Intervention de Jacques Muller

Réunion du 27 septembre 2010 à 21h30
Nouvelle organisation du marché de l'électricité — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Deuxièmement, pour nos concitoyens, la disposition qui obligera EDF à céder contractuellement à ses concurrents 25 % de sa production nucléaire, avec pour conséquence la hausse programmée du prix de l’électricité – tous les acteurs industriels l’ont déjà provisionnée – apparaît à juste titre comme une véritable usine à gaz.

Cette usine à gaz, la NOME, est le reflet de la fracture grandissante qui traverse la majorité – du reste fort peu nombreuse aujourd’hui -, divisée entre des gaullistes attachés à un secteur nucléaire étatisé et des libéraux tout aussi adeptes de la production nucléaire, mais qui continuent de ne jurer envers et contre tout que par la sacro-sainte loi du marché. Bonjour le grand écart !

Troisièmement, la disposition selon laquelle la cession de courant nucléaire aux opérateurs privés se fera à prix coûtant, c’est-à-dire au prix de revient, laisse pour le moins perplexe. Je crois qu’il faut en finir avec le mythe selon lequel le courant nucléaire serait le plus rentable. C’est devenu un secret de polichinelle : le prix du courant nucléaire affiché aujourd’hui a beau être inférieur à celui de la plupart de nos voisins européens, moins nucléarisés, il n’internalise pas un certain nombre de coûts qui seront, pour l’essentiel, reportés sur les générations futures.

Il s’agit principalement du coût de traitement des déchets nucléaires, dont les filières s’évaporent à l’étranger, notamment en Russie, et de celui du démantèlement des centrales en fin de vie. À cet égard, force est de constater que, dans le monde entier, aucun site de centrale nucléaire définitivement arrêtée n’a été traité. Three Mile Island et Tchernobyl ont implosé ; quant aux autres, ils sont devenus des sites dangereux, interdits d’accès et fortement surveillés. Mais nulle part la technologie du démantèlement et du traitement n’a été développée.

Il en résulte que les provisions affichées à cet effet ne reposent sur rien de tangible. EDF préfère pratiquer l’acharnement thérapeutique, notamment sur des centrales manifestement obsolètes, comme celle de Fessenheim, en Alsace, le premier prototype PWR de France, qui se distingue par un nombre de pannes quatre fois supérieur à la moyenne des pannes constatées sur l’ensemble du parc nucléaire français !

Il s’agit donc d’éviter d’ouvrir la boîte de Pandore, de peur d’être confronté à la vérité des prix... Voilà une posture que l’on peut évidemment mettre en parallèle avec les difficultés que rencontre actuellement le programme EPR, alors que le Gouvernement fait de la relance du nucléaire sa priorité en termes de politique énergétique !

Enfin, quatrièmement, ce projet de loi se distingue par une omission tout à fait emblématique du désormais célèbre adage présidentiel : « L’environnement, ça commence à bien faire ! ». Dans le cadre d’une loi NOME, on ne pouvait pas éluder la question centrale de la tarification, actuellement fortement dégressive, donc antisociale et anti-écologique : plus on consomme, moins on paie !...

Un tel dispositif, qui pénalise les ménages les plus modestes vivant dans des appartements mal isolés et chauffés à l’électricité, ne peut que contribuer à la précarité énergétique. De surcroît, il encourage la voracité et le gaspillage énergétiques, qui se voient aujourd’hui institutionnalisés. Une loi NOME effective aurait dû introduire une tarification nouvelle qui récompense la vertu écologique et sociale...

Or telle n’est manifestement pas la priorité de la majorité présidentielle. Seule compte la libéralisation du marché de l’électricité au profit des grands groupes industriels et financiers du secteur privé !

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