Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 27 septembre 2010 à 21h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dix ans après l’ouverture du marché de l’électricité, le Parlement se trouve saisi d’un texte qui vient fonder le cadre du marché de l’électricité de notre pays.

Il s’agit d’un enjeu important puisque, en dix ans, le Parlement aura été saisi neuf fois et aura examiné sept lois.

Cet enjeu interpelle nos concitoyens, conscients que notre pays a su faire les investissements courageux et les bons choix pour se doter d’un outil de production de qualité, répondant à la demande et offrant un service d’un coût parmi les plus bas.

Nous savons que l’un des objets de la loi est de satisfaire aux règles de libre concurrence au regard des exigences communautaires.

Nous avons bien compris cette nécessité, monsieur le secrétaire d’État, et, au moment où le Parlement a été saisi de la loi NOME, vous avez lancé le calendrier du renouvellement des concessions hydrauliques.

Considérant qu’il aurait pu être utile que l’ensemble des investissements soit pris en compte pour déterminer la valeur de l’outil de production, j’ai eu la curiosité d’une étude comparée des régimes appliqués par les autres pays européens en matière hydraulique.

Force est de constater que, si la France est le pays qui a la capacité de production la plus importante, il est aussi celui dont la production sera la plus ouverte à la concurrence.

Pour ne pas toujours tout reprocher à Bruxelles, je précise que l’une des contraintes importantes résultera d’ailleurs de la loi Sapin. Voté en 1993, ce texte soumet à l’obligation de concurrence les concessions des installations hydrauliques d’une puissance supérieure à 4 500 kilowatts.

Le respect de la libre concurrence n’est pas incompatible avec la défense de ses intérêts nationaux. Nos voisins européens semblent d’ailleurs avoir moins de complexes que nous pour vivre cette double exigence.

Je ne parlerai pas des exemples célèbres d’industries françaises auxquelles l’Europe aura, au nom de la libre concurrence, porté un coup sérieux, sinon fatal.

Si je me permets d’insister sur ce premier point, monsieur le secrétaire d’État, c’est que la France a la chance d’avoir des entreprises leaders de tout premier plan en matière d’énergie.

Or l’Union française de l’électricité, l’UFE, et l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE, considèrent que ce ne sont pas moins de 30 000 milliards de dollars d’investissements – je dis bien « 30 000 milliards de dollars » ! – qui devront être réalisés dans le monde d’ici à 2030 pour satisfaire la demande d’électricité.

Il importe donc que les nouvelles règles du marché ne viennent pas affaiblir nos entreprises nationales qui, vous le savez, sont attendues par bien des pays dans le monde. Je vous remercie d’avance, monsieur le secrétaire d’État, de votre vigilance sur ce point.

Compte tenu de la grande qualité des travaux conduits par notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, que j’entends saluer, et des différentes contributions, dont les conclusions du rapport Poignant-Sido, je m’en remettrai largement aux propositions de la commission.

Parmi les points que je souhaiterais développer, il en est un au cœur des enjeux de la future loi NOME qui conjugue à la fois les défis du développement durable et les préoccupations économiques et industrielles : il s’agit de l’effacement.

Je n’évoquerai pas les questions de « l’interruptabilité » de l’article 2 ter, qui relève davantage de la sécurité du réseau, préférant insister sur l’effacement de la période de pointe dite « des 500 heures ».

Il s’agit d’une question majeure en termes de production, puisque l’augmentation annuelle des besoins des dix prochaines années est évaluée, selon les estimations, de 0, 7 à plus de un gigawatt par an, soit l’équivalent d’au moins une nouvelle centrale thermique de forte capacité chaque année.

Cette production n’étant satisfaite que par une énergie fossile, avec un taux d’émission élevé de CO2 au coût d’au moins 300 euros par mégawatt selon l’étude d’impact de l’Assemblée nationale, elle équivaut à au moins 10 millions de tonnes de CO2 par an…

Cette situation a d’ailleurs conduit l’Europe à formuler des exigences très fortes à l’égard de la France, en demandant une réduction des capacités de production des centrales thermiques et une amélioration des traitements.

Or cette situation n’est pas irréversible. Il y a plus de dix ans, EDF procédait à deux fois plus d’effacement qu’aujourd’hui, situation que le président de l’UFE soulignait, lors de son audition, en insistant sur le fait que, en France, le prix reflète de plus en plus mal le coût de la puissance.

Les États de l’est des États-Unis de taille comparable à la France ont un volume d’effacement sept fois supérieur au nôtre, après avoir justement mis en place les bons outils et la bonne rémunération.

À terme, le secteur résidentiel constituera, c’est vrai, un gisement considérable. Mais il s’agit d’un parc de particuliers qui nécessite un équipement individuel, lequel ne pourra être installé que dans la durée.

En revanche, les gros consommateurs, notamment les électro-intensifs, disposent de capacités qui pourraient être immédiatement mobilisées.

Les expériences et interrogations de RTE ne font d’ailleurs que justifier la nécessité d’organiser cette mobilisation de capacité, en attendant la mise en place d’un marché capacitaire.

Mais cette mobilisation nécessite aussi une juste rémunération pour impliquer les gros consommateurs, comme l’étude d’impact de l’Assemblée nationale l’a souligné avec pertinence.

C’est pourquoi, dans le prolongement du principe des capacités d’effacement posé par le projet de loi NOME, j’ai déposé, avec mon collègue Bruno Sido, un amendement précisant les règles d’un dispositif provisoire. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos propos et de votre écoute à cet égard.

Je tenais également à souligner, monsieur le secrétaire d’État, le formidable travail de vos collaborateurs, aux côtés de la commission des affaires économiques du Sénat, pour appréhender au mieux ce dispositif, qui constituera un vrai outil et même une novation au regard des enjeux du Grenelle.

Je le dis avec assurance, monsieur le secrétaire d’État, les capacités d’effacement des gros consommateurs peuvent répondre aux besoins d’effacement des dix prochaines années.

En fait, ce marché de l’effacement ne demande qu’à disposer de bons outils. J’évoquerai l’importance de la fluidité, qui doit relever des responsables d’équilibre, avec la possibilité d’achat ou de vente par bloc si l’on ne veut empêcher les gros consommateurs de devenir producteurs.

La contrepartie, vous l’avez compris, c’est la juste rémunération, qui constituera un juste prix compatible avec les exigences communautaires à l’égard de gros consommateurs industriels qui, soumis à une forte concurrence, se trouvent dans la situation de perdre progressivement les bénéfices de leurs situations respectives, qu’il s’agisse de l’article 8 de la loi de 1946, des contrats dits spéciaux, des tarifs réglementés intégrés ou des tarifs verts, pour ne pas parler de ceux qui relèvent du TARTAM.

Dans le prolongement de ce nécessaire soutien à l’industrie, il convient que soit conforté le dispositif mis en place avec Exeltium en l’ouvrant plus largement aux gros consommateurs à l’occasion du prolongement de vie des centrales nucléaires.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie, là aussi, de l’ouverture dont vous avez fait état.

Je regrette de ne pouvoir soutenir, monsieur le rapporteur, le dispositif qui aurait permis de revoir le prix du transport de l’électricité pour les gros consommateurs, en particulier les électro-intensifs qui se trouvent au bas des centrales de production, notamment sur la part variable. J’ai bien compris que ce point n’avait aucune chance de séduire la commission.

Je comprends également, monsieur le rapporteur, votre souci de voir les producteurs participer à l’intégralité des coûts de branchement et d’extension des réseaux. Je me permets simplement, monsieur le secrétaire d’État, d’interpeller le Gouvernement sur deux considérations.

D’abord, on ne peut pas, après avoir incité, par un dispositif généreux, aux énergies renouvelables, se mettre brutalement à diminuer en aval les avantages qui avaient été octroyés et, en amont, les faire contribuer à des coûts d’extension de réseaux.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion