus importantes. Par ailleurs, cette mesure ne fait que déplacer la borne d'âge qui était critiquée par le monde combattant, et nous serons peut-être saisis dans quelques années de demandes de veuves dont le conjoint est mort à 64 ans, juste avant de bénéficier de la retraite du combattant.

En conclusion, malgré mon regret relatif à l'insuffisance des crédits de la politique de mémoire et ma vigilance quant aux crédits alloués à l'ONACVG, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Ce rapport appelle plusieurs remarques de notre part notamment sur la baisse des crédits de 142 millions d'euros.

Le programme 167 consacré au financement de la journée défense et citoyenneté et aux actions de mémoire enregistre un repli de 12,8 %. Sur la politique de mémoire, on revient à l'étiage une fois les commémorations de la Grande Guerre terminées. Nous ne pouvons admettre que les crédits de la politique de mémoire soient aussi dépendantes des commémorations exceptionnelles.

Le programme 158 relatif aux indemnités accordées aux victimes d'actes de barbarie et de persécutions commis pendant l'occupation voit ses crédits baisser de 11,7 %. Cela pose un problème. L'an dernier, le Sénat avait voté l'extension de l'indemnisation des orphelins victimes d'actes de barbarie. Le projet de budget pour 2020 ne le permet pas.

Le programme 169 regroupe la plupart des crédits de la mission avec 2 milliards d'euros et enregistre une baisse de 5,8 %. En conséquence, les ressources prévues pour financer les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant notamment sont réduites.

En outre, il n'y a pas de revalorisation des pensions militaires d'invalidité. Du fait des évolutions démographiques, la mission dégage des économies importantes. Cette sous-indexation des allocations des anciens combattants nous semble donc mesquine et injuste.

Les moyens de l'ONACVG, rattachés au programme 169, diminuent. On enregistrera 42 emplois supprimés en 2020, dont 25 dans les services départementaux. Il est pourtant impératif de conserver le maillage territorial de l'ONACVG afin de maintenir proximité et qualité de service. La dématérialisation ne doit pas servir de prétexte pour faire des économies au détriment de l'accompagnement du monde combattant.

L'argument de la baisse du nombre de ressortissants pour comprimer le budget de l'ONACVG n'est pas le bon. Entre 2012 et 2017, la majorité de gauche a augmenté chaque année de 1 million d'euros le budget de l'action sociale de l'ONACVG, pour le porter à 26 millions d'euros.

Enfin, la prise en charge psychologique et financière des victimes de terrorisme est l'une des nouvelles missions de l'ONACVG, et elle va malheureusement monter en charge. Cela nécessite d'augmenter le budget et non d'effectuer toutes ces coupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Micouleau

Après avoir rencontré M. Serge Amorich, délégué de la Fédération nationale des rapatriés basé sur mon département, je souhaite revenir sur la légitime indemnisation des supplétifs civils de droit commun durant la guerre d'Algérie, car elle n'a toujours pas été acceptée par le Gouvernement : ce geste demandé est une aide unique et exceptionnelle de 4 106 euros par personne. À ce jour, ils ne sont plus que 25 et la somme totale nécessaire s'élèverait à 106 834 euros. M. Gireaud, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale a déposé un amendement, qui a été adopté en commission, puis retiré après les promesses de la secrétaire d'État. Or, les arguments de Mme Darrieussecq ne sont pas convaincants et il faut apporter une reconnaissance aux anciens supplétifs civils de droit commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Nous déplorons la baisse des crédits consacrés à l'ONACVG. Le Gouvernement va puiser dans les réserves qui sont limitées.

Derrière la départementalisation se pose la question du désengagement de l'État, qui pourrait conduire à un transfert vers les conseils départementaux. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce sujet.

Concernant la commission tripartite sur l'évolution du point d'indice PMI, avez-vous des informations relatives au calendrier ?

Nous sommes également inquiets au sujet du devoir de mémoire. Certains événements justifient les baisses de crédits, mais, dans cette période où il est important de se souvenir du passé, il aurait été intéressant de consentir un effort.

Enfin, lorsque l'on évoque les budgets consacrés aux indemnités ou aux allocations des conjoints survivants, il est important de ne pas oublier les interventions en opérations extérieures (OPEX).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Vous nous avez rassurés, monsieur le rapporteur, sur le maintien des offices départementaux des anciens combattants (ODAC) dans nos départements, mais je vois se dessiner une transformation en service de l'État dans les préfectures. Il faut être vigilant.

Tous les ans, nous constatons une diminution des effectifs, mais il faudra que Bercy accepte, au moins une fois, de conserver un petit reliquat pour augmenter la retraite du combattant.

Mme Darrieussecq, lorsqu'elle a pris ses fonctions, nous avait rassurés, mais elle doit toutefois nous communiquer des informations plus précises sur la commission tripartite.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Le projet de budget pour l'an prochain perd 142 millions d'euros. Il s'établit à 2,16 milliards d'euros et seule une modique revalorisation de 600 000 euros est envisagée pour les anciens combattants. Elle permettra de revaloriser les pensions de 641 conjoints survivants de grands invalides. Ainsi, 125 millions d'euros seront économisés cette année sur le programme « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Les associations d'anciens combattants et notamment la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc, Tunisie de Paris (FNACA) nous ont interpellés sur le droit à réparation des anciens combattants et notamment sur la question de la demi-part des veuves d'anciens combattants.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Nous devons être vigilants, car, chaque année, le budget baisse, et on nous dit que cela est lié à la diminution du nombre de ressortissants. Les commémorations de l'an dernier ont permis d'attirer beaucoup de jeunes autour des monuments et de transmettre cette mémoire. Il conviendrait de maintenir ce budget notamment pour les commémorations de la Seconde Guerre mondiale.

La directrice de l'ONACVG nous a rassurés. Elle souhaite conserver le maillage territorial. Nous n'ignorons toutefois pas que ce n'est pas elle qui décidera.

La retraite du combattant devrait aussi pouvoir être augmentée, car il s'agit d'un montant très faible.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Gilles

Sur le programme 158, la baisse est cohérente avec la disparition du nombre de victimes. C'est la même chose pour le programme 169.

La revalorisation du point d'indice, et donc de toutes les prestations servies aux anciens combattants, sera l'objet de la commission tripartite dont nous espérons la mise en place dès 2020. Les parlementaires y siégeront et ce sera à nous de fixer des règles de revalorisation satisfaisantes. Il faudra tenter d'obtenir en séance la date de sa mise en place.

Sur les supplétifs civils de droit commun, la réponse de la ministre clôt le débat, car les cas ont été traités de manière personnalisée.

La nouvelle directrice générale de l'ONACVG nous a tous rassurés et affirmé son souhait de maintenir le maillage départemental des ODAC.

La revalorisation de la pension des veuves de grands invalides ne représentera en 2020 que 600 000 euros, mais l'Assemblée nationale a adopté un amendement concernant la demi-part des veuves qui coûterait 30 millions d'euros à partir de 2021.

Les crédits dédiés à la politique de mémoire s'élèveraient à un peu moins de 11 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 5 millions par rapport à 2019. Elle s'explique par plusieurs facteurs conjoncturels. L'année 2019 a été marquée par le 75e anniversaire des débarquements et de la libération du territoire national. Les commémorations prévues en 2020 seraient nettement moins coûteuses. Un demi-million d'euros avait été versé au GIP « mission du centenaire », désormais dissout : cette subvention n'est naturellement pas renouvelée en 2020. Enfin, en 2019, le monument aux morts en OPEX a été achevé.

L'ONACVG participera à hauteur de 4,4 millions d'euros au financement de la politique de mémoire au titre de la rénovation, de l'entretien et de la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.

Ainsi, les crédits dédiés à la politique de la mémoire seraient en hausse. Il demeure cependant vrai que la diminution des crédits dédiés au soutien de projets mémoriels de toute nature est regrettable, mais cette baisse serait de l'ordre de 500 000 euros, qu'il convient de comparer aux 2,16 milliards de crédits de la mission.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et de l'article 73 E rattaché.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Il me revient de vous présenter les crédits de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la Mildeca. Placée auprès du Premier ministre, cette structure anime et coordonne les initiatives de l'État en matière de lutte contre les addictions, avec ou sans substances.

Un mot, d'abord, sur la situation des addictions dans notre pays. D'abord, la consommation de tabac poursuit sa diminution. D'après l'édition 2019 du baromètre annuel de Santé publique France, le nombre de fumeurs a baissé de 1,6 million, soit 12 %, en deux ans. Ces bons résultats sont sans nul doute le fait des politiques conduites depuis des années : hausse du prix du tabac, paquet neutre, opération « Mois sans tabac », etc. Les enquêtes qualitatives montrent en outre que la perception du tabac a été efficacement dégradée : 54 % des personnes interrogées estiment que l'on est moins bien accepté quand on est fumeur.

La situation de l'alcool est plus ambigüe, en raison de l'image qu'il garde dans l'esprit des Français. La part de l'usage régulier est en recul et celle de l'usage quotidien s'est stabilisée autour de 10 %, alors qu'elle atteignait 22 % en 2000.

Mais pour 56 % de nos concitoyens, offrir ou boire de l'alcool fait partie des règles de savoir-vivre, et près d'un sur deux estime qu'il est acceptable de boire son premier verre d'alcool avant 18 ans. En conséquence, la consommation d'alcool reste une pratique courante, près de 90 % des personnes déclarant une consommation au moins une fois dans l'année. Surtout, près de 10,6 millions de personnes dépassent les seuils de consommation à moindre risque fixés par les pouvoirs publics sur recommandation des experts sanitaires : pas plus de 10 verres par semaine et 2 par jour ; respecter des jours sans consommation.

Plus globalement, il faut rappeler que tabac et alcool continuent à faire des ravages dans notre pays : le tabac tue chaque année 75 000 personnes et l'alcool 41 000.

S'agissant des autres psychotropes, le tableau est également contrasté : le cannabis recule chez les jeunes mais semble s'installer chez les adultes, et les stimulants et euphorisants de toutes sortes rencontrent un succès certain, quoique dans des publics très choisis.

La prévalence de la consommation de cannabis est toujours la plus élevée d'Europe, chez les jeunes comme chez les adultes. L'expérimentation concerne 45 % des adultes de 18 à 64 ans, et l'usage régulier, qui a diminué de deux points en trois ans chez les jeunes de 17 ans, a été multiplié par deux chez les adultes depuis 2000 pour atteindre 11 % ! Un quart des usagers présentent un risque élevé d'usage problématique ou de dépendance, progression en hausse de quatre points depuis 2014 : plus d'un million de personnes sont concernées.

L'usage déclaré de la cocaïne au cours de l'année écoulé a été multiplié par 8 entre 2000 et 2017, mais ne concerne que 1,6 % de la population. Les consommateurs de crack, forme basée de la cocaïne, sont de plus en plus nombreux, et les saisies sont les plus élevées depuis 2000. Le marché progresse en Ile-de-France et dans le nord de la France.

La part des expérimentateurs d'héroïne est stable, à 1,3 % des 18-64 ans. Les opioïdes restent les produits les plus impliqués dans les décès directement liés aux drogues, mais leur consommation est orientée à la baisse et la surveillance des pouvoirs publics a pour l'heure contenu la survenance d'une crise comme celle qui sévit aux États-Unis.

Les espaces festifs restent propices à l'expérimentation de préparations chimiques euphorisantes, solvants, ou nouveaux produits de synthèse. Leur consommation est donc limitée à des publics restreints, mais ils peuvent avoir des conséquences sanitaires sérieuses. Le poppers est ainsi l'un des produits psychoactifs les plus expérimentés par les jeunes de 17 ans après l'alcool, le tabac et le cannabis, et l'usage détourné du protoxyde d'azote, peu cher et accessible légalement, connaît un certain succès chez les plus jeunes. Depuis la rentrée, c'est le Buddha Blue, un cannabinoïde de synthèse, qui inquiète les autorités sanitaires, en Normandie notamment.

Cette année, j'ai en outre souhaité m'intéresser plus particulièrement à la dépendance chez les jeunes, en auditionnant notamment le docteur Olivier Phan, chercheur à l'Inserm. L'addiction aux jeux vidéo est encore mal connue. Elle se développe sur un terrain psychologique fragile, souvent de type phobique ou propice à l'isolement, fragilités sur lesquelles la prévention a peu d'effets. Il faut donc encourager le repérage précoce de ces comportements à risques, parfois plus dangereux pour l'adolescent que le cannabis, au sein de l'éducation nationale, et agir plus transversalement en limitant l'exposition des jeunes aux écrans.

L'année 2019 a été marquée par le lancement du nouveau plan d'action gouvernemental, baptisé cette fois « plan national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 ». Plusieurs fois annoncé et reporté, il a finalement été validé par le cabinet du Premier ministre en décembre 2018. Derrière le changement sémantique se cache, en première analyse, une arborescence touffue d'axes, de priorités et d'objectifs, hérissée de plus de 200 mesures.

Ces 130 pages, aussi avenantes que les meilleurs documents budgétaires, font d'abord craindre, sous couvert d'efficacité technocratique, une certaine dispersion de l'action publique et un regrettable saupoudrage des moyens.

Le risque de dispersion a été encore accru par la création, à l'article 38 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, d'un fonds de lutte contre les addictions au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie. Sa gouvernance a été mise en place par le décret du 21 juin 2019, et sa capacité atteint les 120 millions d'euros. L'idée est intéressante, mais le Fonds d'intervention régional, le programme 204 de la mission « Santé » ou la Mildeca elle-même financent déjà des actions analogues, ce qui peut conduire à s'interroger sur la juxtaposition des structures de financement.

Il faut sans doute déplorer l'absence de mesure emblématique en matière de lutte contre l'addiction à l'alcool, la priorité étant mise sur le respect de l'interdiction de vente aux mineurs, ou de plan national de prévention des dangers du cannabis.

Notons toutefois quelques éléments de satisfaction : le plan tient compte de quelques préconisations de notre commission sur les plans antérieurs, s'agissant notamment de l'équivalence des soins en prison, de la prise en compte des addictions outre-mer, ou de l'attention accordée aux addictions sans substance.

De plus, un arrêté du 15 juillet 2019 a réduit de 3 à 1 an la durée minimale de fonctionnement des salles de consommation à moindre risque et ouvert leurs portes aux consommateurs autres qu'injecteurs - aux inhalateurs, par exemple - ainsi que je l'avais suggéré l'an dernier. L'ouverture d'un nouveau centre est cependant, hélas, retardée par la perspective des prochaines municipales.

Pour relever ces défis, la Mildeca dispose de moyens assez réduits, et dont la baisse se poursuit en 2020 : 17,1 millions d'euros, soit une diminution de 2,3 % par rapport à 2019. Il faut en outre se rappeler que son budget avait déjà diminué de 25 % depuis 2012.

La Mildeca bénéficie cependant aussi d'un dixième du montant du fonds de concours « drogues », alimenté par le produit de la vente des biens saisis et confisqués aux trafiquants de drogues. Leur montant devrait retrouver à la fin de l'année les niveaux enregistrés il y a dix ans, soit près d'une vingtaine de millions d'euros. La Mildeca consacre cette somme à des actions de prévention. Bonne nouvelle en apparence pour la Mildeca, cette somme témoigne aussi de l'efficacité de forces de police sans doute, mais aussi de la vigueur des trafics...

Les deux opérateurs de la Mildeca, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et le Centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad), voient leur subvention pour charges de services publics très légèrement diminuer.

La baisse de la dotation de l'OFDT tient en réalité compte du déménagement de l'organisme dans des locaux domaniaux, ce qui lui économise des charges de loyers non négligeables. L'OFDT dispose d'un programme d'études chargé pour l'an prochain, qui devrait mieux tenir compte des addictions sans substances, et son organisation interne devrait être refondue pour plus d'efficacité.

Le Cifad, quant à lui, est chargé de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre les drogues avec les États de la Caraïbe et d'Amérique latine. Il est basé depuis sa création, en 1992, à Fort-de-France. La forte baisse du nombre d'actions menées par le Cifad en 2018 a conduit la Mildeca à proposer qu'il fasse l'objet d'une mission de l'inspection générale de l'administration (IGA). Celle-ci a préconisé en juin dernier de modifier substantiellement ses missions, son organisation et son mode de pilotage. Sa transformation devrait être conduite l'an prochain.

Sur ces considérations, je vous propose, mes chers collègues, d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Dans la mesure où les crédits de la Mildeca diminuent, et où ceux que l'Assurance maladie consacre aux mêmes actions augmentent, ne risque-t-on pas de voir la Mildeca disparaître ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Dispose-t-on d'une évaluation des salles de consommation à moindre risque ?

Le plan de mobilisation contre les addictions 2018-2022 contient-il des mesures relatives à l'addiction aux jeux ? C'est probablement l'une des plus dures, qui provoque d'assez nombreux suicides chaque année. Alors que la Française des jeux est en voie de privatisation, j'ai l'impression que ce problème est passé sous silence.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Je remercie Mme Deseyne pour son rapport, toujours très riche.

Ma question rejoint la vôtre, monsieur le président : doit-on s'inquiéter de la disparition prochaine de la Mildeca ?

Le plan de mobilisation contre les addictions 2018-2022 a été validé par le Premier ministre en décembre 2018, donc après le vote du budget pour 2019. A-t-on des éléments précis sur les premières actions menées dans ce cadre ?

Le bleu budgétaire indique que les risques liés à la consommation de produits psychoactifs sont encore assez méconnus par la population. Le Gouvernement propose d'y remédier par une sorte de débat public. Qu'en sait-on, plus précisément, à ce stade ? Plus généralement, on ne peut qu'être préoccupé par la baisse des crédits prévus pour mener de telles actions à bien.

Enfin, je veux dire mon étonnement devant les réactions que suscitent chaque année dans l'hémicycle, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les mesures de santé publique que notre commission défend. Cette année encore, nous avons passé un temps disproportionné à examiner des amendements de défense des alcooliers, et certains de nos collègues quittaient même les débats une fois ceux-ci passés. Nous avons encore du travail d'éducation à faire, et pas seulement à l'égard de la population générale...

Debut de section - PermalienPhoto de Nadine Grelet-Certenais

L'addiction aux écrans est devenue, en quelques années, un vrai sujet. J'ai longtemps cru que placer son tout-petit devant un écran pour lui faire manger sa purée était un phénomène marginal, mais de très nombreux jeunes parents se disent désemparés à ce point - je le constate dans mon entourage ! Il faut absolument que le message « 3-6-9-12 », qui vise notamment à proscrire les écrans avant trois ans, soit passé au plus grand nombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Je m'interrogeais également sur la nécessité de réfléchir plus en profondeur sur l'addiction aux jeux, des très jeunes enfants notamment, ainsi que sur les retours d'expérience sur les salles de consommation à moindre risque.

Que sait-on précisément de la baisse d'activité du Cifad, et de la reconfiguration annoncée de ses missions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Les chiffres affichent en effet une disproportion entre les crédits de la Mildeca et ceux portés par le fonds de lutte contre les addictions : 17 millions d'un côté, 120 de l'autre. Ce n'est toutefois pas forcément inquiétant, sous réserve que l'organe chargé de coordonner la politique en la matière a les prérogatives qui lui permettent de le faire. Pour ma part, je ne mènerai pas une guerre de religion sur les financements de la Mildeca. Le problème, c'est que les plans nationaux contiennent de plus en plus de mesures, qu'aucune ligne politique n'apparaît et que les moyens pour les mettre en oeuvre ne suivent pas. Ces plans à plusieurs centaines de mesures ont été écrits par de très bons techniciens mais ils révèlent l'absence d'intérêt et de vision politique du sujet.

Sur le tabagisme, nous avons certes une bonne politique et, d'ailleurs, la consommation de tabac recule. Sur l'alcool, les choses sont plus compliquées, notamment car le chef de l'État a estimé qu'il ne fallait pas envoyer de signaux négatifs à l'industrie - du vin, en particulier. Il vient d'ailleurs de décider que n'aurait pas lieu l'initiative « Janvier sobre » : on peut certes discuter de sa pertinence, mais est-ce vraiment au chef de l'État de se mêler de telles affaires, de si bas niveau dans la hiérarchie des initiatives publiques, et pour tout dire si peu jupitériennes ? Il y a manifestement une difficulté à aborder ces questions sous l'angle de la santé publique de manière cohérente ; 20 % de personnes ne respectant pas les normes de consommation à moindre risque, c'est une proportion bien trop élevée, et qui pose d'autres problèmes de société - les violences faites aux femmes, par exemple.

S'agissant du cannabis, on continue à se mettre la tête dans le sable. Notre politique ne marche pas ! Le cannabis est une substance dangereuse pour la santé, elle est massivement consommée, et notre politique de guerre à tout prix est un échec ! Toutes les pistes peuvent être mises sur la table mais, au moins, changeons quelque chose.

Deux grands principes manquent à cette politique : intégration et déconcentration. Il faut plus d'intégration, c'est-à-dire une autorité qui la pilote vraiment, afin d'éviter la dispersion des moyens, et plus de déconcentration, car les enjeux varient selon les territoires. À Paris, nous avions mis en place une mission métropolitaine de prévention des conduites à risque, pour analyser les enjeux de dépendance, parmi lesquels figuraient les jeux vidéo. Les salles de consommation à moindre risque ne règleront pas du tout le problème des addictions, car elles s'adressent à un public désocialisé. Elles correspondent néanmoins à un besoin, à Strasbourg comme à Paris, et je crois néanmoins que d'autres ouvriront, une fois les municipales passées.

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Lassarade

Je voudrais revenir sur les addictions sans substance. Je suis frappée, quand je rencontre les maires des petites communes, par l'intérêt qu'ils portent aux tableaux numériques en maternelle. Or ces enfants ont déjà chez eux, dès le petit déjeuner, non plus les dessins animés de la télévision mais la tablette sous les yeux ! Je suis assez révoltée contre l'installation systématique de tels outils en maternelle, dans lesquels les parents voient une autorisation à ce que les écrans pénètrent tous les aspects de la vie quotidienne. L'éducation nationale devrait jouer un rôle plus important, dès la petite enfance, pour prévenir l'exposition précoce.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Le législateur ayant beaucoup fait contre les addictions depuis des années, les progrès sont plutôt à attendre du côté de l'application de la loi. Souvenez-vous des publicités rappelant que « celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas » : autrement dit, le passager, lui, peut boire comme un trou ! Je sais telle jeune femme qui a dû subir une greffe de foie à 24 ans, après des années d'alcoolisation excessive en soirée. Les publicités peuvent être très nocives. Ce n'est pas que le fait de prendre le volant qui est nocif, c'est l'alcool lui-même !

Et je ne dis rien de certains comportements, comme l'engouement phénoménal pour l'« apéro » ! À Paris, les terrasses sont remplies de jeunes qui boivent pendant des heures, phénomène n'existait pas il y a quelques temps. Cela conduit à se poser des questions.

D'aucuns considèrent que fumer quelques joints n'est pas grave ; or les médecins ont apporté la preuve du contraire. Fumer plusieurs joints par jour, c'est grave, et c'est une addiction. Que sait-on, d'ailleurs, des résultats des tests de dépistage de cannabis que font passer les gendarmes sur les routes ? Une vraie campagne de prévention serait utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

La disparition de la Mildeca est en effet une vraie question. Je rejoins M. Jomier : peu importe qui se voit attribuer les crédits, l'essentiel étant que la politique menée soit lisible. Or il y a pour l'heure un certain brouillage.

Les écrans deviennent en effet dans de nombreuses familles, plus qu'un moyen de faire avaler la purée, un véritable mode de garde. Il faut rappeler combien ils peuvent être nocifs. Nous avons auditionné à ce sujet le docteur Olivier Phan, qui a publié de nombreuses études sur les addictions sans substances, aux jeux notamment. La Mildeca participe aux travaux de rédaction du projet d'ordonnance réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard, défendant la réaffirmation de l'interdit de vente de jeux aux mineurs, l'encadrement du taux de retour au joueur, la limitation de l'implantation de nouveaux points de vente ou encore l'encadrement de la publicité. En outre, c'est l'OFDT qui a repris les missions de l'Observatoire des jeux.

Sur les salles de consommation à moindre risque, il faudra attendre la fin des expérimentations en cours pour en avoir une vue complète. À Paris, la file active est composée de pas moins de 1 100 personnes. J'ai visité le site l'an dernier : la situation est satisfaisante. Le quartier de Lariboisière est plutôt apaisé, il n'y a pas d'injecteurs aux abords de la salle. Il a de plus été ouvert à d'autres usagers, tels les inhalateurs. On peut toutefois regretter que les projets d'ouverture de nouvelles salles, à Bordeaux ou à Marseille, aient été suspendus en raison de l'approche des élections municipales.

Monsieur Jomier, les trois quarts des dépenses d'intervention de la Mildeca servent déjà à décliner le plan national au niveau local, grâce aux chefs de projet, qui sont souvent les directeurs de cabinet des préfets.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Les crédits de la mission « Santé » s'établiront, en 2020, à un peu plus d'un milliard d'euros, en diminution de 19,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019.

Le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, est en effet concerné par d'importantes modifications de périmètre qui le conduisent à enregistrer une baisse de ses crédits de 58 %. Les dotations de l'ANSM et de Santé publique France sont ainsi transférées à l'assurance maladie dans le cadre du PLFSS pour 2020.

La mission « Santé » se trouve désormais confrontée à une véritable crise existentielle. Le basculement vers l'assurance maladie du financement de la plupart des agences responsables de notre politique sanitaire pose la question de la pertinence d'un programme 204 qui ne comprend plus, comme opérateur à part entière, que l'INCa. Or ce dernier a lui-même vocation à voir ses moyens reportés à terme sur le budget de l'assurance maladie.

Dans ces conditions, le programme 204 ne devrait plus comprendre que des crédits épars dont la cohérence reste discutable et qui pourraient eux-mêmes faire l'objet de transferts vers d'autres programmes du budget de l'État ou vers différentes branches de la sécurité sociale. Je pense notamment aux crédits en faveur d'associations oeuvrant à la prévention des addictions qui pourraient être transférés à la Mildeca ou au fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives géré par la Cnam.

Je souhaiterais m'attarder un instant sur la situation financière des comités de protection des personnes (CPP). Conformément aux engagements pris par la ministre des solidarités et de la santé à l'automne dernier, devant l'Assemblée nationale, lors de l'examen de la proposition de loi relative à la désignation aléatoire des CPP, les moyens des CPP s'établiront, dans le PLF pour 2020, à quatre millions d'euros, soit 700 000 euros supplémentaires en rebasage par rapport à 2019.

Cette augmentation pérenne bienvenue des moyens des CPP ne permettra toutefois pas de porter à 1,5 le nombre d'ETP dans les secrétariats des CPP. Ils permettront en effet le financement de 14 ETP supplémentaires alors que les CPP sont au nombre de 39. Or certains CPP continuent de ne pas pouvoir fonctionner en été en raison des congés de leur secrétariat.

Par ailleurs, plus d'un an après le vote l'automne dernier d'une PPL en ce sens, je regrette que la modulation du tirage au sort des CPP, selon leur disponibilité et leur expertise, ne soit toujours pas opérationnelle. Le portail devant permettre cette modulation ne sera en effet pas déployé avant la fin 2019. En attendant, notre pays perd du terrain en matière d'attractivité pour la réalisation d'essais cliniques.

J'en viens aux crédits du programme 183 « Protection maladie ». Pour 2020, il est prévu de consacrer un peu plus de 934 millions d'euros au financement de l'AME, un montant inchangé par rapport à 2019.

Sur le plan de la sincérité budgétaire, reconnaissons que la dépense d'AME est de mieux en mieux maîtrisée. Les projections du Gouvernement se fondent sur une hypothèse globale de stabilisation du nombre de bénéficiaires en 2019 et 2020. Compte tenu du renforcement de la lutte contre l'immigration illégale, l'hypothèse d'un reflux du nombre de bénéficiaires à moyen terme n'est d'ailleurs pas à exclure.

Les trois CPAM centralisant l'examen des demandes d'AME, à Paris, Bobigny et Marseille, organisation qui sera enfin effective à la fin de l'année, auront en effet prochainement accès à l'outil « Visabio » qui leur permettra, en complément de leurs échanges avec les consulats, de mieux identifier les demandes frauduleuses formulées par des personnes disposant d'un visa touristique.

Nous pouvons également nous féliciter du déploiement d'un programme ambitieux de contrôle, défini en concertation avec l'assurance maladie, qui ciblera non seulement les multi-hébergeurs de personnes en situation irrégulière mais également le phénomène de « méga-consommation » de médicaments. À cet égard, tant les prescripteurs qui s'écartent de la moyenne des prescriptions, notamment de produits détournés comme stupéfiants, que les « méga-consommants », feront l'objet d'actions coordonnées en vue de leur meilleure identification. Le ciblage des « méga-consommants » a fait ses preuves dans d'autres pays pour le démantèlement de filières de revente d'opiacés.

La question de la refonte du dispositif de l'AME a cristallisé le débat engagé cet automne par le Gouvernement sur la réforme de la politique migratoire. La commission des finances du Sénat n'a pas manqué de saisir cette occasion pour redéposer des amendements tendant à restreindre sensiblement les conditions d'accès à l'AME, en allant même plus loin : elle souhaite d'abord réinstaurer, à compter du 1er janvier 2021, un droit de timbre annuel pour l'accès à l'AME.

Elle entend ensuite remplacer l'AME par une aide médicale d'urgence (AMU) et limiter le panier de soins pris en charge par cette aide, au traitement des maladies graves et des douleurs aiguës, aux soins liés à la grossesse et ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive. Elle compte en outre soumettre la prise en charge des soins non urgents ou non vitaux à l'accord préalable de l'une des trois CPAM assurant l'instruction des dossiers d'AME. Enfin, elle souhaite minorer les crédits du programme 183 de 300 millions d'euros.

Je ne vous surprendrai pas par mon opposition à l'ensemble de ces amendements, sur un sujet aussi grave que l'état de santé de personnes particulièrement vulnérables. Le droit de timbre a déjà été expérimenté et a montré son inefficacité. Faute d'accès aux soins de prévention, les personnes en situation irrégulière se présentent en effet aux urgences avec une prise en charge dont le coût sera aggravé par leur état de santé dégradé et pèsera en définitive sur les finances des hôpitaux.

Nous ne pouvons que déplorer les affirmations entendues dans la période récente selon lesquelles l'AME serait détournée pour la prise en charge de soins de confort.

Dans son rapport d'octobre 2019, une mission des corps d'inspection mandatée par le Gouvernement a indiqué qu'il s'agissait « du milliard le plus scruté du budget de l'État ». Elle a rappelé que le panier de soins couvert par l'AME est « réduit par rapport à celui des assurés sociaux » et exclut les médicaments à faible service médical rendu, les médicaments princeps pour lesquels un générique existe, la procréation médicalement assistée et les cures thermales.

Cette même mission exclut une réduction du panier de soins de l'AME, la jugeant peu pertinente tant d'un point de vue de santé publique qu'au regard de l'objectif de maîtrise de la dépense. Le retrait de certains médicaments pourrait « constituer un risque de santé publique et aboutir à la prescription de médicaments plus chers ou à l'aggravation de l'état de santé des personnes concernées ».

Afin d'endiguer le phénomène du tourisme médical, la mission propose toutefois de conditionner la dispensation de certains soins programmés non essentiels à une durée de séjour supérieure à un an, soit au moins neuf mois après l'ouverture des droits à l'AME. Les soins concernés pourraient inclure la chirurgie orthopédique non traumatique, la chirurgie du cristallin et la chirurgie bariatrique. Le Gouvernement semble vouloir aller dans ce sens, ce qui peut soulever, à mon sens, quelques inquiétudes légitimes.

Nous devons en effet rester très prudents sur le conditionnement de l'accès à certains soins pour les bénéficiaires de l'AME. Il me semble indispensable de préserver la marge d'appréciation des soignants dans l'évaluation des besoins de chaque patient. Seule l'équipe soignante est en capacité de pouvoir définir le parcours de soins le plus pertinent pour un patient. Par exemple, si la plupart des opérations de la cataracte n'engagent pas le pronostic vital du patient, certaines situations peuvent malgré tout justifier une intervention dans des délais plus brefs.

Par conséquent, si le Gouvernement décide d'instituer un délai d'ancienneté dans le dispositif de l'AME pour bénéficier de certains soins, il me semble capital que des mécanismes d'entente préalable soient mis en place entre l'assurance maladie et l'équipe médicale afin que l'accès aux soins puisse toujours être ouvert, lorsque l'examen clinique le justifie, même si la condition d'ancienneté n'est pas remplie.

Telles sont les principales observations que je souhaitais formuler sur la mission « Santé » du PLF pour 2020 et qui me conduisent à proposer un avis favorable aux crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je partage l'analyse de notre rapporteure sur cette mission, en particulier s'agissant de la sécurisation du dispositif de l'AME.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Merci pour ce rapport, qui ouvre des perspectives. Quel serait l'intérêt de vider cette mission de son contenu en le transférant à la sécurité sociale ?

J'abonde dans le sens de la rapporteure s'agissant des CPP. Je veux d'ailleurs rendre hommage à Catherine Deroche pour la proposition de loi résultant de notre rapport d'information sur l'accès aux médicaments innovants. Restons attentifs à ce sujet majeur.

Sur l'AME, je partage également sa position. Ne revenons pas sur l'équilibre qui a été trouvé, qui protège les bénéficiaires de l'AME, leur entourage, et en définitive la santé publique, tout en épargnant à l'hôpital une importante charge de travail. Plus prosaïquement, ce n'est pas aux services d'urgences de vérifier si les gens bénéficient ou non de l'AME.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Merci pour ce rapport très détaillé. Les rapporteurs qui se sont succédé ce matin ont manifesté un esprit très critique mais leur conclusion est toujours décevante, car leurs propos plaideraient plutôt chaque fois pour un vote défavorable !

La baisse de 20 %, soit environ 25 millions, est liée au transfert du financement de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) vers la sécurité sociale. Cela concerne aussi l'AME, inscrite au programme 183, et les actions de prévention du programme 204. Je m'inquiète des effets du délai de carence de trois mois imposé aux demandeurs d'asile pour bénéficier d'une protection maladie : cela risque d'avoir des conséquences sur la santé publique, alors que les coûts réels de cette prise en charge sont tout à fait modiques. Bref, c'est une aberration médicale, autant qu'économique et sociale.

Ce transfert ne risque-t-il pas d'avoir aussi une incidence sur la politique menée en matière de prévention ?

Ne contribue-t-il pas, en outre, à baisser artificiellement les charges sur le budget de l'État, puisqu'elles reposeront sur celui de la sécurité sociale ? Nous avons observé un phénomène analogue en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Amiel

Je rejoins également la rapporteure sur le programme 183 : son objectif est de soigner les gens en grande détresse sanitaire et dont la dégradation de l'état de santé pourrait générer des dégâts importants en termes de santé publique. Les dépenses de ce programme sont passées, grosso modo, de 500 à près de 900 millions d'euros. Les abus existent, mais ils sont marginaux. D'ailleurs, le fait de les combattre, en identifiant les filières et les cas de tourisme médical, revient à protéger le dispositif en rappelant ce pour quoi il est fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Sur le programme 204, je souscris aux propos tenus par la rapporteure. Je ne trouverais pas bon que le budget de l'État en matière de santé finisse par se résumer à l'AME. Ce serait un contre-signal politique total.

Le transfert du financement de l'ANSP vers l'assurance maladie suscite, partout où j'en ai entendu parler, une incompréhension si grande que je me demande comment l'Assemblée nationale a pu le voter.

Sur le programme 183, je voudrais dénoncer la mise en scène à laquelle nous avons assisté, qui a commencé par la dénonciation de la fraude. Le secrétaire général du parti présidentiel nous a tout de même expliqué que des femmes se faisaient poser des prothèses mammaires aux frais de l'AME, avant de se rétracter. De vraies fausses nouvelles ont ainsi été versées au débat public dans un objectif politique. La mise en scène a continué avec le rapport de l'IGAS et de l'IGF sur la réalité de la fraude : nous allions voir ce que nous allions voir ! Et nous avons vu... Il faut être sérieux : le rapport montre que la fraude à l'AME existe, mais qu'elle est trois fois inférieure à la fraude à l'assurance maladie. La fraude est marginale, et se limite à quelques filières organisées. Si l'on me demande d'enrayer la fraude et de lutter contre les filières organisées, je signe sans réserve. Mais instrumentaliser la fraude pour empêcher d'honnêtes personnes d'accéder à un dispositif auquel ils ont droit, ça, c'est inacceptable.

Sur le délai de carence, distinguons le droit formel du droit réel. Le droit formel proposé consiste en un délai de trois mois de carence pour bénéficier de l'AME. Dans la réalité, c'est beaucoup plus long, ceux qui ont rempli un dossier d'AME - ils sont concentrés à Paris, Bobigny et dans les Bouches-du-Rhône - le savent : il faut six à neuf mois pour faire ouvrir les droits ! Pendant ce temps, les malades vont se faire soigner à l'hôpital ou en ville. Un bénéficiaire de l'AME qui suit un traitement chronique subit en outre des ruptures de prise en charge. Si j'ai bien compris, le Gouvernement justifie les trois mois de carence par la symétrie avec nos compatriotes revenant de l'étranger. Espérons que ce sera le droit réel ; nous en reparlerons dans deux ans. Mais, de fait, l'ingéniosité administrative empêche le droit de s'appliquer.

Je défends pour ma part la position de l'Académie de médecine et du Défenseur des droits : pour appliquer le droit commun, exercer les contrôles nécessaires et faire en sorte que les personnes soient soignées, il faut fondre ce régime dans celui de l'Assurance maladie. Pour le coup, ce serait un bon transfert.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

Je remercie la rapporteure pour ce rapport. Je la rejoins sur l'AME : il faut absolument préserver la population. Je regrette également que les crédits partent du côté de l'assurance maladie : c'est un mauvais signal donné à la population.

Je défendrai un amendement sur la maladie de Lyme - vous savez que le sujet me tient à coeur. La prévention et la recherche nécessitent des crédits supplémentaires et la mobilisation des professeurs et des médecins. Les malade sont en errance et continuent de souffrir, privés de solution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Le périmètre de ce programme 204, qui ne contient plus guère que l'AME, me préoccupe également. Faut-il intégrer l'AME au PLFSS ? C'est une question qui mérite d'être posée.

Je partage les propos des orateurs précédents, notamment ceux de Michel Amiel et Bernard Jomier, et je remercie la rapporteure et le président de mettre un terme à ce faux débat, porté quasiment tous les ans par certains de nos collègues, notamment de la commission des finances, sous de faux prétextes d'économies chaque année démentis par les faits ! Heureusement que les médecins ont une déontologie qui passe avant les considérations budgétaires, et qui est l'honneur de notre pays. Le vrai problème est de savoir comment nous traiterons les personnes atteintes de maladies chroniques, qui repartent et reviennent avec des visas touristiques... Ce dernier est parfois difficile à obtenir, car on sait pourquoi ils viennent. On ne peut cependant pas les laisser tomber ! J'ai déjà réussi à obtenir plusieurs fois du préfet une certaine mansuétude pour que des personnes ne pouvant être soignées dans leur pays d'origine continuent à l'être dans le nôtre. Ce n'est pas du tourisme, mais tout simplement un devoir de solidarité et d'humanité ! Aussi suis-je heureux que la commission prenne cette position.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame Guillotin, le Gouvernement prétend que l'effort de prévention sera rendu plus lisible par le transfert à l'assurance maladie de certaines agences. Je crains l'effet inverse, comme nombre d'entre vous apparemment. D'autant que le Gouvernement a des objectifs ambitieux en matière d'éradication de certaines pathologies : l'hépatite C en 2025, le Sida en 2030... Il y faut un effort d'investissement lisible pour y parvenir.

La proposition de loi que vous avez déposée vise à désengorger les CPP. Le tirage au sort conduit en effet à un flux constant de dossiers, les secrétariats sont engorgés, et ne peuvent tenir les délais, ce qui pénalise l'action médicale et la recherche. Il est regrettable que les crédits nécessaires pour tenir les délais n'aient pas été alloués aux CPP.

Madame Cohen, les annonces du Gouvernement ne se traduisent pas dans les crédits du programme 183, qui affiche toujours, comme en 2019, 934 millions d'euros. Elles ne font que lancer une polémique détestable. Il est prévu que le nombre de bénéficiaires augmente légèrement, comme celui des contrôles. Il y a quelques années, les crédits étaient plus faibles et nous étions quelques-uns à les trouver insuffisants : ils sont désormais à la hauteur de la dépense nécessaire.

Si transfert il devait y avoir, mieux vaudrait, selon moi, que ce soit sur la mission « Solidarité » plutôt qu'à l'assurance maladie, car les bénéficiaires de l'AME n'ont pas cotisé à l'assurance maladie : la politique qui leur est destinée est bel et bien d'ordre humanitaire.

Monsieur Amiel, les personnes qui entrent avec un visa touristique sont en situation régulière, mais il ne faudrait pas que les détournements de procédure portent atteinte à l'objectif même de l'AME. Les CPAM vont encourager les contrôles ; faisons également confiance aux soignants. Lorsque les droits à l'AME ne sont pas ouverts, les soins d'urgence peuvent toujours être pris en charge. Depuis 2010, 40 millions d'euros de participation de l'État aux soins urgents sont prévus à cet effet. La dépense est toutefois supérieure, et l'État ne l'assume en réalité qu'à hauteur de 50 % environ - un peu plus ou un peu moins selon les années.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèveront en 2020 à 25,5 milliards d'euros. Par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2019, ils traduisent une augmentation de 6,7 %, que l'on doit toutefois ramener à 3,3 %, compte tenu de l'ouverture de crédits supplémentaires de 839 millions d'euros figurant au projet de loi de finances rectificative pour 2019. Pour rappel, ces crédits avaient bondi de 21,6 % entre 2018 et 2019, en raison, notamment, de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité décidée à la suite de la crise des « gilets jaunes ».

Près de 80 % des crédits de la mission servent à financer deux dispositifs : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), à hauteur de 10,5 milliards d'euros, et la prime d'activité, à hauteur de 9,5 milliards d'euros. La mission « Solidarité » se distingue ainsi des autres missions du budget puisque le fait générateur de la dépense, étroitement lié au nombre de bénéficiaires potentiels des deux principales allocations de solidarité financées par l'État et à leur taux de recours, présente un caractère en grande partie non maîtrisable.

Le dynamisme budgétaire des crédits de solidarité se justifie par leur vocation à « redonner du pouvoir d'achat aux Français » et à « valoriser le travail », deux objectifs louables, mais qui n'ont jamais été cadrés par un pilotage précis. Il s'inscrit aussi dans un contexte d'augmentation de la pauvreté et des inégalités : le taux de pauvreté s'est établi à 14,7 % de la population française en 2018, en augmentation de 0,6 point, selon les estimations provisoires publiées par l'Insee, des estimations à nuancer, car elles ne tiennent pas compte de la baisse des loyers dans le parc social. En 2018, quelque 9,3 millions de personnes, contre 8,8 millions en 2017, vivaient ainsi en France sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, les inégalités, mesurées par l'indice de Gini, auraient augmenté.

Alors que le Gouvernement a engagé, dans le cadre de sa stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, une concertation en vue d'une réforme de l'ensemble du système de minima sociaux, il m'a semblé important d'examiner l'évolution et la pertinence des différentes allocations et aides financées par la mission.

Au sein du programme 157 relatif au handicap et à la dépendance, dont les crédits s'élèveront à 12,2 milliards d'euros en 2020, l'AAH a fait l'objet de revalorisations exceptionnelles en 2018 et 2019, tempérées par une modification de son mode de calcul défavorable à certains allocataires. En effet, le montant maximum de l'AAH a été revalorisé en deux temps : de 819 euros en mai 2018, il a été porté à 900 euros à compter du 1er novembre 2019. Cet effort, qu'il faut saluer, est sans précédent depuis le plan de revalorisation pluriannuel 2008-2012. Mais, parallèlement, les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont été durcies : le pourcentage de majoration pour calculer le plafond de ressources pour un allocataire en couple, égal à 100 % jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 81 % au 1er novembre 2019. Couplée avec la revalorisation de l'allocation, cette mesure a entraîné une diminution de 9 euros du plafond de ressources pour un allocataire en couple. Il en résulte que, si 90 % des allocataires ont bénéficié à plein de la revalorisation, une frange des bénéficiaires de l'AAH n'en a effectivement tiré aucun bénéfice.

Bien qu'attaché à la prise en compte des revenus du conjoint dans la détermination du droit à cette allocation de nature solidariste, conformément à la position adoptée par la commission en octobre 2018, je considère que la baisse du plafond pour les allocataires en couple a été trop brutale, même si celui-ci reste élevé par rapport à celui qui est applicable à d'autres minima sociaux. La suppression du complément de ressources pour les nouveaux allocataires à compter du 1er décembre 2019 contribue également à la perception mitigée de leur situation par les personnes concernées par l'AAH.

Je vous aurais proposé de revenir par amendement sur ces modifications des modalités d'attribution si celles-ci n'étaient pas de niveau réglementaire, ou soumises à l'article 40 de la Constitution.

Pour 2020, le projet de loi de finances prévoit une « augmentation maîtrisée » de l'AAH de 0,3 % au 1er avril qui, avec une prévision d'inflation de 1 %, doit permettre de réaliser une économie de 100 millions d'euros. L'AAH a aujourd'hui rejoint un niveau inédit depuis plus de trente ans par rapport au seuil de pauvreté. Il convient de veiller à ce que cette sous-revalorisation proposée pour 2020 ne devienne pas la règle, amorçant un nouveau décrochage du pouvoir d'achat des allocataires dans le temps.

Par ailleurs, dans l'éventualité d'une intégration de l'AAH au sein du futur revenu universel d'activité, je tiens à souligner les spécificités d'une allocation qui ne saurait être réduite à un minimum social de droit commun. Il s'agit notamment des règles de prise en compte des revenus professionnels, s'agissant de personnes confrontées par construction aux plus grandes difficultés, voire à l'impossibilité de s'insérer ou de se maintenir dans l'emploi.

Je suis donc très réservé à l'égard d'une absorption de l'AAH dans une prestation universelle et, plus généralement, de la convergence vers le droit commun de prestations qui ont initialement été conçues pour répondre aux besoins de publics spécifiques. Toutefois, l'intégration de l'AAH dans la refonte des minima sociaux pourrait permettre de corriger certains défauts de l'allocation, qui n'apporte pas à ses bénéficiaires une aide suffisamment individualisée. En effet, le fait que le niveau du soutien additionnel apporté aux personnes de conditions de vie modestes lorsqu'elles sont en situation de handicap dépend largement de la situation familiale des intéressés, comme tendent à le montrer les calculs de France Stratégie, ne répond à aucune logique évidente. Il est par ailleurs possible de montrer que, sous l'effet des règles de cumul entre l'AAH et la prime d'activité, une personne handicapée bénéficiaire de l'AAH est très peu rétribuée lorsque sa quotité de travail s'approche d'un temps complet, à un niveau proche du Smic.

En outre, compte tenu des recoupements entre le handicap et l'invalidité, il semble pertinent d'envisager dans ce cadre une unification de l'AAH et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). Cette dernière allocation fait l'objet d'une réforme initialement prévue par le Gouvernement dans le cadre du PLFSS : il s'agit, d'une part, d'aligner le niveau de ressources garanti par l'ASI avec le plafond de ressources pour bénéficier de l'allocation ; et, d'autre part, de supprimer le mécanisme de recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'ASI. Le Gouvernement annonce simultanément une revalorisation exceptionnelle de l'ASI pour porter par décret le plafond d'éligibilité à 750 euros à compter des allocations versées en avril 2020. L'impact financier de ces mesures est évalué par le Gouvernement à 14 millions d'euros à la charge de l'État en 2020.

Ces évolutions sont souhaitables et cohérentes avec la récente revalorisation de l'AAH. Il serait toutefois intéressant de permettre également, à des fins de simplification pour les allocataires, un accès direct à l'AAH aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité en modifiant les règles de subsidiarité entre ces deux allocations.

Concernant la prime d'activité, je me suis, cette année encore, livré à un exercice d'évaluation de l'efficacité de la prestation au regard des deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation financière à l'exercice d'une activité professionnelle.

Le calcul de la prime d'activité est complexe, car il emprunte aux deux logiques d'attribution des prestations sociales, la logique familiale et la logique individuelle.

La revalorisation exceptionnelle de 90 euros, à compter du 1er janvier 2019, du montant maximal du « bonus » individuel, passé de 70,49 euros à 160,49 euros, a permis au Président de la République de tenir, en partie, son engagement d'augmenter le revenu net mensuel des travailleurs rémunérés au niveau du Smic. Initialement prévus à 6 milliards d'euros dans le PLF pour 2019, les crédits alloués à la prime d'activité ont donc été portés à 8,8 milliards d'euros en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale afin de permettre cette revalorisation. Le montant de 9,5 milliards d'euros prévu pour 2020 représente ainsi une hausse de 70 % par rapport aux dépenses de 2018. C'est d'ailleurs plus du double des dépenses constatées en 2016, année du lancement de la prestation. En outre, une ouverture de crédits supplémentaires de 758 millions d'euros est demandée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, ce qui porterait le total ouvert pour cette année à 9,6 milliards d'euros soit un montant supérieur à celui qui a été anticipé dans le présent PLF. Il faut donc s'attendre à des dépenses encore nettement plus élevées en 2020.

La prime d'activité est ainsi devenue une dépense majeure de soutien du pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes. Par rapport aux premières années de fonctionnement de la prestation, la forte revalorisation du bonus semble avoir eu pour effet d'améliorer la compatibilité entre les deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation à l'activité professionnelle, même si son effet réel sur l'emploi reste difficile à quantifier.

Toutefois, certaines conclusions que j'ai esquissées les années précédentes demeurent, notamment l'effet plus incitatif de la prime pour les familles monoparentales et les couples avec enfants sous le triple effet multiplicateur de l'augmentation de la base de ressources, du quotient familial et de la majoration du montant forfaitaire. S'agissant des couples, il faut souligner l'importance de la répartition des revenus au sein du foyer, compte tenu du poids croissant de la bonification individuelle.

Il reste ainsi une interrogation quant à l'incitation de la prime à la biactivité, bien que la situation se soit améliorée en 2019. Selon l'évaluation par le Gouvernement de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, les couples biactifs percevaient un montant moyen de prime d'activité de 164 euros en mars 2019, alors que le montant moyen versé à l'ensemble des foyers bénéficiaires était de 186 euros.

Ce rapport remis au Parlement le mois dernier fait état d'un recours amélioré à la prime d'activité, y compris pour des montants réduits. Cela a pour effet de modifier le profil des bénéficiaires de la prime d'activité. Entre mars 2018 et mars 2019, la part de foyers bénéficiaires dont les revenus sont compris entre 1 250 et 2 000 euros par mois a augmenté de 39 % à 55 %. Les couples sont également plus représentés parmi les nouveaux « recourants » nouvellement éligibles.

La poursuite de l'amélioration du taux de recours, même si elle ne suffit pas à conclure sur son efficacité au regard de ses différents objectifs, permettra à la fois de mieux anticiper son impact financier et d'en mesurer plus exactement les effets.

S'agissant des crédits dédiés à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le strict cadre de la mission « Solidarité », une enveloppe de 171 millions d'euros sera consacrée en 2020 à la deuxième année de la contractualisation avec les collectivités territoriales chefs de file (départements et certaines métropoles), dans le cadre rénové proposé par le Gouvernement. Par ailleurs, des mesures d'investissement social - petits-déjeuners gratuits à l'école, tarification sociale pour l'accès à la cantine, etc. - continuent à être financées en dehors du cadre contractuel à hauteur de 44 millions d'euros. Au total, 215 millions d'euros seront ainsi consacrés à cette action en 2020, après 151 millions d'euros en 2019.

L'accent mis sur l'enfance doit être salué, car il marque l'ambition de cette stratégie de prendre le problème de la pauvreté à la racine. Le caractère épars de ces mesures peut toutefois susciter des doutes quant à leur impact réel. En outre, cette action comportant peu de mesures monétaires, mais principalement des mesures structurelles de long terme, elle n'a pas d'incidence directe sur le taux de pauvreté.

Il convient également de souligner l'effort considérable qui reste à la charge des départements, l'Assemblée des départements de France (ADF) avançant un montant total de 11 milliards d'euros pour 2019.

Telles sont mes principales conclusions sur les deux prestations les plus importantes de la mission, ainsi que sur la « stratégie pauvreté ».

J'en viens maintenant à trois autres sujets retracés par la mission « Solidarité » qui me semblent appeler une attention particulière.

Bien que le revenu de solidarité active (RSA) relève des conseils départementaux, le programme 304 participe à son financement. En effet depuis sa création au 1er septembre 2010, le RSA jeune actif est entièrement financé par l'État ; par ailleurs, le financement du RSA a été « recentralisé » pour les départements de la Guyane et de Mayotte en 2019, et sa recentralisation à La Réunion est proposée au 1er janvier 2020.

Les conditions pour bénéficier du RSA jeune actif sont très restrictives. De ce fait, le nombre de bénéficiaires n'a cessé de diminuer depuis sa création et particulièrement depuis 2016. Compte tenu de sa faible audience et de sa concurrence avec d'autres instruments - prime d'activité, Garantie jeunes -, il est permis de s'interroger sur la pertinence de ce dispositif.

L'ouverture aux jeunes des minima sociaux est un exercice complexe, qui suppose de parvenir à cibler les jeunes aux conditions de vie modestes. De ce fait, les modalités de l'ouverture aux jeunes de moins de 25 ans du futur revenu universel d'activité représentent un enjeu important, qui suscite des attentes particulières de la part des acteurs de la solidarité.

Par ailleurs, les crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes sont une nouvelle fois reconduits en 2020 à l'identique, à l'euro près, de ceux de 2019, soit un peu moins de 30 millions d'euros, en dépit des ambitions affichées par le Gouvernement en la matière.

On peut cependant relever, au sein de ce programme, une baisse de 40 % de l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, qui chute de près de 2 millions d'euros en 2019 à 1,2 million d'euros en 2020. J'estime que l'effort en faveur de cette politique mérite d'être soutenu et doit faire l'objet d'un soutien politique plus marqué ; à cet égard, la forte réduction de l'enveloppe qui lui est consacrée constitue un mauvais signal.

C'est pourquoi je vous propose un amendement tendant à transférer 800 000 euros dédiés au RSA jeune actif du programme 304, afin de rétablir à un niveau légèrement supérieur à celui de 2019 les crédits de l'AFIS, prévus dans le programme 137.

Enfin, les mineurs non accompagnés (MNA) font, depuis plusieurs années, l'objet d'une attention politique et médiatique soutenue, dont le Gouvernement a tenu compte dans les crédits qu'il leur consacre pour 2020. Les crédits consacrés à l'accueil des MNA sont ainsi passés de 15,7 millions en 2017 à 132 millions en 2018, 141 millions en 2019 puis 162 millions pour 2020.

Une fois encore, ce chiffre ne révèle aucun transfert définitif de charges ni aucune modification des principes de prise en charge : il ne fait qu'apporter une aide ponctuelle, et encore loin d'être suffisante, aux conseils départementaux. Le défi budgétaire du flux en constante augmentation des MNA reste à relever ; le nombre d'évaluations se serait élevé à 60 000 en 2018 selon l'ADF.

Je me félicitais donc que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement créant un programme budgétaire distinct au sein de la mission « Solidarité », exclusivement dédié à l'accueil des MNA. Elle est toutefois revenue sur ce vote, à l'initiative du Gouvernement, dans le cadre d'une seconde délibération. Je rappelle que notre commission avait proposé, l'an passé, un amendement allant dans ce même sens. Je vous proposerai d'adopter le même amendement afin d'inscrire dans la loi de finances la nécessaire coresponsabilité de l'État dans la prise en charge de ce phénomène.

À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous constatons des hausses, mais elles sont à relativiser. Je pense à la suppression de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) et de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), car ce dernier couvre les violences faites aux femmes. Les baisses des subventions aux associations sont regrettables.

La prime d'activité ne déresponsabiliserait-elle pas les entreprises sur leur politique salariale ? Je pense notamment aux allégements de cotisations sociales sur les bas salaires.

Cette mission comprend également plusieurs mesures d'urgences sociales et économiques qui pèsent sur le budget du PLFSS. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le revenu universel d'activité ? Comment se fait son accès ? Quelles modulations sont prévues ?

L'an dernier, nous avions été unanimes au sein de la commission pour dénoncer la baisse de l'AFIS, et je salue, monsieur le rapporteur, votre soutien en faveur de la sortie de la prostitution. Avez-vous eu des précisions sur la baisse de ces crédits ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Le plan Pauvreté sert à envoyer de l'argent vers l'hébergement d'urgence ou d'autres secteurs. Il faudrait faire le point. L'année dernière, 10 millions ont été pris dans le plan Pauvreté et transférés dans le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Dans ce programme qui traite des actions d'urgence, on enlève 10 millions aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et on voit apparaître les 10 millions du plan Pauvreté.

Il faut être volontariste sur les mineurs non accompagnés. C'est un dossier que nous évoquons tous les ans, mais nous ne répondons pas aux besoins des départements.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Dans le PLFSS, une mesure affectait les départements : le départ en retraite modifié pour les bénéficiaires du RSA. S'agissant des MNA, il faudrait répartir les charges entre l'État et les départements sans tenir compte de l'âge.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

Le titre de la mission est alléchant, mais, en réalité, aucune proposition n'est faite. Des mesures plus importantes doivent être proposées, car le plan Pauvreté est insuffisant.

Sous la pression des « gilets jaunes », la prime d'activité a été augmentée non pas de 100 euros - c'est une présentation trompeuse -, mais de 90 euros, car l'augmentation du Smic y a été intégrée. Cette prime n'est pas un moyen de lutter contre la pauvreté, car les plus modestes y échappent. En effet, seuls ceux qui ont un salaire la perçoivent. Les autres ne touchent rien du tout.

Les crédits dédiés à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants avaient été divisés par cinq l'année dernière. On ne peut pas imaginer dire à ceux qui sont déboutés du droit d'asile de rentrer chez eux sans mettre en place les moyens pour leur donner envie de s'y intégrer et d'y rester.

Sur la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, le discours est lénifiant. Il y a eu un plan Pauvreté et de grandes déclarations : l'an dernier, 150 millions d'euros avaient été accordés, mais le taux de pauvreté a augmenté et nous sommes à 14,7 %. Comment imaginer lutter contre la pauvreté avec 215 millions d'euros cette année ? C'est se moquer du monde ! Il y a une volonté de contractualisation avec les départements sur les épaules desquels on va mettre des charges supplémentaires. Ils seront déclarés coupables s'ils ne parviennent pas à remplir ces nouvelles obligations. En matière de supercheries, on atteint des sommets !

À partir du 1er décembre, le complément de ressources d'un montant de 170 euros par personne sera supprimé. La garantie de ressources pour les personnes handicapées est en même temps supprimée, ce qui leur permettait d'avoir au minimum 930 euros environ par mois. Ce sont 67 500 allocataires de l'AAH qui vont voir leurs ressources diminuer en 2020. C'est inacceptable. Je refuse également la diminution du plafond de ressources. L'AAH est versée à des personnes qui n'ont pas la possibilité de travailler et d'avoir un revenu autonome.

Enfin, sur l'égalité hommes-femmes, je rappelle que tout budget qui n'augmente pas se traduit par sa diminution. Pour une grande cause nationale, c'est étonnant.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas accepter les propositions et nous voterons contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Nous souscrivons à la sortie de la prostitution et nous demandons aussi une étude sur l'évaluation de cette loi de 2016. Là où les commissions départementales se réunissent, il y a des résultats. Mais se réunissent-elles partout ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Concernant la lutte contre la pauvreté, je suis surpris par les mécaniques qui se mettent en place. On a d'abord segmenté les catégories sans tenir compte du fait que la pauvreté sort des périmètres des quartiers prioritaires. Je pense aux retraités propriétaires d'une maison qui se retrouvent en état de pauvreté. Avec mes collègues Frédérique Puissat et Catherine Fournier, nous avons entrepris un travail sur les travailleurs des plateformes. Nous nous rendons compte que nous fabriquons des salariés pauvres, qui vont devenir des retraités pauvres. C'est l'échec de notre système professionnel avec des jeunes sans diplômes qui génère de la pauvreté. Nous avons entre 2 et 3 millions de jeunes entre 15 et 25 ans qui n'ont aucune solution. Aujourd'hui, les crédits sont tellement dispersés que je ne suis pas certain qu'ils arrivent au bon endroit. Je souhaiterais moins d'affichage et plus d'efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

La modification des conditions d'attribution de l'AAH durcit les critères d'éligibilité en fonction de la situation familiale. Serait-il possible de trouver des solutions et de discuter cette question en plénière ? Nous ne pouvons pas laisser cela ! C'est une mesure injuste.

Était-il impossible de financer l'AFIS autrement ? Il est difficilement compréhensible de prendre des crédits chez les jeunes actifs pour les mettre sur l'AFIS.

Concernant la reprise intégrale du RSA dans certains territoires ultramarins, puis de son extension en 2020 pour La Réunion, je rappelle que cette question concerne l'ensemble des territoires ultramarins. Comme il n'est pas fait mention d'une extension progressive, je m'interroge sur les bénéfices pour les autres territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Deseyne

Les conditions d'attributions de l'AAH prennent en compte les ressources du conjoint. Cela est pénalisant pour les femmes handicapées en couple et victimes de violences.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je me réjouis de l'augmentation de la prime d'activité, qui est un soutien majeur au pouvoir d'achat des plus modestes. Nous sommes passés de 3 milliards en 2016 à 10 milliards d'euros cette année.

Concernant les règles de cumul de l'AAH avec la prime d'activité, avez-vous, monsieur le rapporteur, vu beaucoup de bénéficiaires de l'AAH travailler à temps plein ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Concernant la suppression de l'ONPES, le Gouvernement veut recréer un outil autour du Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion (CNLE), mais je n'ai pas plus d'indications sur cette fusion.

Concrètement, aujourd'hui, l'AFIS ne fonctionne pas, car il n'existe pas de volonté politique. Seules 135 personnes bénéficient de cette aide. Il nous semblait fondamental de réaligner les crédits et, en parallèle, de développer cet outil sur l'ensemble du territoire national.

Les équilibres budgétaires sont limités et nous n'avons pas eu le choix : nous avons pris sur le chapitre RSA pour doter l'AFIS. Je rappelle que le RSA jeune actif est sous-utilisé, et que d'autres outils, comme la Garantie jeunes, sont mieux mobilisés.

Le revenu universel d'activité est un grand chantier, mais nous n'y voyons pas clair malgré les grands discours et les concertations. Nous ne connaissons ni le périmètre ni le calendrier et nous ignorons si l'AAH et l'APL sont concernées. Une grande communication et une consultation ont été lancées. Sur le site Internet de la délégation interministérielle, vous pouvez donner votre avis. Le vrai débat est toutefois celui des moyens à engager. Quand on espère toucher un plus grand nombre d'ayants droit, on ne peut rester à budget constant. Il faut alors envisager des moyens supplémentaires, mais jusqu'où ? Je crois que l'arbitrage se situe à ce niveau-là.

Nous observons que de nombreuses politiques adoptent une démarche où les crédits sont diminués avant d'être réaffectés sur d'autres missions. Avec une même somme, on remplit trois cases ! Ce n'est pas spécifique au Gouvernement, mais cela rend difficile notre mission.

La mission mobilise 25 milliards d'euros, monsieur Tourenne, vous ne pouvez donc pas dire qu'il n'y a rien, mais notre rôle est de pointer les effets bénéfiques ainsi que les manquements et les injustices. Concernant la pauvreté, les outils développés permettent aux personnes pauvres de sortir de la tête de l'eau, mais les plus démunis n'ont pas de solution.

Le programme d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants a été amendé à l'Assemblée nationale et ses crédits, en augmentation, ont été abondés de 100 000 euros.

Je partage, monsieur Savary, vos remarques relatives aux MNA : le vrai débat est celui de l'âge.

L'égalité hommes-femmes bénéficie de nombreuses annonces de la part de la secrétaire d'État et nous avons retenu le chiffre de 1 milliard d'euros - j'ai eu du mal à le retrouver, car il est réparti au sein de plusieurs missions. Il faut être prudent lorsque l'on annonce des chiffres ! Toutefois, j'ai rencontré les acteurs de la cause et il y a une réelle volonté politique d'avancer sur ces sujets ; beaucoup d'opérateurs réorientent leurs missions autour de ces enjeux.

Le RSA recentralisé pourrait être développé sur l'ensemble des territoires ultramarins. Il n'y a toutefois pas d'automaticité, mais le Gouvernement procède en opportunité.

Dans les cas de situation difficile pour les conjoints en période de séparation ou en situation de maltraitance, des procédures peuvent permettre la séparation du calcul et la révision de l'AAH.

Le travail à temps complet des personnes handicapées en milieu ordinaire est marginal, mais on peut en trouver qui travaillent à domicile. C'est incompréhensible, mais lorsqu'ils ont la possibilité de se rapprocher d'un temps complet, ce qui représente une victoire pour eux, ils peuvent être pénalisés financièrement.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 38

ÉTAT B

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Le premier amendement a pour objectif de matérialiser un programme budgétaire exclusivement dédié au suivi des MNA. L'idée est d'affirmer le principe de la coresponsabilité de l'État et des départements dans la prise en charge de cette politique. Nous avions adopté un amendement similaire l'année dernière.

Cet amendement est adopté.

Le deuxième amendement prévoit de réaffecter 800 000 euros du RSA jeune actif à l'AFIS.

Cet amendement est adopté.

Article 78 novodecies

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Cet amendement de coordination précise le calcul de l'allocation supplémentaire d'invalidité.

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'aux articles rattachés, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

La réunion est close à 11 h 50.