Permettez-moi d’abord de relever que, alors que nous venons de consacrer deux heures à un débat sur les 3 milliards d’euros accordés au secteur de la restauration, seules quelques minutes ont suffi à la majorité pour octroyer un cadeau de 2 milliards d’euros par an aux entreprises qui émettent le plus de gaz à effet de serre !
J’en viens maintenant à l’article 6.
Vous nous avez expliqué, madame la ministre, que, selon le Président de la République, le prix de la tonne de carbone devait être suffisamment bas pour des raisons d’acceptabilité sociale. Ce prix a ainsi été fixé à 17 euros. Or un tel prix n’est pas suffisamment élevé pour être efficace. Il n’est pas à la hauteur des enjeux et ne permet pas d’envoyer un signal prix à tous les agents économiques.
Ce prix devrait être plus élevé, ce qui imposerait une redistribution verticale en fonction des revenus, du haut vers le bas, à l’instar de ce qu’ont fait nos partenaires européens du Danemark et de la Suède. Ces pays ont fait en sorte que les ménages modestes ne soient pas « plombés » par une fiscalité écologique efficace. Autrement dit, l’instauration d’une contribution carbone efficace requérait plus de solidarité.
En effet, si l’on raisonne en termes d’efforts et de poids de la contribution carbone par rapport aux revenus, force est de constater que la contribution carbone sur les dépenses contraintes pénalise les plus faibles, à savoir les familles modestes. Autrement dit, on demande aux pauvres de faire preuve de plus de vertu écologique que les riches ! Pour que tel ne soit pas le cas, il faudrait instaurer une compensation qui tienne compte du niveau de revenu des familles. Or, si le dispositif prévu dans le projet de loi de finances tient compte de facteurs géographiques, au risque d’ailleurs de créer des controverses car les limites seront forcément sujettes à caution, s’il tient compte également de la taille de la famille – une majoration du crédit d’impôt de dix euros par enfant à charge est prévue, pensez donc ! –, en revanche, il ne tient pas compte du niveau de revenu.
Évidemment, l’instauration d’une politique redistributive des ménages les plus riches vers les ménages les plus pauvres aurait conduit le Gouvernement à renier toute la politique qu’il a engagée avec la loi TEPA, le bouclier fiscal, la préservation des parachutes dorés…
Manifestement, la droite n’a toujours pas compris que l’efficacité écologique passait par plus de justice sociale. Mais peut-elle le comprendre ? Mme la ministre nous a dit cet après-midi qu’elle faisait une confiance aveugle au marché du carbone, ce que M. le rapporteur général a critiqué à juste titre, et que le projet de loi ne modifiait pas a priori la pyramide des revenus.
Renoncer à toute redistribution en matière de compensation de la contribution carbone, c’est faire un choix purement idéologique qui nous condamne à l’impuissance !