Intervention de Alain Marc

Réunion du 3 mars 2020 à 14h30
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Alain MarcAlain Marc :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le règlement européen du 12 octobre 2017 a institué un Parquet européen chargé de poursuivre les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne. Dans chaque État membre, au moins deux procureurs européens délégués doivent être désignés afin de conduire, sur le plan opérationnel, les enquêtes et de représenter le ministère public devant les juridictions de jugement.

Pour assurer l’indépendance du procureur européen délégué par rapport aux autorités nationales, le projet de loi prévoit dans son titre Ier que celui-ci soit placé en dehors de la hiérarchie du parquet français : il n’est tenu de mettre en œuvre ni les orientations de politique pénale fixées par le garde des sceaux ni les instructions données par le procureur général près la cour d’appel.

Il met en œuvre, en revanche, les orientations arrêtées par le collège du Parquet européen et applique, le cas échéant, ses instructions dans un dossier particulier.

Les procureurs européens délégués peuvent exercer les prérogatives reconnues en droit français au procureur de la République, mais aussi prendre des mesures qui relèvent habituellement de la compétence du juge d’instruction, par exemple prononcer une mise en examen.

L’organisation d’un Parquet européen hiérarchisé n’est pas compatible avec le statut du juge d’instruction, qui garantit son indépendance et lui interdit de recevoir des instructions. Pourtant, les nécessités de l’enquête, notamment dans les affaires graves ou complexes, peuvent justifier de recourir à des actes réservés au juge d’instruction, comme des écoutes prolongées ou un placement en détention provisoire.

C’est pourquoi le procureur européen délégué pourra conduire les investigations en se situant soit dans le cadre procédural de l’enquête préliminaire ou de l’enquête de flagrance, soit dans le cadre procédural de l’instruction, soit dans ces deux cadres successivement. Cette construction inédite et pragmatique permet de satisfaire aux exigences du droit de l’Union européenne, tout en apportant des modifications d’ampleur limitée au code de procédure pénale puisque ce sont les règles de procédure habituelles, propres à l’enquête ou à l’instruction, qui s’appliqueront.

Cette organisation décentralisée n’était toutefois pas celle qui avait été envisagée par la Commission européenne lorsque celle-ci avait présenté, en 2013, sa proposition initiale de règlement portant création du Parquet européen. Ce projet de la Commission était, à l’origine, très intégré : un procureur unique aurait disposé d’une compétence exclusive pour mener des enquêtes dans toute l’Union européenne.

Ce projet s’est heurté à la ferme opposition de plusieurs États membres.

En effet, pour la première fois, 14 chambres parlementaires nationales, dont le Sénat français, ont mis en œuvre la procédure dite du « carton jaune », estimant que la proposition de la Commission européenne ne respectait pas le principe de subsidiarité.

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