Intervention de Pierre Jarlier

Réunion du 30 janvier 2007 à 16h00
Droit opposable au logement — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Pierre JarlierPierre Jarlier, rapporteur pour avis :

... pour ne pas remettre en cause les efforts déployés par les maires ou les bailleurs sociaux en faveur de la mixité sociale et de la rénovation urbaine des quartiers sensibles.

Le troisième risque est de provoquer des déceptions au sein de notre société.

En effet, les personnes défavorisées seraient extrêmement déçues si, au terme d'un long parcours jalonné par la constitution d'un dossier, la saisine de la commission de médiation puis du juge administratif, elles ne parvenaient qu'à obtenir la condamnation de l'État à leur verser une indemnité et à payer une astreinte dont le produit serait versé aux fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain, ce qui ne réglerait pas leur situation.

Enfin, la saturation des juridictions administratives constitue un quatrième risque non négligeable car, sans moyens supplémentaires, les juridictions ne peuvent traiter convenablement un contentieux qui s'annonce massif.

Compte tenu de ces observations, la commission des lois propose plusieurs aménagements au texte qui nous est proposé.

Ces propositions répondent à trois volontés fortes.

Première volonté, nous voulons affirmer la responsabilité de l'État comme garant du droit opposable au logement et ouvrir le champ de l'expérimentation locale.

Le garant du droit au logement et à l'hébergement doit être en toutes circonstances l'État, et donc y compris en cas de délégation du contingent préfectoral. En effet, une délégation n'implique pas un transfert de compétence, et le délégataire agit pour le compte et sous le contrôle de l'État en l'occurrence. Cela est d'autant plus vrai que l'État, en cas de refus du bailleur social de loger un demandeur, peut se substituer à son délégataire pour procéder à l'attribution d'un logement.

La commission des lois proposera donc de supprimer les dispositions prévoyant une opposabilité du droit au logement aux communes et aux EPCI délégataires du contingent dans le dispositif général.

Pour autant, souscrivant à la proposition d'une expérimentation locale lancée par le Premier ministre et formulée par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, la commission des lois vous propose de permettre aux EPCI délégataires des aides à la pierre qui le souhaitent d'assurer - en contrepartie de compétences renforcées, notamment en matière de police -, pour une durée de six ans, la responsabilité du droit au logement opposable, avec l'accord des maires des communes naturellement.

Dans ce cas, une convention EPCl-État associerait également le département pour offrir à ce dispositif les moyens d'un accompagnement social des demandeurs, gage de la réussite dans ce domaine aussi.

Deuxième volonté, la commission des lois souhaite distinguer aussi le droit à l'hébergement et le droit au logement opposable, et prévoir un calendrier adapté à l'urgence, mais aussi un calendrier réaliste au regard de l'offre actuelle de logements.

Il convient, en effet, de clarifier les contours du droit au logement pour l'adapter clairement à la nature de la demande.

Le droit à l'hébergement constitue le premier niveau du droit au logement : c'est un droit à un accueil en structure d'hébergement, en établissement ou en logement de transition, ou encore en logement dans un foyer.

Ce droit, le plus urgent pour offrir un toit aux quelque 100 000 personnes sans abri, pourrait être mis en place dès le 1er décembre 2007. Il offrirait ainsi une garantie d'hébergement aux personnes les plus en difficulté dès l'hiver prochain.

J'ajoute que ce calendrier semble réaliste au regard des efforts considérables consentis par le Gouvernement pour offrir de nouvelles places d'hébergement depuis cinq ans.

Le droit au logement décent et indépendant ou le droit à se maintenir dans un tel logement doit être précisé, car il diffère du simple droit à obtenir une aide pour se loger, comme le précisait la loi Besson de 1990.

Pour les catégories de demandeurs d'un logement locatif social pouvant saisir la commission de médiation sans délai, le recours juridictionnel pourrait être possible à compter du 1er décembre 2009 pour tenir compte de l'offre réelle de logements et des effets attendus de la totalité du plan de cohésion sociale.

Cette position pourrait être revue si le Gouvernement, en répondant à la demande des trois commissions saisies, s'engageait à accélérer encore la construction de logements très sociaux sur les trois ans à venir.

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