La commission des lois comme la commission des affaires sociales recommandent à notre assemblée de rejeter ces amendements, pour une raison très simple : il nous paraît indispensable de donner à l’État la capacité de dépister chaque semaine 400 000, 500 000, 600 000 personnes – je ne sais pas exactement combien –, sur la base de l’identification de nos concitoyens qui auront été en contact avec des porteurs du virus.
La tâche est titanesque. Je puis donc comprendre qu’on ait recours aux outils les plus efficaces pour la mener à bien, étant entendu qu’il vaut mieux apprendre qu’on a rencontré un porteur du virus le plus tôt possible : car chaque jour de perdu, ce sont des contaminations supplémentaires.
Le caractère massif de ce système d’information centralisé doit répondre au caractère massif de l’épidémie. Il n’y a pas de déconfinement possible si la France n’est pas en mesure de procéder à cette identification des personnes ayant été en contact avec des porteurs du virus.
Le texte dont nous débattons n’est porté à notre connaissance de législateur que pour une seule et unique raison : avec tant de personnes à contacter, on ne peut pas se reposer sur des médecins ; or le dispositif prévu supposera la manipulation d’informations de nature médicale.
Avec la commission des affaires sociales, la commission des lois entend que ces informations soient limitées au strict nécessaire, à savoir : telle personne est-elle ou non porteuse du virus ? Reste qu’il s’agit déjà d’une information personnelle, nominative, concernant la santé de chacun.
Nous avons donc besoin de déroger au secret médical, un principe fondamental qui, d’ailleurs, n’est pas fait pour le médecin, mais pour le malade, ce qui nécessite l’adoption d’une disposition législative, car on ne peut le faire uniquement pour les besoins de l’administration. Chaque fois qu’on déroge au secret médical, on le fait sur une base législative, et non sur la base d’un décret du pouvoir exécutif, parce que la loi protège mieux les libertés que le pouvoir exécutif, même s’il est, bien évidemment, respectueux de l’État de droit.
Le Gouvernement pourrait fort bien mettre en place un système d’information centralisé sans le législateur. Le règlement général de protection des données (RGPD) que nous avons transposé dans la loi française l’y autorise, car son article 9 prévoit des dérogations au principe selon lequel on ne doit pas procéder à des traitements nominatifs de données de santé, des dérogations claires et destinées à servir un intérêt majeur de santé publique. Or si nous ne sommes pas en présence d’un intérêt majeur de santé publique, je n’ai rien compris à la situation dans laquelle se trouve actuellement notre pays…
La question du recours à un système numérique est donc déjà tranchée : le Gouvernement a le droit d’y recourir. En revanche, il n’a pas le droit d’ouvrir à d’autres que des médecins ces informations, même très réduites, mais qui concernent la santé des personnes figurant dans la base de données, à moins que la loi ne l’y autorise.
Telle est, en réalité, la seule question qui nous est posée, parce que c’est la seule qui relève de la loi. Évidemment, cette question posée, nous attrayons à nous l’ensemble des autres, et il est bien normal, s’agissant d’un dispositif sans précédent, que le Parlement se prononce globalement.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois a demandé des garanties. Je ne vais pas les énumérer de nouveau, mais j’appelle le Gouvernement à accepter l’amendement du groupe socialiste et républicain tendant à exiger l’avis conforme de la CNIL sur le décret mettant en œuvre le système d’information ; c’est une garantie supplémentaire dont nous avons besoin, et que M. Hervé souhaite sans doute également.